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Editions CARÂCARA

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ANTHOLOGIE POETIQUE

poèmes

de

Lucienne Vincent

 

PRESENTATION de l'Oeuvre

de

Lucienne VINCENT

Titres
Recueil

Nous sommes heureux de faire une place au sein de nos éditions pour cette anthologie prise aux recueils de poèmes de L. Vincent. Plusieurs fois couronnée et primée par ces courageuses sociétés poétiques dont notre pays jusqu'à maintenant a maintenu la tradition, l'oeuvre poétique de notre poétesse a été nommée une "périégèse", une géographie de rencontres humaines faites sur les rives méditerranéennes, une géographie des songes et des souvenirs qui les peuplent, un itinéraire classique et historique racontant les prestigieuses civilisations qui y naquirent, un voyage vers la célébration. Il s'agit, dira le critique, de mettre le monde en poème, moins pour le poétiser artificiellement que pour en délivrer toutes les promesses effectives de beauté. La pluie réveille les odeurs des bois, cette poésie exalte les saveurs du monde.
Poésie classique où l'alexandrin domine, où le sens limpide s'entoure d'images et de musicalité magnificentes, qui nécessite du lecteur une lecture "constructiviste" : tout est donné au premier coup d'oeil, aucune facilité émotive ou verbale s'entend, alors que là ne réside pas l'intérêt (la description paraît l'emporter). Il faut oublier le respect strict des règles imposées (ou admirer la vertuosité à les dominer) pour ne se consacrer qu'à l'emploi méthodique des mots : avec telle substantif quela adjectifs sont possibles, avec tel verbe, quels sujets et compléments s'ouvrent comme valides, avec telle préposition de mouvement, quels élans. Et par ce patient regard vous obtiendrez de soudaines variations d'une rare poésie. Tout paraît donné au premier coup d'oeil, mais ce tout est un rien parce qu'à la différence de ces poètes brutalisant syntaxe et optant pour un sempiternel inattendu de rapprochements de termes, ici les mots vont ensemble (banalement) et subitement s'illuminent. Une harmonie s'est établie sous le couvert des normes. Tel est l'essentiel mystère de cette étrange poésie. "Généreuse la mer jette ses attelages/ Autour d'un cap tendu vers le soleil levant " (Tunisie)

Avec l'accord de Marie-Jeannine Salé, romancière et membre titulaire de l'Académie d'Aix en Provence, nous publions,un éloge du poète prononcé lors de sa réception à l'Académie d'Aix en Provence.

Dans cet éloge rédigé par Marie-Jeannine Salé, le lecteur aura une vision générale de la vie et de l'oeuvre de Lucienne Vincent.

 

Réponse au discours de réception de Madame Lucienne Vincent, le 16 janvier 2001.

Madame,
Vous avez souhaité que, ce soir où vous allez prendre place parmi les membres titulaires de l'Académie, ce soit moi qui réponde à votre discours de réception. Je vous remercie de cet honneur, qui me cause beaucoup de joie et d'émotion. J'ajoute, mais ce n'est qu'un détail, que vous serez ainsi la première femme à être accueillie dans cette Compagnie par une autre femme.

Vous êtes née en 1923 à Alger, plus précisément à El Biar, dans une famille éprouvée par la guerre de 1914-18, dont les conséquences étaient encore à cette date douloureusement sensibles. En effet, vous n'avez pas deux ans lorsque votre père, ancien combattant, succombe aux suites de ses blessures de guerre, et votre plus jeune sur vient au monde six mois après ce deuil. Courageusement, votre mère élève seule ses trois filles, avec peu de ressources, mais beaucoup d'amour, et leur assure une enfance heureuse, qu'envieraient peut-être certains de nos jeunes d'aujourd'hui, gavés de biens matériels et sevrés de vraies richesses.

Vous étudiez successivement au pensionnat de la Sainte-Famille et à l'école publique. Partout vous êtes non seulement une bonne élève, mais la première de la classe.

En 1939, à 16 ans, vous êtes reçue à l'Ecole Normale d'institutrices, 3ème d'une promotion de 17, sur 250 admissibles et 2000 candidates. Modestement, vous ne pensiez même pas à vous présenter et vous avez été étonnée quand on vous a demandé de remplir le formulaire de candidature au concours ! Vos trois années à l'Ecole Normale, située à Miliana, sont un rude apprentissage. A la discipline déjà stricte de l'Ecole s'ajoutent les conséquences de la guerre . Contrairement à ce qu'on imagine parfois, les privations n'étaient pas le lot des seuls métropolitains. Quant aux vacances, elles sont consacrées à diverses activités, scoutisme, hébertisme, volley, basket, voire football et rugby ! Cette formation sportive quasi virile va de pair avec la formation intellectuelle : vous êtes parmi les dernières à passer le Brevet Supérieur avant la suppression des Ecoles Normales par le gouvernement de Vichy .

A partir de la rentrée 1942, et jusqu'en 1957, vous enseignez dans diverses écoles de la région d'Alger : à Duperrey, dans la vallée du Chélif, à 200 kms d'Alger, à Ténès, où vous avez la charge de 60 élèves de Maternelle, à Orléansville, à Affreville. Vous souhaitez vous rapprocher d'Alger, surtout lorsque vous faites la connaissance de M. Roger Vincent, votre futur époux, venu de métropole et conquis par l'Algérie.

Vous vous mariez le 11 février 1947. Vous êtes en poste à Affreville. Dès le surlendemain de votre mariage, vous reprenez votre classeet vous y recevez la visite de l'inspecteur ! Puis vous obtenez votre changement pour Le Corso, à 45 kms seulement d'Alger. Comme vous êtes presque toujours chargée de classes uniques, votre tâche n'est pas facile. Ainsi, au Corso, vous avez 47 élèves de 5 à 15 ans- sans compter les charges multiples qui vous incombent en dehors de l'enseignement proprement dit. Sur vos 47 élèves, il y a 42 Français-musulmans, comme on disait alors. Vous vous dévouez pour tous également. Parmi vos anciens élèves musulmans, on compte des médecins, des avocats et même un écrivain, qui préfacera votre recueil de poèmes sur l'Algérie. Ces anciens élèves, y compris ceux qui ont prêté l'oreille aux Sirènes de l'indépendance, vous conservent toujours estime, reconnaissance et affection.

Ce seul fait suffit à démontrer que la France n'a pas à rougir de son uvre en Algérie.

Quinze ans durant, vous menez de front vie professionnelle et vie familiale. Trois enfants agrandissent votre foyer.

Mais vient la Toussaint Rouge de 1954 et les évènements tragiques qui ont suivi. Comme bien d'autres, vous devez, la mort dans l'âme, vous résoudre à quitter le cher pays natal. Ce paradis perdu de l'enfance et de la jeunesse, vous ne l'oublierez jamais.

Mais vous êtes de la race des pionniers, et aussitôt vous entreprenez de construire une nouvelle vie. Après quelques péripéties, vous vous installez dans une charmante vielle maison provençale au milieu des arbres. Son nom, Lou Ribas, désigne à la fois le versant escarpé d'une vallée- ce qui correspond à la situation du domaine- et " le rivage ", où les errants et les exilés trouvent asile au sortir de la tempête.

La maison, la famille, l'école, telles ont toujours été, par delà les déchirements, les bases solides de votre existence. Gages de foi en l'avenir, deux enfants de plus naissent sur le sol métropolitain. Tous les cinq grandissent dans ce nouveau paradis que, comme votre mère avant vous, vous avez su créer autour d'eux. Mais, plus heureuse qu'elle, vous avez auprès de vous un époux attentif pour vous seconder. Et la chaleur familiale, les exemples reçus de leurs parents, sont certainement pour beaucoup dans la brillante réussite de vos enfants.

Viendra le temps où jeune retraitée, libre de vous consacrer à votre foyer et votre famille. vous pourrez suivre une vocation que vous portez en vous depuis vos jeunes années : celle de la poésie.

Vous avez dès l'enfance aimé le rythme des alexandrins que vous récitiez avec enthousiasme. Parlerons-nous d'un certain cahier de poèmes composés à l'âge de treize ans ? Rangé précieusement dans un tiroir de votre bureau, il y fut déniché par une sur admirative qui le divulgua aussitôt, à votre grande confusion. Mais désormais, pour votre propre joie, celle des vôtres, celle d'amis et de lecteurs de plus en plus nombreux, vous devenez vraiment poète. Poèmes isolés, au gré des circonstances, qui vont se regrouper en petites plaquettes, puis en recueils de plus en plus importants. Cette uvre, que nous nous contentons pour l'instant de mentionner, nous nous réservons de lui donner dans un moment l'attention qu'elle mérite.

Votre talent ne tarde pas à être reconnu. Vous faites partie de Sociétés de poésie, vous remportez de nombreux prix, trop nombreux pour qu'on puisse les citer tous. Je me bornerai à quelques-uns, dont les noms ont un charme particulier : Prix de la Lumière, de la Lyre d'Or, du Prince des Poètes, Léonard de VinciMais je n'aurai garde d'oublier le Prix Paul-Arbaud, décerné à votre livre " Provence d'élection ", préfacé par notre regretté confrère René Jouveau, qui préfacera également " Cistes et Rameaux de Grèce ".

