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L'oeuvre de René THOM |
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René THOM :
Né le 2 septembre 1923 à Montbéliard, éléve à l'Ecole Normale sup., agrégé de Mathématiques, chargé de recherche au CNRS, il enseigne aux Facultés de sciences de Grenoble puis de Strasbourg (1953-1964) avant d'être professeur permanant à l'IHES (Institut des Hautes Etudes Scientifiques) à Bures sur Yvette (en 1963).
En 1958, il obtient la médaille Fields (l'équivalent du Prix Nobel) pour ses travaux de topologie différentielle. De nombreuses autres distinctions lui ont été accordées tant pour ses travaux mathématiques que philosophiques.
Aperçus personnels :
C'est à Bures sur Yvette où nous avions par ses soins été invité (1986) que nous avons rencontré R. Thom à l'époque où nous écrivions notre thèse sur les navigations imaginaires. La façon dont ces récits traitaient de l'espace nous amenait à lire différents articles dont la revue "Cahiers de recherche sur l'imaginaire n°8-9"intitulée "Morphogénèse et imaginaire" (1978). Ce fut notre première découverte de la théorie des catastrophes dont R. Thom est l'auteur. Il nous est apparu que les espaces décrits par cette théorie avait un répondant dans les navigations dont nous nous occupions. C'était d'une telle anomalie que nous avons osé demander à R. Thom son opinion sur une telle coïncidence. Ancien latiniste et helléniste, il reçut la proposition avec intérêt et, se resouvenant du temps où il animait des rencontres transdisciplinaires à Bures sur Yvette, renoua avec ces années (1970) où la théorie des catastrophes bénéficiait des feux de la gloire. Certes le temps avait passé et même s'il vint lors de notre soutenance de thèse, nous pouvons penser que la mode était passée et que notre modeste contribution ne susciterait aucun renouveau. Ce fut le cas.
Par la suite, nous avons entrepris un traité de littérature tant les concepts thomiens nous semblent excellents pour ces domaines de l'esprit où il manque une théorisation munie d'e solides éléments de contrôle. Même souci de notre part de nous en ouvrir à son auteur et même attention généreuse et positive. R. Thom essaya même de nous aider à trouver un éditeur. Son appréciation - si importante à nos yeux - est qu'"il n'avait jamais rien lu d'aussi clair" . Le structuralisme linguistique ayant tout submergé dans les universités, notre effort portait à faux. Il y a des conditions matérielles pour qu'une idée soit reconnue. La partie de ce site consagée à Critique littéraire rend compte de ce traité.
Enfin, lors de sa prise de retraite, un recueil d'articles de ses amis fut réuni où chacun disait ce qu'il devait aux idées de R. Thom. Nous avons eu l'honneur de participer à cet ouvrage en hommage à un penseur remarquable (Passions des formes, ENS,ed. Fontenay-Saint Cloud, 1994, t. 2)
Introduction commode :
Le lecteur qui voudrait se faire une idée de la pensée de R. Thom trouvera différents ouvrages de vulgarisation (et même une Bande dessinée : Ian Stewart," Les Chroniques de Rose Polymath, Oh catastrophe", Casterman 1982). Nous lui conseillons de J. Petitot "Applications des mathématiques aux sciences humaines" in Math. et Sciences humaines n°86, 1984 (rapport collectif); de A. Woodcock et D. Monte La Théorie des catastophes, L'âge d'homme, Lausanne, 1974.
Nous distinguerons dans la pensée de cet auteur deux périodes
:
- l'une platonicienne : par différents travaux mathématiques
de topologie (déformations continues de l'espace pour y rechercher
des invariants), R. Thom est amené à dégader 7 figures
essentielles de morphogénèse (les fameuses sept catastrophes).
De quoi s'agit-il? Simplement du fait qu'un "objet", quel qu'il
soit, dans certaines conditions extrêmes (des contraintes fortes
en brisent la stabilité) optent afin de survivre pour une modification
de son aspect formel. En termes encore plus simples, un verre se brise
(il prend un autre aspect), un tissu se plisse à la croisée
du bras et de l'avant bras replié, un bouton se forme sur la peau,
une lézarde se fait sur un mur, etc. Toutes ces formes sont visibles
dans la nature mais une classification topologique permet d'en réduire
la diversité à sept dynamismes qui les ont engendrées.
