Mahâbhârata
Fins et Commencements
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Ce titre regroupe un certain nombre de textes à visée eschatologique, rendant compte de différentes façons dont le monde peut apparaître et se résorber
Le Déluge indien (III - 185)
Ce n'est pas à proprement parler un récit de fin du monde: Manu Vaivasvata sauve un petit poisson et l'aide à grandir. Il en sera récompensé: lors du déluge, le poisson conduit son arche au sommet d'une montagne. Ce poisson était Brahmâ. Nous l'avons introduit ici, parce que ce déluge ressemble étrangement à la disparition sous les eaux du monde connu à la fin d'une Ère cosmique.
n voici un extrait:
Poussée par les grands vents, l'arche vacillait en tous sens sur l'immense océan comme une prostituée ivre.
La terre, l'horizon, les points cardinaux avaient disparu. Tout l'espace et le ciel n'étaient qu'eau, ô puissant guerrier.
Et dans ce monde ainsi bouleversé, n'existaient plus que les sept Grands Anciens, Manu et le poisson, ô Bhærata.
Ainsi, ô roi, le poisson tira l'arche pendant de nombreuses années sur l'immensité des eaux.
Il la tira jusqu'au seul sommet de l'Himavant (Himælaya) qui dépassait, ô vaillant descendant de Puru.
Puis, souriant légèrement, il dit aux Grands Anciens: « Amarrez l'arche sans tarder à ce sommet de l'Himavant. »
Sur le conseil du poisson, les Grands Anciens amarrèrent aussitôt l'arche au sommet de l'Himavant, ô vaillant Bhârata.
Sache, ô fils de Kunt, qu'aujourd'hui encore, ce sommet le plus élevé de l'Himavant (Himælaya) est appelé « l'amarrage de l'arche ».
Les Âges de l'Univers (III, 186-189)
Le sage Mârkandeya expose l'immensité du temps, ses cycles; il a vu l'anéantissement de l'univers, a nagé dans l'océan résiduel, a retrouvé le monde intact résorbé dans le ventre de Vishnu; il annonce l'arrivée de Kalki, l'incarnation à venir de Vishnu.
Seul reste alors un océan terrifiant; les créatures mobiles et immobiles ont disparu: les foules des dieux et des démons ont disparu, les ogres et les génies ont été détruits.
Dans le monde il n'y a plus de cieux, plus d'hommes, plus d'animaux, plus de plantes. Seul, j'errai en observant, ô roi.
Errant sur ces eaux terribles et solitaires, ne voyant plus aucune créature, je connus un découragement extrême.
Et je parcourus de grandes distances en nageant, ô roi; je nageais, infatigablement, sans trouver aucun refuge, ô roi.
Alors, dans cette étendue salée, je vis un immense banian, ô roi.
Sur une vaste branche de cet arbre, se trouvait un lit de repos couvert d'une divine jonchée d'herbes , ô roi.
J'y vis un enfant assis, ô grand roi des Bhârata, au visage de pleine lune, aux larges yeux de lotus épanoui.
Mon étonnement alors fut extrême, ô roi. Comment donc cet enfant se trouvait-il là, dans cet univers anéanti ?
Moi qui connais le passé, le présent et l'avenir, même avec la perspicacité due à mon ascèse, je ne reconnus pas cet enfant, ô roi.
À cause de son teint couleur de fleur de lin, à cause de sa touffe de poils caractéristique sur la poitrine , je compris qu'il était le havre de Lakshmî.
Alors, cet enfant resplendissant aux yeux de lotus, porteur de cette touffe de poils, me dit ces paroles réconfortantes:
(L'enfant dit:)
Mon cher Mârkandeya, je sais que tu es épuisé et que tu désires le repos. Assieds-toi ici, autant que tu le désires, ô descendant de Bhrigu .
Les dimensions de l'Univers (XII, 175-186)
Yudhishthira interroge Bhîshma, blessé à mort et reposant sur son lit de flèches, sur l'origine, les dimensions et la fin de l'univers. Celui-ci répond en citant un entretien entre deux sages. L'entretien porte aussi sur les cinq éléments et sur le bonheur. Voici une vision des débuts:
L'espace , autrefois, était calme et silencieux, immense comme une montagne. Privé de lune, de soleil et de vent, il paraissait endormi.
Alors l'eau naquit comme une seconde ténèbre dans la ténèbre. De cette eau qui se précipitait, s'élevèrent des vents.
De même qu'un vase intact ne fait aucun bruit, mais quand on le remplit d'eau, un souffle d'air se fait,
De même, quand les limites continues de l'espace sont emplies d'eau, un vent bruyant s'élève en crevant la surface de l'eau.
Ce vent, créé par la pression des eaux, circule et n'est pas arrêté par la texture de l'espace.
De la friction du vent et de l'eau, jaillit une flamme puissante à l'éclat brillant, qui débarrasse le ciel de ses ténèbres.
Ce feu uni au vent chasse l'eau de l'espace. L'union du vent et du feu produit quelque chose de dense.
La portion visqueuse du feu tombe dans l'espace et s'épaissit pour former la terre.
La terre, sur laquelle tout naît, est la mère des saveurs, des odeurs, des onguents et des êtres vivants.
La Création continuée (XII, 200-201)
Bhîshma enumère pour Yudhishthira les différents moments de la création: de Vishnu jusqu'aux sept Progéniteurs.
Voici l'apparition des quatre castes:
Madhusûdana (Vishnu) mit tout en bon ordre: le jour et la nuit, la durée, le matin et l'après-midi.