En 1989, René Jouveau parraine votre entrée à l'Académie au titre de membre associé. Toujours assidue aux séances, vous présentez deux communications. La première, le 15 décembre 1992, dépeint " les différents visages de Louis Moreri ", à la vie brève mais bien remplie, puisqu'il fut poète, théologien, aumônier de l'évêque d'Apt et auteur d'un célèbre dictionnaire. La deuxième, le 28 janvier 1997, " Aux marches de la Grèce, Veria en Macédoine ", nous fait découvrir une Grèce nordique, peu connue, mais riche en témoignages d'une civilisation que la domination turque n'a pas éteinte. En 1997 encore, vous lisez un émouvant poème en hommage à René Jouveau qui venait de nous quitter. Vous avez ainsi renoué avec une vieille tradition académique, car il y eut une époque où les académiciens amis des Muses donnaient connaissance à leurs confrères de leurs plus récentes productions.

Souvent aussi, l'amitié académique se prolongeait en réunions cordiales et en conversations animées dans le salon de Lou Ribas, chaud en hiver, frais en été, comme il se doit pour une maison provençale. Pourquoi faut-il que nous déplorions tant de vides parmi les participants à ces réunions ? René Jouveau, Bernard Lorin partis à jamais, Marie-Thérèse Jouveau éloignée de nous par la maladie

Mais l'éphémère devient éternel grâce à la poésie. Et il est temps de saluer sa rentrée à l'Académie où, naguère en honneur, elle n'était plus guère représentée, et où elle devient en votre personne, celle d'un poète authentique.

Dans vos premiers essais, vous maniez avec virtuosité les genres à forme fixe, ballades, rondeaux, lais, chansonset les rythmes les plus divers. Vos sujets sont souvent de circonstance, témoignages d'amitié ou d'affection, observation des menus faits de la vie quotidienne, celle du présent et celle du passé. Mais déjà certains vers ont ce caractère de perfection pour ainsi dire spontanée qui les détache des autres. Le raccourci expressif :

" Des pas nus font tinter des anneaux d'argent clair. "

Les sonorités qui, claires au début, deviennent graves quand on dépasse la surface des choses :

" Les choses de la terre ont une voix profonde. "

Très vite, vos poèmes s'organisent en recueils construits autour d'un thème, qui est le plus souvent un pays. Le seul qui s'intitule " Présences " ajoute aussitôt " en pays de Provence ", comme si les êtres et les lieux étaient inséparables.

Les deux premiers recueils évoquent les deux étapes de votre vie, l'Algérie natale et la Provence " élue " -" Provence d'élection ", dit le titre- On s'attendrait à ce que dans le premier vous vous abandonniez à la nostalgie, mais il n'en est rien. La nostalgie est le désir douloureux d'un retour souvent impossible. Or, le retour se réalise. Si, dans les premiers poèmes, le pays natal s'installe dans une éternité qui est celle du souvenir, " des chers premiers bonheurs ", ce paradis perdu, dont " bonheur " et " éternité " sont les mots-clefs, vous y revenez un quart de siècle plus tard : les jardins d'El Biar, au parfum d'oranges et de grenades, la vie mauresque et patriarcale, toujours vivants dans votre mémoire, vous les avez retrouvés tels que dans vos souvenirs, malgré la disparition des parcs plantés de rosiers et l'intrusion d'un modernisme discordant. C'est " l'univers de paix qu'aucun péché ne tache ". Le navire qui vous ramène " au pays cher " efface l'image de cet autre navire, " tout chargé de rancurs ", à l'heure du départ pour l'exil. Mais pourtant, les derniers poèmes sont empreints d'une sourde inquiétude, comme si vous pressentiez que le revoir n'est que passager. Au pays perdu ne revient qu'une visiteuse qui bientôt ne reviendra plus. A jamais, l'Algérie restera la terre des souvenirs d'enfance.

" Les trottoirs bien damés, l'immense place blonde,
Ont dû garder la trace, inscrite au sol sableux,
De cent parcours légers, plus limpides que l'onde,
Au sein du cher village aux grands horizons bleus !

Quand reverrai-je enfin la demeure lointaine
Où j'ai laissé mon cur à jamais enfoui ?
Dans les pas égarés de ma route incertaine,
Est resté le regret d'un charme évanoui ! "

Vous vous tournez alors vers le " doux pays qui sourit au-delà de la mer "- et qui dans la réalité ne s'ouvrit pas aussi généreusement aux arrivants trop souvent traités en intrus par la métropole- la " patrie d'élection ", la Provence, dont vous évoquez tour à tour les paysages, du Rhône à Vaucluse, d'Avignon aux Baux et à la Camargue, mais surtout la Maison familiale, Lou Ribas. Moments du jour, saisons de l'année apportent chacun son charme, même l'automne avec la pluie, même l'hiver avec la neige, même l'orage et sa violence. Dans la deuxième partie du recueil, ils imposent leur rythme régulier et immuable, qui ordonne toute la vie d'une familleLes uns après les autres, les enfants s'en vont voler de leurs propres ailes, sans jamais s'éloigner longtemps du cur chaud d'un foyer auquel ils doivent les bases solides de leur personnalité, d'un paradis où à leur tour ils ont goûté le bonheur ébloui de l'enfance.

Plantes, fleurs, oiseaux, insectes, chiens, passants, animent la maison du bonheur, sous l'invocation de Sain Jean :

" Un oratoire blond, montre, juste à mi-pente,
Un Saint-Jean, qui, du doigt, désigne la maison,
Qu'environne, de paix, la constante oraison. "

Le paradis s'étend jusqu'au Cours Mirabeau, miraculeusement rendu à sa grâce première :

" La chaussée, en longueur, s'avance, toute unie :
Sur les vastes trottoirs dansent les pas joyeux !
Le Grand Cours, irisé de ramages soyeux
Vogue, de par les airs, sur un train d'harmonie ! "

La maison dans la nature est le centre du monde et, autour d'elle, s'élargissent en cercles concentriques le vallon, la ville, la Provence et l'univers. Là, les mots-clefs sont " paix ", " bonheur ", " lumière ".

Mais si chère que vous soit votre demeure, il vous plaît de la quitter parfois, pour parcourir le monde- un monde méditerranéen. Votre inspiration change alors de caractère. Moins lyrique, moins intime, plus descriptive. Mais toujours sensible et profonde. Dans sa préface à " Cistes et Rameaux de Grèce ", René Jouveau donne de ce nouveau recueil une définition applicable également à tous ceux qui vont le suivre : " une sorte de journal de route à la fois minutieux et sensible ".

Minutieux, car on suit pas à pas la voyageuse de site en site, d'abord en Grèce, plus tard en Corse, au Maroc, en Turquie, en Tunisie. Chaque pays est évoqué avec exactitude, dans ses paysages, ses monuments, son histoire. Mais le poète n'est pas tenu comme l'historien à l'objectivité. Aussi le journal de route est-il surtout " sensible " : vos impressions, toutes personnelles, ne doivent rien à la mode, ni à l'admiration conventionnelle. Fraîches et spontanées, elles restituent l'originalité à des paysages maintes fois décrits. De plus, ces paysages ne sont pas pour vous des peintures immobiles. Vous ne diriez pas comme tel voyageur que le pays serait bien plus beau sans ses habitants !Dans vos poèmes, la présence vivante, humaine ou animale, apporte toujours animation et mouvement : compagnons de voyage, hôtesses, mères de famille, jeunes nymphes, tanagras d'argile ou de chair, mais, aussi bien, le cygne du lac sacré de Délos, ou Pierre, le pélican de Myconos.

Cette vie apparaît comme un aspect de la Grèce éternelle de la Mer et de la Montagne, attachée aux valeurs fondamentales, l'Eau, la vie pastorale, l'Eternité. Les dieux d'autrefois n'ont pas quitté leur terre : à Myconos,

" Les dieux du temps jadis mènent leurs bateaux lestes ;
Eros, Poséidon, Dionysos, Ouranos,
Devisent tout le jour aux abords de Tanos !
Les ailes des moulins s'enflent de voix célestes ! "

Invisibles, ils sont partout, dans l'" océan d'oliviers " qui " envahit le rivage ", dans le ciel parcouru par le char d'Hélios

" Iris tend son écharpe au bord de l'horizon !
Hermès traverse l'air et sème une oraison !
Les grands cerfs d'Artémis surgissent de leur île ! "

Au-delà de certaines apparences et des ombres passagères, vous discernez la personnalité profonde, immuable, des pays et des peuples, ce qui est l'apanage du vrai poète. D'instinct vous ignorez tristesse, violence ou brutalité, vous cherchez, dans l'ombre où parfois elles se cachent, la joie, la beauté et la paix.

La Corse, " un éclat de la France ", est un paradis terrestre épargné par l'âge glaciaire et les volcans, refuge d'espèces uniques, végétales ou animales, peuplé de maisons hospitalières et d'animaux familiers. Au long des sentiers cheminent les petits ânes doux, des bêtes de toute sorte errent dans la Castagniccia :

" La chèvre à longs cheveux que le taillis dépeigne,
Et qui, d'un pied sur l'autre, invente son parcours,
L'âne, le porc sauvage au piétinement sourd,
Cherchent, parmi l'humus, la brillante châtaigne ! "

La montagne est le domaine des mouflons. Les voici au pied des rochers de Bavella :

" Au pied du clair ruisseau, les grands pins chevelus,
S'inclinent sur le cours des cascades rapides
Où vont boire, sans bruit, les mouflons intrépides,
Emergeant de la roche en maîtres absolus ! "

Dans cette nature des premiers temps du monde, où d'étranges statues-menhirs attestent d'une civilisation millénaire, l'âme " inaltérable ", selon votre expression, de la Corse intérieure se recueille dans le silence.