Le mot "catastrophe"(terme non choisi par l'auteur mais par un
disciple amricain Zeeman) ne signifie pas destruction mais apparition de
formes, changement, morphogénèse. Le Pli, la Fronce,la Queue
d'Aronde, le Papillon, les Ombilics parabolique, ellitique et hyperbolique
sont les noms de ce nouvel alphabet que sont les catastrophes.
Ces dynamismes ne sont pas toujours visibles mais les introduire à l'intérieur d'un phénomène (sorte de boite noire avec trop de paramètres) permet d'expliquer le phénomène en question beaucoup mieux qu'une méthode statistique. Une continuité entre deux états est ainsi assurée, expliquant le saut qu'effectue un système pour passer d'un état à un autre selon des phases, des points de bifurcation ou de rebroussement, des cols et des seuils. La Théorie des catastrophes devient une méthodologie applicable à tout domaine (vu que les catastrophes sont indépendantes du substrat) et offrent une géométrisation descriptive et objectivante.A l'instar des Idées platoniciennes, ces catastrophes ont donc le double rôle de structurer les transformations des objets et de maintenir une continuité essentielle à tout effort de compréhension (on ne peut prédire mais expliquer).
Une violente opposition se fera entre tenants de la quantification (la science mesure avant tout des quantités là où la théorie des catastrophes est qualitative) et tenants du chaos déterministe qui s'appuient sur les statistiques pour décrire un phénomène et optent pour l'idée de régulations partielles (la théorie des catastrophes se veut universelle, descriptive de la nature et indépendante du substrat).
Des applications dans des domaines sans théorie objective (ici un espace est proposé comme contrôle paramétré) comme la biologie et la linguistique, ou l'imaginaire, ont été tentées. Nous nous inscrivons dans cette démarche de donner à la Littérature un support géométrique susceptible d'expliquer certains phénomènes.
Lectures conseillées :
R . THOM, Stabilité structurelle et Morphogénèse,
InterEditions, Paris, 1972
Paraboles et Catastrophes, Flammarion, Paris 1983
Modèles mathématiqus de la Morphogénèse, Bourgois,10-18,1974,
réed.1980
Prédire n'est pas expliquer, éd. Eshel, coll. la Question,
Paris,1991
- l'autre aristotélitienne: l'évolution de Thom vers l'aristotélisme est nette et avouée puisqu'Aristote est le philosophe de la forme (l'âme est la dernière à se manifester dans le processus vivant, elle en est l'enveloppe finale, la "bordure" notion typiquement topologique). Là où notre époque se contente de tout réduire à des éléments combinables (par exemple les gènes), Thom revendique un intérêt pour la forme : rien ne peut dans les théories en vogue l'expliquer, dire que tel gène est responsable de telle action n'induit pas la création d'une forme. La biologie tient dans l'oeuvre de Thom une place de plus en plus grande. Héritier de la philosophie de la nature (Goethe, Schelling, gelstat théorie), il considère que si notre langage peut comprendre le réel, c'est qu'il est structuré de façon identitaire aux processus de la réalité, de même pour l'activité cérébrale. Une sémiophysique se fait jour basée sur l'opposition entre" prégnances "(forces invasives, désirs) et "saillances" (objets arrêtant la propagation des prégnances et modifiables d'autant). C'est ce mouvement qui donne un sens à l'univers et nous le rend accessible. Une unité se récupère, prometteuse de découvertes puisque chaque instance de la réalité a ses prégnances et ses saillances à nommer et à voir fonctionner. L'analogie se trouve réhabilitée dans la mesure où un contrôle est possible, celui de la géométrie différentielle et topologique.
Lecture principale :
R. Thom, Esquisse d'une Sémiophysique, Physique aristotélitienne
et théorie des catastrophes, InterEditions, Paris, 1988.
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