Par la pensée, il créa les eaux et les nuages mobiles et immobiles. Il créa la Terre tout entière, si belle.
Puis le vaillant Keshava, le seigneur Krishna, fit sortir de sa bouche, ô Yudhishthira, cent excellents brâhmanes,
De ses bras cent guerriers, de ses cuisses cent agriculteurs et artisans, de ses pieds cent serviteurs , ô puissant Bhârata.
Après avoir ainsi créé les quatre castes, ce dieu illustre (Vishnu) instaura Dhâtri(Brahmâ) maître de toutes les créatures.
De l'Oeuf originel à la résorption finale (XII, 298-300)
Bhîshma rapporte l'entretien du sage Yâjñavalkya avec le roi Janaka au sujet de la durée de création du monde et de sa résorption finale.
Voici l'énumérationdes 24 éléments constitutifs d la matière selon le Sâmkhya:
L'Être Suprême, le Principe Spirituel, le Sentiment-du-moi, puis (les cinq éléments grossiers) , la terre, le vent, l'espace, les eaux et la lumière en cinquième,
Ce sont les huit éléments primordiaux. Écoute maintenant leurs dérivés: l'oreille, la peau, les yeux, la langue, le nez font cinq;
Le son, le contact, la forme, la saveur et l'odeur; puis la bouche, les mains, les pieds, l'anus et le membre viril:
Ce sont les différents dérivés des cinq éléments grossiers L'esprit s'ajoute à ces différents dérivés .
Les avatâra de Vishnu (XII, 326)
Ce passage est tiré du Nârâyanîya Parvan, un ensemble de dix-huit chapitres au sein du Livre XII, qui vise à célébrer le dieu Krishna sous son ancien nom de Nârâyana. On y trouve l'exposé de la théorie du non-agir (nivritti) propre à un courant religieux, les Pâñcarâtra (cf. A.M. Esnoul, Nârâyanîya Parvan du Mahâbhârata, Les Belles Lettres, Paris, 1979). C'est, selon L. Renou, un des plus ancienx passages où il soit question des dix avatâra de Vishnu.
Le Dieu porteur d'une tête de cheval (XII, 335-337)
Vshnu a été conttraint de se doter d'une tête de cheval pour récupérer les Écritures volées par deux démons. Il y a eu sept créations différentes, venant toutes de Vshnu. La septième, la nôtre, voit Brahmâ sortir d'un lotus issu du nombril de Vishnu. Brahmâ fait appel à la déesse de l'Intelligence (Buddhi, autre nom de Sarasvatî) pour créer les créatures. Vyâsa, l'auteur du Mahâbhârata serait le fils de cette déesse.
Lorsqu'autrefois la terre eut disparu dans les eaux, dans l'océan unique, lorsque l'eau eut disparu dans la lumière, lorsque la lumière eut disparu dans le vent,
Lorsque le vent eut disparu dans l'espace, lorsque l'espace eut disparu dans l'esprit, lorsque l'esprit eut disparu dans le Manifesté et lorsque le Manifesté eut rejoint le Non-Manifesté,
Lorsque le Non-Manifesté fut allé dans l'Homme Primordial, et lorsque l'Homme Primordial fut allé dans le Tout, tout fut ténèbres et rien ne fut plus perceptible.
Le Principe Suprême sortit des ténèbres. Il en était la cause. Tout justice, ordonnant l'existence de tout, il prit la forme de l'Homme Primordial.
Il est appelé Aniruddha , et il annonce l'Essence Primordiale . Il faut savoir, ô meilleur des rois, qu'elle est non-manifestée et munie des trois tendances .
Le dieu Hari Vishvakshena (Vishnu), ami des sciences, fit sa couche sur les eaux pour s'abandonner à l'emprise du sommeil. Il pensa l'univers comme une création merveilleuse et dotée de mille caractéristiques.
18. Le Principe Spirituel , avec ses qualités propres, fut évoqué par lui tandis qu'il pensait la création, puis le Sentiment-du-Moi. De cela naquit Brahmâ aux quatre visages, l'Embryon d'Or, le seigneur, l'Ancêtre de tous les mondes..
19. Il naquit d'Aniruddha dans le lotus. Ce dieu impérissable aux yeux de lotus, assis sur le lotus aux mille pétales, étincelait.
Naciketa (XIII, 70)
Naciketa, un jeune ascète, rencontre Yama le dieu des morts qui l'enseigne sur les effets bénéfiques du don des vaches.
Un aperçu des paradis:
Alors le dieu me fit monter sur son char magnifique et brillant, attelé de bêtes de trait, et il me montra tous les mondes des hommes saints, ô brâhmane.
Là, j'ai vu les maisons lumineuses de ceux qui se sont réalisés, faites de toutes sortes de formes et couleurs, faites de pierres précieuses,
Claires comme le disque de la lune, munies d'une résille de clochettes, avec plusieurs centaines d'étages et des pièces d'eau, des jardins boisés intérieurs,
Brillantes d'oeil de chat et de cristaux, faites en or et en argent et d'objets couleur du soleil à son lever.
J'y ai vu des montagnes de nourriture, des vêtements, des lits, des fruits pour tous les plaisirs, des arbres ombrageant les palais.
Il y avait des rivières, des rues, des salles d'assemblée, des bassins ovales, de tous côtés, et des milliers de voitures attelées et bruyantes,
Et des fontaines de lait, des montagnes de beurre fondu, de l'eau limpide. J'ai vu de nombreux endroits inconnus jusque là, avec la permission de Vaivasvata (Yama).
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