" La terre, ici, respire, au sein d'un grand silence !
A l'abri des regards, les villages pensifs,
Chacun clos sur lui-même, entre des murs massifs,
Défendent leur espace, en toute vigilance ! "

Mais cette âme secrète, c'est une partie de l'âme de la France, et l'île, par sa forme même, semble aspirer à lui rester unie.

" Depuis la nuit des temps, la Corse tend son doigt
Vers le continent proche où se trouve la France !
Elle jette à la mer un signe d'espérance,
Un bonjour fraternel qui, de très loin, se voit ! "

Vos voyages suivants vous font quitter la France pour des pays du Maghreb où se sent encore l'influence française : le Maroc et la Tunisie.

Au Maroc, le personnage omniprésent est le petit âne des pays méditerranéens, gris ou blond, toujours chargé et toujours vaillant. Mais le pays a des villes modernes et populeuses, qui s'ouvrent néanmoins sur des perspectives agrandies dans l'ordre spirituel ou visionnaire. Pourtant, vous le représentez surtout comme un vaste jardin de fleurs, de fruits, d'oiseaux et d'eaux jaillissantes, reflété fidèlement par les belles mosaïques de Volubilis.

La Tunisie, elle, est plutôt le lieu d'heureuses vacances, avec son hôtellerie accueillante, la mer et ses plages où, tandis que les adultes s'émeuvent des souvenirs de Carthage, l'enfant découvre de menues merveilles, coccinelles, chevaux bienveillants, petits oiseaux, taurillon. Le voyageur rêve de s'arrêter à Hammamet, dans la " demeure au bord du flot ".

" Une demeure au bord du flot,
Retient mes pas sous son portique.
Au sein d'un parc énigmatique,
Où ne résonne aucun grelot.
Lorsque la mer tait son galop,
Quand le vent chante un doux cantique,
Une demeure, au bord du flot,
Retient mes pas, sous son portique !

" Un ange bande un javelot
Pour protéger le seuil mystique !
En ce lieu calme et monastique,
A moi, tout grand s'ouvre le clos.
Une demeure au bord du flot ! "

C'est un joli exemple de rondel.

En Turquie, où tant de civilisations se sont succédé et ont déposé leurs strates, c'est toute l'histoire de l'humanité qui revit, et, au présent modeste, s'oppose la grandeur du passé. Dans ce livre si riche, on touche à une particularité de votre uvre qu'il convient de souligner. Alors qu'en général, un recueil de poèmes ne se lit pas d'une traite comme un roman, qu'il se feuillette en s'arrêtant sur une strophe ou un vers, ici, il faut tout lire à la suite, car c'est vers par vers, détail par détail que se construit l'impression d'ensemble. Ce qui n'empêche pas de revenir ensuite sur certaines visions particulièrement saisissantes, comme celle de la Cappadoce, monde minéral façonné par l'homme en sculptures féeriques.

Vos lecteurs attendent avec impatience le livre promis sur l'Egypte

Faisons une place à part à " Présences en pays de Provence ", où vous célébrez l'amitié, les liens tissés au long des années, avec d'anciens ou de nouveaux amis - et l'Académie y est en bonne place -. Parfois aussi, ce n'est qu'un visage amène croisé au hasard d'un chemin, parfois la figure collective d'un ami de la France, le harki fidèle. Et il n'est pas jusqu'au cambriolage, tristement fréquent à notre époque d'insécurité, qui ne soit pour le clan familial une occasion de resserrer sa solidarité, afin de faire échec aux profanateurs.

Vous êtes, Madame, un vrai poète, car vous découvrez, ou créez, des paradis. Vous les révélez à ceux qui y vivent sans les connaître. Vous montrez aux aigris, aux envieux, aux violents, le prix de ce qu'ils négligent, ne serait-ce que le chant d'un oiseau, l'or du crépuscule, un sourire, une main tendue. Telle a été votre vie, telle est votre uvre. Votre don essentiel, c'est celui que chacun de nous apporte en venant au monde, mais que bien peu ont le privilège de conserver une fois sortis de l'enfance : le don de l'émerveillement. Ainsi que vous l'écrivez en revivant une fois de plus vos premières années :

" De l'Eden, dont encore, une clarté m'inonde,
Il faut qu'à nouveau s'ouvre un parcours triomphant,
Car la seule merveille était mon cur d'enfant
Que je veux garder tel sur les chemins du monde ! "

 

Au sein de l'Académie, l'un de ces groupes d'amitié et de réflexion dans lesquels Henri Bosco voyait le salut futur d'un monde massifié, votre place, Madame, est tout naturellement marquée. Cette place, avec l'accord de notre Président, je me fais une joie de vous inviter à en prendre possession.

Marie-Jeannine Salé.



PUBLICATIONS

- La Fontaine Enchantée. (Edit. Millas-Martin.)

- Dans le kaléidoscope.

- Rencontres au Pays du Coeur.

- D'Algérie ... (Edit. Publisud)

- Au Royaume d'Aladin. (Prix de l'Edition S.P.A.F.)

- Provence d'Election. ( Edit. Publisud)

- Douce France. (Prix de l'Edition S.P.E.R.)

- Le Palais. (Prix de l'Edition Pyrénées)

- Cistes et Rameaux de Grèce. (Edit. Barré et Dayez)

- Inaltérable Corse. (Edit . Barré et Dayez)

- Maroc. (Edit. Barré et Dayez)

- Présences en Pays de Provence (Edit. Barré et Dayez)

- Turquie. (Edit. Bené)

- Tunisie (Edit. Bené)

- Egypte (Edit. Bené)

Ces recueils sont disponibles au prix de 80 FF - contactez l'auteur par l'intermédiaire du site - nous transmettrons votre courrier à l'auteur.


Lucienne VINCENT

ANTHOLOGIE POETIQUE

SOMMAIRE

1Les Calanques
Sur la mer
Imagine
Appel de la maison
5
Une gerbe fleurie
L'esthéticienne
Dilemme
Tristesse sur la mer
Les souvenirs d'enfance
10
Chaque jour, le jardin...
Il faut si peu de chose
Istambul
Istambul
Istambul
15
Les mystères de l'Aya Sofya
L'hippodrome
Le Quadrige de Lysippe
La mosquée bleue
A Stamboul-Un parfum d'Amour
20
Le Nil
Sur le plateau de Giseh
Les pyramides
Louqsor
La Vallée des rois
25
LaVallée des rois : Le Tombea
La Vallée des rois : Livres rituels
Les tombes de la plaine
Le Message subtil
Les Dieux
30
La Vie et la Mort
La Vallée des reines
Le Pavillon royal de Ramsès III
Ed Fou
Kom Ombo
35 Assouan
L'île Eléphantine;
Trésors au désert
Que devenir
La belle Turquoise

 

 


Les Calanques

 

Je sais un point du globe où subsiste , c'est sûr,

Du paradis terrestre, une preuve éclatante,

Un merveilleux domaine où la mer palpitante,

Offre à l'humain sejour, sa caresse d'azur !

 

La côte, sur ce bord, a des caps, des presqu'îles,

Où la vague s'étale entre les rochers nus !

Les sourires du ciel se trouvent retenus,

Dans les limpides eaux des calanques tranquilles !

 

A l'abri du ressac, l'onde emplit tous les creux,

S'infiltre, se repose en des vasques discrètes,

Où se mirent les pins qui fusent des arêtes,

Ouvrant leurs parasols sur des sentiers pierreux !

 

Le flot, sans hâte, arrive aux falaises crayeuses !

Il s'étire, se donne; il flâne, se reprend

Couvre le sable doux d'un voile transparent,

S'irise en fins rayons sur des ailes soyeuses !

 

L'incessant clapotis suit de minces filets,

Sur la trace des pas d'une danse première,

Tandis qu'au fil de l'heure un prince de lumière,

Allume, des soleils sur les menus galets !

 

Sur la Mer

A Sylviane Jacono.

 

Ma nacelle sans but, sur la mer qui scintille,

En plein espace vogue, ivre d'immensité !

L'onde mouvante boit le soleil éclaté

Dont le feu glisse, coule, étincelle, pétille !

 

Au rivage, le port se perd totalement !

Ne reste que le bleu de la voûte infinie,

Dans un divin silence, une sûre harmonie,

Un magnifique temple ouvert au firmament !

 

Venu du large, un souffle, une légère brise,

Enveloppe la nef aux voiles de candeur,

Que l'univers accueille au sein de sa splendeur,

Et qu'une aile sublime au gré de l'heure irise !

 

Un appel indicible accourt de l'horizon !

Le murmure du flot s'élève, s'accentue !

Du terrestre sejour l'humaine voix s'est tue :

Que librement jaillisse une pure oraison !

 

Le temps fait une pause et la saison première

Où chante un bonheur sûr, intact, originel,

Absorbe l'instant vide au sein de l'Eternel,

Dans une sphère où veille un ange de lumière !

 


Imagine

A ma soeur.

 

Imagine la ville, a cette heure, sans nous...

En pensée, avec moi, parcours toutes les rues !

Au parvis de l'église, une femme, à genoux,

Se montre en faisant signe aux ombres disparues !

 

La foule déambule avec des airs absents,

S'abandonne aux trottoirs d'un lendemain de fête !

Un morbide brouillard nimbe tous les passants

Qu'attriste un dur échec, une trouble défaite !

 

A quoi bon tant de grâce et de calme beauté

Dans les jardins, les cours, les vastes esplanades ?

Un lourd regret s'abat sur toute la cité

Qui frémit de l'écho d'anciennes promenades !

 

Où les retrouver tous, les filles, les garçons,

Dont les groupes joyeux, dans l'artère centrale,

Enflaient de propos vifs, de rires, de chansons,

De lumineux envols, la rumeur générale ?

 

Arrive au cher logis des tout premiers matins,

Où le jasmin sonjeur, feuille à feuille, énumère

Avec un gai tic-tac, les bonheurs enfantins

Sur le pas de la porte où t'accueille la mère !

 

Un rêve émeut le seuil que rien ne peut ternir !

Voici que se transforme une ample ribambelle

Et, tandis que voyage un ardent souvenir,

Au bord du ciel, s'affirme, une clarté plus belle !

 

 

L'Appel de la Maison

 

En ces parages là, se trouve la maison,

Que frôla, de sa voile, un navire de rêve :

En de beaux jours qu'absorbe une éternelle grève,

Elle était le bon havre ouvert à l'horizon !

 

Conforme au souvenir, le site se dessine !

Un conducteur subtil, sur un souffle de l'air,

S'empare de l'esquif grisé d'espace clair,

L'enveloppe, l'emporte, au but qui le fascine !

 

Intacte, la demeure émerge des jardins :

La façade éclatante à terrasse ajourée,

Que pare le soleil sous la vôute azurée,

Se souvient des propros de joyeux baladins !

 

Venu du jet d'eau proche, un insistant murmure,

A l'entour, se précise, arrive jusqu'au seuil,

Où le rosier palpite en assurant l'accueil,

Avec des éclats d'or dans toute sa ramure !

 

Attristé, le toit songe aux aimes d'autrefois !

Ce n'est plus qu'un nid vide, un temple sans fidèles,

Un inutile char sans guides ni ridelles,

Un clavier que n'émeut plus jamais aucun doigt !

 

Mais le logis veut être une tour de vigie

Il reste, en bord de route, envers et contre tout !

Il émet un parfum, plus tenace, plus doux !

Fort de son espèrance, il vainc la nostalgie !

 

Happé par le signal du phare aux feux constants,

Que tout chemin conduise à l'ancestral domaine !

Amis, revenez tous ! Que le flot vous amène

Au berceau de jadis qui brave les autans !

 

Une Gerbe Fleurie

 

J'attends la fin du jour, le silence du soir,

Pour ouvrir une vanne aux larmes de ma peine,

Engloutir la palabre à consonance vaine,

Absorber tout fanal sous un fol émouchoir !

 

Happé par le ressac de la désespérance,

Au gré du galop d'un infernalcharroi,

Mon coeur désamarré chavire plein d'effroi,

Sous le vent destructeur des ailes de l'errance !

 

O vous que j'aimais tant, qu'êtes vous devenus ?

Vos traits se sont dissous dans un monde sans bornes !

Autour de mon esquif, dansent des vaisseaux mornes,

Alourdis des embruns de pleurs non retenus !

 

Le temps, sans une pause, et toujours plus rapide,

Aveugle, impitoyable, immerge de ses flots

Les soupirs, les aveux, les rires, les sanglots,

Dans un lourd tourbillon que l'heure dilapide !

 

O mon âme, résiste au satanique train !

Regagne, sur la rive, un phare tutélaire !

Echappe aux cruels dards du mât patibulaire.

Il te faut vaincre, là, l'ivresse du chagrin !

 

Retrouve, sur le bord, la céleste prairie

Où brille, toujours neuf, le temple originel

Empli de souvenirs, présents de l'Eternel

Assemble, en pure extase, une gerbe fleurie !


L'Esthéticienne

 

La jeune parfumeuse au sourire charmant,

Avec un talent sûr, exerce en souveraine

Un pouvoir de sibylle ou de chaste sirène,

Dans le temple du Beau qu'habite un dieu clément !

 

La prêtresse officie en toute connaissance,

Ouvre, d'un seul regard, les arcanes sacrés :

De cent vernis divers, roses, rouges, nacrés,

Dans un nuage d'ambre, elle nomme l'essence !

 

Au ras du guéridon, dansent les doigts furtifs :

La main, d'un geste net, plie, enveloppe, noue !

Sur les ongles d'émail, la clarté du ciel joue

Et le cristal éclate en reflets fugitifs !

 

Sur le papier qui crisse et les rubans de soie,

Sur les bracelets d'or, subtils, courent des feux !

Secrets, hors de la tour, s'envolent mille vux

Sur un rayon céleste, un pur éclat de joie !

 

Invisible, s'agite un fidèle encensoir

Qui diffuse, prodigue une manne de rêve !

A l'infini s'étale une sublime grève

Où le matin vermeil illumine le soir !

 

- Dilemme -

A Nicole, l'Esthéticienne

Avec ce doux visage à l'ardeur rayonnante,

Orné d'un casque net de cheveux bruns et courts,

Est-elle Cléopâtre en modernes atours,

Revenue en ce monde, et toujours fascinante ?

 

Il est dit que la reine unira son destin,

Non point à quelque Antoine au pouvoir titanique,

Un austère César, mais à l'élu, l'unique,

A jamais retenu par son rire mutin !

 

Maîtresse de maison suffisamment munie,

Ayant acquis le droit de se laisser choyer,

Ne sera-t-elle plus que vestale au foyer,

Présidant les repas d'une famille unie ?

 

Abandonnera-t-elle un labeur exaltant,

Dans le temple du Beau, son rôle de prêtresse ?

Autour d'elle s'exalte un parfum de tendresse :

Un groupe affectueux la réclame, l'attend !

 

Voici donc que s'impose une ligne exemplaire :

Assumant ses devoirs, les nouveaux, les anciens,

Présente à son travail ainsi qu'à tous les siens,

La vaillante, bien sûr, à chacun, saura plaire !


Tristesse sur la mer.

 

 

Le ciel, sur la mer, tisse un immense pavois

D'ivoire et de corail, d'ambre et de perle !

Eblouissant le flot, sur la plage, déferle !

Indéfiniment, croît la nostalgique voix !

 

Que répète la vague avec cette navrance

A ton cur attentif que l'or du soir étreint ?

D'un étrange parfum, l'univers est empreint :

Dans un vertige court le chemin de l'errance !

 

Amis de tous les temps, qu'êtes-vous devenus ?

Les soupirs, les appels, les pleurs de l'autre monde,

Au gré du souvenir s'éveillent sur une onde !

En fresque, revoici, les visage connus !

 

Le vent du large coule, égal, intarissable,

Au-dessus de ton front qu'il baigne de fraîcheur !

Sur la houle, palpite un esquif de pêcheur !

La trace de tes pas disparaît dans le sable !

 

Un oiseau blanc s'élève au-dessus du champ pers :

Ailes ouvertes, seul, roi de l'azur, il passe !

Avec un long cri rauque, il traverse l'espace

Et se fond dans l'abîme où ton âme se perd !


Les Souvenirs d'Enfance

 

Les souvenirs d'enfance illuminent la vie !

Dans ce creuset profond, bouillonne un pur métal

Dont se forge le coeur dans le pays natal,

Qu'il mire jusqu'au bout de la pente gravie !

 

Heureux qui garde en soi sur la route suivie,

Le trésor prodigué par le souffle vital :

De la source limpide au merveilleux cristal,

S'exerce un doux pouvoir charmant l'âme ravie !

 

Oh ! rien ne peut pâlir l'éclat du premier seuil

Où triomphe, entre tous, un sourire d'accueil,

Où, de la treille, coule, un fin nectar qui grise !

 

Une joyeuse danse arrive des chemins

Emus par les propos que dissipe la brise

Autour de la fontaine où s'unissent les mains !

 

Chaque jour, le jardin...

 

Chaque jour, le jardin, feuille à feuille, se livre :

Il prodigue à loisir de merveilleux présents !

Les rires les plus fous, les jeux les plus grisants,

Jaillissent d'un passé qui ne cesse de vivre !

 

Une ronde joyeuse émaille, de ses pas,

Les sentiers buissonneux, les cours et les terrasses,

Où s'incruste le fil d'inoubliables traces,

Où, constamment, le sol frémit de maints ébats !

 

L'Etoile de Noël et les cloches pascales

Aiment bien, tour à tour, faire halte en ces lieux !

La pervenche et l'iris boivent l'azur des cieux !

Dès la Saint Jean, le parc, appartient aux cigales !

 

Il plaît aux écureuils de se glisser sans bruit,

Par longues flammes d'or, au sein de la ramure,

Où leur ballet furtif n'éveille qu'un murmure,

Orné par le choc bref d'une pigne ou d'un fruit !

 

Heureux sont les oiseaux, sous ces voûtes fidèles !

Oh ! chère thébaïde aux vertes frondaisons !

Abri sûr, doux refuge en toutes les saisons !

Béni soit ton seuil clair tout environné d'ailes.

 

Il faut si peu de chose

 

Il faut si peu de chose, un bonjour, un sourire,

Au maître d'un chef d'oeuvre, à l'humble travailleur,

Pour que, tout à coup, brille, un univers meilleur,

Pour qu'un arc d'espérance, au ciel, vienne s'inscrire !

 

Il faut si peu de chose au pauvre pèlerin,

Qui n'a, le soir venu, que le feu des étoiles !

Un souffle peut suffire à regonfler les voiles,

Au dessus de la nef en proie au flot d'airain !

 

Il faut si peu de chose, une feuille, une plume,

Au poète qui muse et s'égare parfois,

Mais, par qui, d'un seul mot, d'un bref éclat de voix,

Sur l'horizon s'élève, un phare qui s'allume !

 

Il faut si peu de chose aux êtres innocents

Pour transmuter l'eau vive en perles de lumière,

Et, par le pouvoir sûr, d'une grâce première,

Orner le fil des jours, de bouquets jaillissants !

 

Il faut si peu de chose : assurer le passage

Aux rayons du soleil, aux subtils chansons,

Qui circulent sans cesse, au secret des buissons,

Pour que, de l'Eternel, arrive le message.



ISTANBUL

Promenade de la Yéni Tami au Topkapi Sarayi

 

De la blanche mosquée au Palais du Sérail (1),

Longeant "La Corne d'Or", les boulevards, les rues,

Exaltent la splendeur des gloires disparues,

Happent les feux du ciel en reflets de vitrail.

 

La gare aux quais brillants que le soleil inonde (2)

Accueille à l'heure exacte un magnifique train

Dit l'"Orient-Express" qui mène, souverain,

Un flot de gens heureux venus du bout du monde !

 

Une très large artère épouse le contour

Du domaine royal ceint de hautes clôtures (3)

Et, la "Sublime Porte" aux superbes sculptures

Evoque un "Grand Vizir" au milieu de sa cour !

 

Tout près de là subsiste une abside sans cierge (4)

Un vieux dôme d'église où se cache, en lieu sûr,

Dans une ancienne châsse, un lien couleur d'azur,

La ceinture sans prix de la Très Sainte Vierge !

 

Au carrefour se dresse un portail à trois arcs (5)

Que pare de sa gerbe une exquise fontaine (6)

Egrenant tous les noms d'une époque lointaine

Empreints des cents parfums distillés par les pares.

 

(1) La mosquée "Yéni Tami" (La Nouvelle Mosquée)
Le palais du Sérail ou Palais de Topkapi
(2) La gare de Tinkeci, terminus de l'"Orient-Express"
(3) Palais du Sérail
La sublime Porte était l'entrée du Palais du Grand Vizir où siégeait le gouvernement Ottoman.
(4) Eglise de la Théotokos Thalcopratia dont il ne reste que quelques
pans d'abside et un bâtiment annexe avec des traces de fresques (XIIIème, XIXème siècle) du temps des Paléologues.
(5) Triple portail dont la partie centrale dite "Porte de la Source Froide" est la plus ancienne.
(6) Fontaine qui faisait autrefois partie du "mèdrèsé" d'Abdülhamit (en face de la triple porte).

 

ISTANBUL

A Stamboul-Topkapi

 

Voluptueusement, la mer ceint d'ambre et d'or (1),

Cette frange d'Europe où l'antique Byzance,

A tout un vaste empire, imposait sa présence

Où, désormais, sans prince, un riche palais dort !

 

Entre ces murs, ces trous, ces portiques, ces dômes

Errent des gens d'ailleurs, profanateurs intrus (2),

Mais dans l'ombre du soir, les sultans disparus

Font palpiter ces lieux de leurs nobles fantômes.

 

Ah ! que tout reste en place et que tout soit sauvé

Des trésors d'autrefois, le long des galeries !

Cuisines et salons, superbes écuries (3)

Parent l'ample domaine idéal, préservé !

 

Laissant là, le terrain des affaires publiques,

Il faut franchir le seuil d'un plus intime enclos

Où des voix de jadis, le pathétique flot (4)

Entoure le harem, la salle des reliques !

 

Un Coran dépourvu du lustre originel,

Des armes de vermeil à cambrure parfaite

Un sublime étendard, le manteau du prophète (5)

Avec force et constance exaltent l'Eternel.

__________________

1 Mer de Marmara, Bosphore, Corne d'Or.
2 Le Palais de Topkapi se visite comme un musée
3 Nombreuses cuisines sur sept travées qu'abritent des cheminées alignées en forme de dômes.
Les "Ecuries", au de la de la Cour des Hallebardiers, sont devenues un musée d'automobiles
4 Par la "Porte de la Félicité" on entre dans la troisième cour, puis dans la quatrième où se trouvent les anciens logements du sultan et de sa famille.
5 Salle où se trouvent les objets ayant appartenu au prophète Mahomet.

 

ISTANBUL

La Mosquée Bleue et Sainte Sophie

 

L'une en bleu, l'autre en rose, aimables coques soeurs

Qu'un nautonier céleste, allègrement nolise,

Elles bravent le temps, la mosquée et l'église,

Et ne redoutent plus d'incongrus agresseurs ! (1)

 

Ici, depuis toujours, la terre ardente prie !

A la pierre fidèle, au marbre lisse pur,

L'homme a donné ses mots qui fusent dans l'azur

Pour honorer les dieux, puis le Christ et Marie ! (2)

 

L'édifice chrétien, dépourvu de sa croix,

Conserve, malgré tout, ses images bibliques !

Autour des vitaux clairs s'éteignent les supplique

En ce vaisseau musée où l'autel reste froid. (3)

 

Voisin proche, amical, au bout de l'esplanade,

Un autre temple rêve, ouvert de l'aube au soir !

Ses minarets subtils dessinent l'ostensoir

De l'hymne qui s'envole en cours de promenade ! (4)

 

Heureux le sol que coiffe un dôme universel

Sainte Sophie accorde, encore, avec largesse

A ce pays sans âge, équilibre et sagesse,

Au chant du muezzin, au secret du missel ! (5)

___________________

1 Devastations-incendies.
2 Emplacement où se trouvaient des monuments antiques.
3 L'Eglise Sainte Sophie qui date de 325 (Constantin Ier) est devenue mosquée en 1453 puis musée en 1935.
4 La "Mosquée Bleue" (faïences bleues à l'intérieur).
5 L'église est consacrée à la "Sagesse Divine". En Grec "Haghia Sophia"

 

 

.


Les mystères de l'Aya Sofya

 

Les deux urnes d'albâtre (1), ô sage pèlerin,

Sous tes doigts, n'offrent plus la moindre gouttelette.

Il leur reste la galbe, un pouvoir obsolète,

Une aura de mystère, un mutisme serein !

 

Mais, fidèle à son but, la "colonne suante" (2)

Agit contre le mal de la stérilité !

L'eau de ses pores, peut guérie la cécité

Et, dans toute entreprise, être très influente !

 

En plein coeur de l'abside, un mihrab vague, seul (3),

Sous la Vierge de Gloire et d'amples mosaïques !

Empereurs et Sultans, par envols de caïques,

Espèrent dans le ciel, un vrai Dieu, sans linceul.

 

Vient-il de l'au-delà, ce souffle qui circule (4),

Emis, nul ne sait comme, à toute heure du jour,

Par la "Fenêtre Froide" ouverte sous la tour,

Apportant le bien-être, en temps de canicule.

 

Aux humains, l'Eternel adresse quelque fois,

Des signes distinctifs de bienveillance pure !

A ceux dont la ferveur, en tous les cas, perdure,

Il parle d'Infini, d'une inaudible voix !

 

1 Urnes situées de part et d'autre de l'entrée, en venant du narthex, d'une capacité de 1250 litres chacune et qui servaient de fontaines aux ablutions. Elles furent offertes par le sultan Murat III.
2 La "Colonne Suante", à gauche dans l'angle N.O de Sainte Sophie, est une colonne poreuse dite de Saint Grégoire, qui passait pour guérir les maladies de la vue et favoriser les maternités.
3 L'église qui devint mosquée est aujourd'hui un musée abritant les trésors des deux religions.
4 A gauche de l'abside, un passage voûté recouvert de faïences (d'Iznik) conduit à la "Fenêtre Froide" par où souffle un vent très frais, même au moment des plus grosses chaleurs.

 

L'Hippodrome

 

L'hippodrome célèbre au temps de Constantin

De sa piste, couvrait l'ampleur de la colline,

Arrivait jusqu'au bord de la mer cristalline (1),

Animait d'éclats vifs, le pays byzantin !

 

Les gradins d'une part, en larges galeries,

Dominaient l'esplanade et l'arène aux chevaux

D'autre part en sous-sol, des thermes, des caveaux

Retenaient tout un peuple autour des écuries.

 

De bout en bout, l'espace était hommage aux cieux

Dans un jaillissement de multiples statues (2)

Et si les voix du cirque, à jamais, se sont tues,

Un feu triomphal reste au fond de tous les yeux.

 

De Delphes, de Karnak, les colonnes antiques (3)

Ont prêté leur mystère au terre-plein central

Mais les bains sans pareil tout de marbre lustral (4),

Ont donné leur substance à des voûtes mystiques.

 

O terre inépuisable, il te plaît de fournir,

Par âges successifs, des merveilles nouvelles !

Offerte au Créateur, en brillantes javelles,

Exulte une moisson qui ne saurait finir !

 

1 La Mer de Marmara.
2 Nombreuses statues en provenance de Grèce et de Rome.
3 Obélisque de Théodose qui ornait le temple de Karnak édifié par Toutmôsis III (1504-145 ) fut érigé en 390 par Théodose Ier au milieu de la Spina (arête centrale de l'hippodrome).
La Colonne Serpentine, provenant du temple d'Apollon, à Delphes (victoire de Platès et de Salamine, des Grecs sur le roi de Perse Herxès).
4 Les "Bains de Leuxippe" construits par Septime Sévère, puis embellis par Constantin étaient le plus beau monument de l'hippodrome. Son marbre fut utilisé pour la "Mosquée de Fatih".

 

 

Le Quadrige de Lysippe

 

Le quadrillage en métal, de cuivre, d'or, d'argent (1),

Dérobé sans vergogne à l'immortelle Grèce,

A, sous l'hydre romaine, orgueilleuse maîtresse,

Orné l'Arc de Néron, puis celui de Trajan !

 

Les chevaux de vermeil, alors cédés par Rome,

A Théodose deux, l'empereur byzantin (2),

Vaillant législateur au sceptre adamantin

Vont décorer sa loge au bord de l'hippodrome !

 

En quatrième arroi sous un saint étendard,

Les Croisés, de ce sol que la Turc colonise (3),

Emportent le chef d'oeuvre à la riche Venise,

Où l'Eglise Saint Marc reçoit l'ouvrage d'art.

 

As-tu frémi sous terre, ô sculpteur de Corinthe (4)

En voyant ton prodige alors véhiculé,

D'Italie à Paris par acte stipulé,

Du vainqueur Bonaparte, exempt de toute crainte.

 

Il t'incombait de luire, ô carrousel des dieux (5),

Sur la place de rêve où, doges, princes, reines,

Ont étalé jadis leurs grâces souveraines,

Une copie, en France orne un arc près des cieux.

_____________________

1 Ensemble de quatre chevaux attribué à Lysippe, sculpteur originaire de Corinthe.
2 Théodose Ier le Grand (346-395) né à Canca en Espagne, empereur en 379 avec Gratien, puis seul en 393, lutta contre le paganisme, partagea l'Empire entre ses deux fils, Honorius et Arcadiu, l'un eut l'Occident et l'autre l'Orient.Théodose II (le Calligraphe) (399-450) fils d'Arcadius a laissé le "code théodosien".
3 Lors de la 4ème Croisade en 1204, les Vénitiens transportaient la quadrige à Venise où il fut placé au portail d'entrée de l'Eglise St Marc.
4 Le quadrillage fut placé sur l'Arc de Triomphe du Carroussel par Bonaparte au retour d'Italie.
5 En 1814, le quadrillage fut restitué à Venise. Paris n'en garda qu'une copie.

 

 

La Mosquée Bleue

 

Devant Sainte Sophie, au bout de l'esplanade,

Avec le neuf éclat d'une plus jeune soeur (1),

La mosquée opalise un encens bénisseur

Pare, de son envol, toute la promenade (2) !

 

Avec six minarets cernant un dôme blanc,

Des coupoles, des tours, de superbes attiques,

Une porte qui livre un cour à portiques

Avec grâce, elle adresse un message troublant.

 

Le fidèle, pieds nus, s'arrête à la fontaine,

Où, limpide, un jet d'eau s'éparpille dans l'air !

Une prière monte au seuil du temple clair,

Où l'âme se sublime en robe de futaine !

 

Etanche, inexpugnable, au delà de l'humain

L'édifice présente un univers céleste,

Où l'esprit, de tout mal, sans trouble, se déleste,

Accède à l'Eternel, sans bornes, sans chemin.

 

Les colonnes, les arcs, sous la voûte profonde,

Errent dans un espace où dominent les bleus,

Le vert jade et l'or vif en dessins fabuleux,

En graphismes obscurs parlant de l'autre monde.

___________________

1 La "Mosquée Bleue" ou "Mosquée du Sultan Ahmet", sur l'emplacement de l'ancien Hippodrome et des Palais Impériaux, fut construite de 1609 à 1616 par l'architecte Mehmet Aga.
La première basilique Sainte Sophie fut élevée en 322 (20ème année du règne de Constantin). Brûlée en 404 sous Arcadius, elle fut rebâtie en 415 par Théodose II. Brûlée encore en 532 (révolte des Victoriats. Cirque) la cinquième année du règne de Justinien, elle fut reconstruite par cet empereur qui voulut faire de ce sanctuaire le plus beau monument du monde. Il fut achevé en 548 mai subit des tremblements de terre en 559, en 1347, en 1371.
2 La Mosquée Bleue devait rivaliser de beauté avec Sainte Sophie.

 


A Stamboul-Un parfum d'Amour-

 

Devant le péristyle, un vaste propylée,

Par trois arches de marbre accède aux quais du port

Las ! une pauvre enfant dans l'ombre de la mort,

Au fond de son cachot, se pâme, désolée !

 

La recluse, en vain, cherche un souvenir des siens

Quand la brise marine effleure sa fenêtre,

Un effluve connu, la berce, la pénètre !

Une fresque sans voix surgit des jours anciens !

 

La chanson de la vague est inscrite en ses fibres

Une douceur imprègne un paisible univers

Mais la fillette ignore, à quel ange pervers,

Elle doit de souffrir hors de ses rives libres.

 

Un oiseau bleu viendra dans un matin,

Pour redevenir prince, épouser la captive !

Or/et voici qu'il l'entraîne, heureuse fugitive,

Vers le royal parvis d'un lumineux destin !

 

La petite princesse, en toute déraison,

S'en est allée un soir, vers l'Eternelle Grève,

Après quinze ans de pleurs, sur l'aile d'un beau rêve !

Un parfum d'amour flotte autour de sa prison.

 

Le Nil.

 

Voici le Nil jailli du bout de l'univers !

Il éploie, en largeur, entre des rives calmes,

Où, sur le ciel d'azur, se balancent des palmes1,

Un manteau royal, dense, à plis de satin vert !

 

Des splendeurs de jadis, reste, au miroir de l'onde,

Une floraison vive, aux multiples éclats !

Empereurs, reines, rois, scribes, savants, prélats,

Paradent, le front ceint d'une lumière blonde !

 

En un point de ce fleuve, au milieu des roseaux,

Fut découvert, un jour, lové dans sa corbeille,

Un bébé, fils d'hébreu, que, par pure merveille,

Une belle princesse a délivré des eaux2 !

 

Sur Moïse, a flambé le message authentique,

Au temps des pharaons, dont les temples, debout,

Sont témoins du sublime et très céleste goût,

Pour les champs éternels d'un au-delà mystique !

 

Obélisques géants, bas-reliefs descriptifs,

Murailles, corridors, fascinants labyrinthes,

Expriment les espoirs, les attentes, les craintes,

Avec mille détails, mille dessins votifs !

 

Sur le Plateau de Giseh.

 

Pyramidaux témoins d'une ère ineffaçable,

Ils se nomment Khephren, Kheops, Mikérinos1 !

Ces homes de granit aux pâleurs d'albinos,

Forment tout un convoi retenu par le sable !

 

Accident du relief, se trouve un temple ouvert2

Dont le fronton diffuse une vapeur livide !

Animal, homme, femme, un monstre au regard vide3,

Impose ici sa force à l'immense univers !

 

Pathétique est l'appel venu de la planète,

Un vu fervent vainqueur des murs, des isoloirs !

Mais pourquoi ce puits net au plafond des couloirs4,

Ce regard qui désigne une étoile bien nette ?

 

O pharaons défunts, hors des profonds tombeaux,

Des sarcophages lourds, gardiens de vos momies,

Hors des salons parés de splendeurs endormies,

Vos âmes, dans les cieux, sont-elles des flambeaux ?

 

Pyramides, murs plats, que le soleil calcine,

Enigmatique Sphinx, face aux grands horizons,

Bravent le temps qui passe et le feu des saisons,

Sur un sol sans pareil, que l'Eternel fascine !

 

Les Pyramides.

 

Du plateau de Giseh, trois hautes pyramides1,

Emergeant du sol nu, jaillissent vers les cieux,

Vers l'invisible seuil, du domaine des dieux,

Séjour inaccessible aux mortels trop timides !

 

Autour des trois tombeaux, dans l'aire offerte au vent,

Nul arbre, nulle fleur, pas le moindre brin d'herbe,

L'espace libre engendre un silence superbe !

Au sein de l'Infini, se fond, tout flot mouvant !

 

Plus ne se laissent voir les chambres funéraires,

Abritant le sommeil des plus augustes rois !

Les couloirs trop obscurs, cachés dans les parois,

Ne sont offerts qu'aux pas des chercheurs téméraires !

 

Ailleurs, brillent, pour tous, les merveilleux trésors2

Des pharaons défunts, dont la magnificence

Eblouit les regards, dans une effervescence,

Où dansent des bijoux, de la nacre, des ors !

 

Mais ici, le granit, garde un céleste rêve,

Une prière vive, un cri vers l'Eternel !

Il est base d'envol vers l'astre originel

Par où, chaque être accède à l'immortelle grève !

 

Louqsor.

 

Deux énormes " Ramsès "1,colossales statues,

Ornent les deux massifs du pylône d'accès !

Ainsi gardé, le seuil voit les âmes passer,

Pour parvenir au temple où les voix se sont tues !

 

Un obélisque invite à regarder les cieux !

Son frère2, en plein Paris, garde une immense place !

Sur les parois, le socle, un discours les enlace3,

Hommage aux plus grands rois, prière à tous les dieux !

 

Le pas, de cour en cour, de portique en portique,

Erre de ci, de là, passe près de l'autel

Où les barques, jadis, exaltant l'Immortel,

Exposaient son visage à la foule mystique !

 

Entre un portail et l'autre4, entre deux âges d'or,

Est une colonnade à quatorze fûts lisses5,

Où, par juste pouvoir, les rois se font complices,

Où, privé de tic-tac, le temps vaincu s'endort !

 

Sur le vestibule, ouvre une chambre secrète,

Où naît le pharaon, conçu divinement,

Tout près du Saint des Saints, quand, pour l'événement

Le Tout Puissant Soleil, sur son orbe, s'arrête !

 


La Vallée des Rois.

 

Profonde est la vallée où les plus grands des rois

Ont décidé d'avoir leur demeure éternelle !

A chacun d'établir sa valeur personnelle,

En parcourant la route aux multiples effrois !

 

L'intouchable défunt, sous plusieurs sarcophages,

A l'abri, dans le sol, de tout ce qui corrompt,

Doit faire face aux dieux par son double, fort prompt,

Pour parvenir, un jour, aux bienheureux rivages !

 

Anubis, le chacal, tend la main, sur le seuil,

Au transfuge en péril effrayé par l'épreuve.

Il est son guide sûr, de bons conseils, l'abreuve,

Assume, pas à pas, le devoir de l'accueil !

 

Le reptile abattu devient barque intrépide,

Apte à vaincre, debout, les plus houleuses mers !

Ainsi, d'Ouest en Est, hors des gouffres amers,

Le voyageur arrive au domaine limpide!

 

Ayant posé son coeur, vidé de tout poids vain,

Sur l'un des deux plateaux d'une juste balance

Equilibrant, sur l'autre, une plume, un silence,

Il peut enfin paraître au royaume divin!

 

 

La Vallée des Rois : Le Tombeau.

 

Dès le seuil, le couloir expose, sur ses murs,

La gloire du soleil, ses multiples mérites1,

En de très fins dessins, des phrases bien écrites,

Avec, en rose et bleu, des paraphes très purs !

 

Plus loin, sur les parois des chambres latérales,

Est donné le détail du devoir de l'orant2:

Du défunt, fuse un Double, un Esprit, un Errant,

Qui se sustente, vit, sur des ondes lustrales!

 

Au-delà, c'est l'Hadès, le séjour des enfers3,

Un terrible parcours aux embûches cruelles,

Avant de parvenir aux Portes rituelles4

Où ne passeront pas les ennemis pervers !

 

Au bout du corridor, le vestibule est vide :

Il défend, de tout dam, le sanctuaire clos,

Où le roi, sous ses fards, repose dans l'îlot

De sa tombe que nimbe un demi-jour livide !

 

Osiris a fait sienne, en son immensité,

L'âme du pharaon dont reste la momie

Au sein d'un sarcophage où sa forme endormie

Exalte l'ample soif de l'Immortalité.

 

La Vallée des Rois : Livres Rituels.

 

Pour la gloire de Râ, suprême roi des cieux,

Fut écrit le recueil, " Livre des Litanies "1 ,

Où les règles de fond se trouvent réunies !

Aux parois du tombeau, ces mots sont sous les yeux !

 

Lis surtout le traité de " La Bouche qui s'Ouvre " 2!

O Pharaon, ton Double, a des besoins humains !

Qu'il soit très attentif ! Qu'il tende les deux mains,

Vers tous les mets offerts, puisque l'ombre te couvre !

 

Il faut garder bon cap sur le fleuve infernal3,

Longer les sillons noirs de douze champs funèbres,

Où des parfums mortels émanent des ténèbres,

Avant de parvenir au jugement final !

 

Pour l'Entrant, la déesse arbore sa balance4!

A sa plume, le cur, doit être égal en poids !

Alors brille un domaine où s'élève une voix,

Pour l'accueil et la fête, en toute vigilance !

 

Osiris, dieu-soleil, grand maître du parcours5,

De son nocturne exil, s'évade, magnifique,

Et, par lui, les élus, hors du bal maléfique,

A la béatitude accèdent pour toujours!

 

Les Tombes de la Plaine

 

Du fleuve aux monts sableux, les tombes de la plaine,

Ont gardé les trésors d'une ère de grandeur:

Monogrammes, dessins, décrivent la splendeur

De logis dont l'air vif a sublimé l'haleine !

 

Incrustés dans le roc aux tons d'ambre soyeux,

Ou bosselant le sol où nulle herbe ne pousse,

Un jardin de tombeaux couverts de poudre douce,

Absorbe la clarté que prodiguent les cieux !

 

Serviteurs de renom, scribes, prêtres, prophètes,

Architectes, savants, tous gens de grand savoir,

Ont atteint l'au-delà, mais, par un sûr pouvoir,

Ils témoignent toujours des plus brillantes fêtes !

 

A l'abri des regards, un décor personnel,

Imprimé sur les murs, dans l'ombre sépulcrale,

Eclaire le défunt, d'une vague lustrale,

Où, libéré, son Double, accède à l'Eternel !

 

Un enfant, bras tendus, vers son père, s'avance !

Aux côtés de sa mère et d'un fidèle ami!

Tous vont se recueillir près du maître endormi

Dont le voyage échappe à l'humaine mouvance!

 

Le Message Subtil

 

Auprès des pharaons, dans leur divinité,

De très nombreux amis, des serviteurs fidèles,

Et les scribes savants, les chambellans modèles,

Ont voulu, sur ce sol, gagner l'Eternité !

 

Du riche majordome, au domestique honnête,

Assurés d'être, un jour, immortels, chez les dieux,

Ils ont gréé leur nef, mis le cap sur les cieux,

Tracé, de leur destin, l'image la plus nette !

 

Oeuvrant, pour que triomphe un rêve de bonheur,

Ils ont imposé l'ordre et le respect du rite,

Etabli de plein droit le prix de leur mérite,

Affirmé leur présence, en tout bien, tout honneur !

 

Un comptable, que fige une main hiératique2,

Est assis à sa table où figure, en détail,

Le nombre très exact des têtes de bétail,

Dont le flot troublant passe, invisible, erratique !

 

Au sein de ces tombeaux, vibre, sans se ternir,

Le message subtil des donateurs d'offrandes,

Artisans non connus des uvres les plus grandes,

A qui, tout l'Univers suspend son avenir !

 

 

Les Dieux.

 

Au service d'Amon qui règne, hors des ombres,

Il est de nombreux dieux dont les pouvoirs précis

Consistent, par le Ciel, à chasser les soucis,

Chez l'homme, que, parfois, submergent les flots sombres !

 

Ils ont, pour ici-bas, des formes d'animaux,

Recommandent la veille, afin que nul ne meure !

Ils ont leur place au temple et dans chaque demeure !

Ils sont habilités à vaincre tous les maux !

 

Anubis le chacal, accueille, calme, exhorte,

Aide à passer le seuil de l'Immortel Séjour !

La lionne a l'élan, la fougue de l'Amour !

La chatte a des atouts d'une toute autre sorte !

 

Hathor porte la lune entre ses cornes d'or,

Et génère à loisir la musique et la danse !

Entre ses doigts, le sistre, assure la cadence !

Elle est l'ivresse même et son cur, point ne dort !

 

Fils de la belle Isis et d'Osiris le Sage,

Unis par le lien pur d'un sublime idéal,

Horus, faucon subtil, ineffable féal,

Clame à tout l'univers, le céleste message !

 

La Vie et la Mort.

 

La nécropole couvre un versant du coteau !

Le village se love au creux de la vallée,

Mais, de ses travailleurs, l'âme s'en est allée

Au séjour des élus, sur un léger bateau !

 

Les déesses du temple, au bord de la ravine,

Invitent, l'une, à vivre, ici-bas, sans remords1,

Et l'autre, l'implacable, à l'heure de la mort,

A croire en la justice, à la barre divine 2!

 

Dès le seuil, l'enceinte offre aux fervents pèlerins,

En plein cur de la Cour, l'arche de la prière,

Une salle hypostyle, un mur sans meurtrière,

Orné de tout un monde aux visages sereins !

 

Le pronaos protège une douce pénombre !

En cercle, trois autels, dirigent, frémissants,

Tous les espoirs, les vux, sur des parfums d'encens,

Vers un dieu très actif, qui note, qui dénombre 3!

 

Un puits, tout près de là, garde, en sa profondeur,

Le souvenir d'un âge aux célestes pratiques !

Hommes, dieux, de plein front, voisinent, pathétiques,

Inscrits sur les parois qu'éclaire leur splendeur !

 

 

La Vallée des Reines.

 

Les Reines, leurs enfants, les fils des plus grands rois,

Dans la rude vallée, ont eu leurs sépultures !

En tout sens, en relief, d'éclatantes peintures

Ornent de leurs couleurs, les plafonds, les parois !

 

Pour un jeune défunt dans sa prime jeunesse,

Oh ! que de soins jaloux, que d'attentifs jalons,

Afin qu'un jour, au ciel, vainqueur des vils félons,

Rejoint par tous les siens, dans la gloire, il renaisse !

 

Ainsi la nécropole enferme les tombeaux

De trois princes dont brille une aura frémissante 1!

Un ftus y figure, une âme évanescente,

Avec, tout à l'entour, les décors les plus beaux !

 

Là, se trouve une tombe, émouvante entre toutes2 :

Une épouse royale assume offrandes, vux !

Un seul bijou fleurit sa tresse de cheveux 3!

Toute jeune, elle aborde un au-delà sans doutes !

 

Une autre demeure offre un merveilleux accueil :

Le céleste pouvoir, dans la terrestre arène,

A pris tout son éclat pour une souveraine

A qui, de l'autre monde, a dû s'ouvrir le seuil !

 

Le Pavillon Royal de Ramsès III.

 

De ce qui fut jadis une cité vibrante1,

Il subsiste murs secs, portails démantelés,

Mais l'enceinte sans faille à remparts crénelés,

D'un passé fastueux, se veut rester garante !

 

En bordure du clos, fouetté par le vent,

Un pavillon de guerre, incrusté de gravures2,

A l'aspect d'une feuille à milliers de nervures,

Entre lesquelles, court un récit captivant !

 

Le pharaon vainqueur revient de ses frontières3

Entouré d'ennemis, misérables captifs

Qu'il offre, sans remords, par jugements hâtifs

Au dieu suprême, Amon, maître en toutes matières !

 

Entre deux tours, la porte, invite à parvenir

Aux chambres du harem que l'amour, toujours, hante !

Au bord de la fenêtre, un gai rossignol chante,

Arpège un argent fin que rien ne peut ternir !

 

Une blancheur circule au seuil des deux chapelles4

Où, par à coups, palpite une lente oraison !

Revenez-vous par là, vierges de la maison ?

Pour le divin service, êtes-vous les plus belles ?

 


Ed fou .

 

Le temple fut construit pour le fils bien-aimé

D'Isis et d'Osiris dont le couple exemplaire,

Omniprésent, debout, pare la pierre claire,

Aux côtés du " dieu Râ ", chaque jour, acclamé !

 

Le pylône et la cour détaillent tous les rites

Observés sans réserve, autrefois, dans ces lieux,

Pour le divin faucon, sage maître des cieux ,

Où, pour chaque défunt, sont pesés les mérites !

 

Il est là, le dieu fort, le vénéré seigneur :

Taillé dans le granit, pourvu de griffes, d'ailes,

Il regarde venir les pèlerins fidèles,

Happés par l'humble soif d'un immortel bonheur !

 

De Haute et Basse Egypte, ici, brille le trône,

Enlaçant dans ses arcs, lotus et papyrus !

Les monstres grimaçants, sont détruits par Horus,

Qui porte, haute et sûre, une double couronne !

 

Au faîte, se promène, un souffle sidéral !

Voici le vaste seuil de la chambre aux offrandes !

Au voyageur craintif, s'offrent des voix plus grandes,

Autour d'un vu qui tremble au sein d'un ciel astral !

 

 

Kom Ombo.

 

Le temple, au bord du fleuve, orne le firmament !

Du haut de sa colline, il se mire dans l'onde,

Affirme la splendeur de sa mâture blonde,

Epanouit dans l'air un pur jaillissement !

 

Sur la vaste esplanade ouvrent les deux pylônes,

Avec le double seuil, par où passaient les dieux !

Deux autels de granit sont dressés dans ces lieux,

Loin de tous les regards, dans l'ombre des colonnes !

 

Au divin crocodile , à son pair, l'épervier ,

Plus n'est rendu d'hommage au cur de ces enceintes !

Il n'est plus de cortège autour des barques saintes !

Il n'est plus de saurien : désert est le vivier !

 

Mais l'influx de jadis émeut d'autres fidèles ,

Entre ces murs sans faille, empreints d'un savoir sûr,

Tandis qu'en plein soleil, maîtresses de l'azur,

Parmi les chapiteaux, tournent les hirondelles !

 

Entends le chant vital qui vogue sur ce bord,

Ami, qu'une felouque a conduit sur la grève,

Où le temps s'abolit sur une aile de rêve !

Jette l'ancre, ce soir ! N'est-ce pas là, le port ?

 

Assouan.

 

O Fleuve, d'où viens-tu ? Serait-ce là ta source ?

Entre tes flancs abrupts, moins proches tout à coup,

Ton cours a pris l'ampleur d'un lac au flot très doux !

Un dieu montrera-t-il où commence ta course ?

 

Ah ! ce n'est qu'une porte, un magnifique seuil,

Qui forme sur ta vague, une très vaste crique,

Un havre de clémence, avant la rude Afrique ,

Avec, sur son rivage, une ville d'accueil !

 

La cité, commerçante, éployée en bordure,

Etage, au long des quais, ses amas de murs blancs ,

Face aux monts de l'Ouest, désertiques, troublants ,

Tandis qu'un parc, Cap sud, étale sa verdure !

 

Un palais, devant l'onde, émerge des jardins ,

Retient de blanches nefs, dans ses débarcadères,

Expose ses balcons, ses tours, ses belvédères,

Offre un divin loisir aux nobles paladins !

 

L'eau qui passe, caresse, et d'or fauve, patine,

Un lourd vaisseau de rocs, sans voiles, sans pavois !

O Seigneurs de jadis, que d'éloquentes voix,

S'élèvent, pour vous, là, sur l'île Eléphantine !

 

L'Ile Eléphantine au Large de la Rive Gauche.

 

Seuil de la Haute Egypte, Assouan veille et prie !

Rive gauche, le Nil, baigne un jardin rêveur,

Puis mire des maisons, par divine faveur,

Au long d'une corniche à rambarde fleurie !

 

Sur l'Ile Eléphantine, au sein du fleuve-dieu,

Subsistent les trésors d'inviolables terres,

Où vivaient les seigneurs, princes héréditaires,

Autrefois, de plein droit, seuls maîtres de ce lieu !

 

L'autre bord, vide, roux, champ de pèlerinages,

A gardé, dans ses flancs, par niveaux réguliers,

Des tombeaux, prenant jour par de longs escaliers,

Parvis de l'au-delà, pour de hauts personnages !

 

Eclairé d'un vitrail à reflets de vermeil,

L'Agha Khan, dont le titre, étincelle sur l'onde,

Au sein d'un mausolée à la coupole blonde,

A l'abri des regards, dort, d'un dernier sommeil !

 

Des buissons, des massifs, toutes sortes de palmes,

Un magnifique parc, couvrent tout un îlot,

Dans un parfum d'Eden, qu'emporte au loin, le flot,

Ombragent les chemins menant aux plages calmes !

 

 

Les Trésors du Désert.

 

Du Nil à la Mer Rouge, un massif désertique,

Enferme, dans ses flancs, du porphyre, des ors,

Du marbre, du granit, de merveilleux trésors,

Dans un espace vide au silence mystique !

 

Il est passé, par-là, poussés par leur destin,

Des voyageurs sans but, ou des saints, des ermites,

Happés, puis retenus, dans ces vastes limites,

Où la roche, à chacun, prête un toit clandestin !

 

Les pharaons, jadis, fascinés par le large,

Ont dirigé leurs chars, le regard vers les cieux,

Sur ces bords fournisseurs de métaux précieux,

Et dressé leurs pavois jusque sur cette marge !

 

Obélisques de grès, majestueux tombeaux,

Cachant aux yeux de tous, de riches sarcophages,

Et de longs couloirs d'ombre aux délicats pavages,

Au grand fleuve, ont fourni ses décors les plus beaux !

 

Quand, sur un large front, la montagne se brise,

Et pénètre dans l'onde aux lueurs de vitrail ,

Les poissons de couleur, les arbres de corail,

Eclairent le flot vif que caresse la brise !

 

Que Devenir.

 

Que devenir, sans but, dans la ville inconnue,

Où la foule se presse, à grands coups de boutoirs,

Encombre la chaussée entre les deux trottoirs,

Se bouscule, s'affole, au long de l'avenue ?

 

Le kaléidoscope agence les couleurs,

Les effrite, les fond, les assemble en javelles,

Elabore, à loisir, des figures nouvelles,

En essaims d'oiseaux blancs, de papillons, de fleurs !

 

Devenir un morceau de l'ample mosaïque !

Il n'est pas d'autre choix, jusqu'à ce que le pas

File sous une voûte où le flot n'entre pas,

Et qui livre une cour aux douceurs de caïque !

 

Au-delà du passage, apparaît un jardin !

Du minaret tout proche une voix grave égrène

Un chant, qui, tout à coup, rend l'âme plus sereine,

Alors qu'un souffle émeut le ciel incarnadin !

 

Le retour, dans la nuit, se vêt d'incertitude !

Au regard attentif, importe tout détail !

Mais, oh ! chance ! oh ! surprise ! Au devant d'un portail,

Le cher conducteur guette, avec sollicitude !

 

 

La Belle Turquoise.

 

Le bateau de jadis bien ancré sur le fleuve

Admet des gens venus de tous les univers !

A tous, fumoirs et ponts, à loisir, sont ouverts !

Un bal y tourne, heureux, qu'il vente ou bien qu'il pleuve !

 

Un personnel de bord satisfait tous les vux,

Assure le bien-être avec un gai sourire !

A tout nouveau caprice, il est prêt à souscrire !

Cabines, salons, bars, brillent de tous leurs feux !

 

Les objets en usage et toute la vaisselle,

Ont une grâce exquise, un charme désuet !

Mais un fier pavois reste au navire-jouet

Son nom, l'un des plus beaux, sur la coque, étincelle !

 

Un valet, chaque soir, donne d'un tour de main,

Au linge de toilette, une forme très drôle !

Amusé l'occupant s'intéresse à son rôle,

Etablit un rapport, sentimental, humain !

 

L'un des garçons, rieur, la mine un peu narquoise,

A qui fut, sans calcul, offert un chocolat,

Paya d'un bijou rare, et d'un très bel éclat,

Un souvenir d'Egypte, une belle turquoise !

 

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Editions CARÂCARA


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