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Editions CARÂCARA


Autre VIE DE SAINT MALO
IXème siècle
manuscrit latin de la BN n° 12404 folio 247-250
Anonyme
trad. G. Vincent,
texte publié par Arthur de la Borderie
in Société archéologique du département d'Ille et Vilaine Bulletin et Mémoires 16 Rennes 1883, 265-313


PRESENTATION

Pour l'érudit A. de la Borderie, "cette vie est la source commune des trois Vies de saint Malô les plus connues" à cause d'un "style plus sobre et plus simple, d'un caractère plus antique". On y lit, en effet, comment tout jeune enfant, Machus (Malô) est prédestiné à une vie de moine auteur de miracles: laissé endormi sur un rivage à la marée montante, il ne meurt pas : le rivage se soulève et se transforme en île. Il rejoint le grand saint navigateur saint Brendan, participe à son expédition en mer, ressuscite un géant, voit des merveilles, revient en son pays où il rend la vue à un aveugle, et effectue bien d'autres miracles.

Très beau texte sans ces miévreries souvent typiques de la littérature hagiographique. Des modes de vie transparaissent, des demandes et des besoins d'hommes en ces temps reculés (la maladie prédomine). Que concevait-on alors d'une vie aventureuse ? Qu'attendait-on de l'aventure ? Car l'enjeu est moins d'édifier le lecteur que de l'amener à avoir confiance et à rêver.

On ne sait rien de celui qui rédigea ce récit ; il écrit un latin correct, peu marqué par les hibernismes, ces tournures de langue irlandaise se reflatant dans le latin, comme c'est le cas de la "Navigatio sancti Brendani". Petit problème d'écriture : comment libérer saint Malô de saint Brendan, assurer à son héros une vie originale malgré l'ombre (bienfaisante) du saint navigateur ? En cela il suit le modèle hagiographique incluant des enfances et une fin édifiante alors que la Navigatio ignore encore cette façon de faire.Mais la vie de saint Malô donne pour projet au saint homme de voyager vers les hommes, de ne pas se désintéresser de ce monde, de rendre la vie plus supportable. On a l'impression que le voyage en mer avec ses merveilles surnaturelles est alors contrebalancé par cette vie plus concrète, ou que l'on ne peut aller vers l'humanité qu'après avoir compris l'infini grandeur de Dieu manifesté en sa création.

 


Vie de saint Maclo. Vie de saint Machus qui est aussi appelé Machlovus et Machlovius. Début de la vie de l'évêque évangélisateur saint Machus.

Préface.

Très chers frères, nous devons ensemble louer de toute notre force physique et intellectuelle l'auteur de toute chose, qui est toujours admirable en ses choix, qui a, par avance, fixé et déterminé notre destin, avant la formation du monde. En effet il est juste et c'est un devoir légitime pour une créature douée de raison, de glorifier en son corps chaque jour son créateur ainsi que de le louer comme son rédempteur. Car comment remercierions-nous autrement le Seigneur pour tout ce qu'il nous a lui-même donné gratuitement et sans compter, si ce n'est en lui rendant pour chacun de ses bienfaits, considérés avec sagacité, l'offrande de notre louange ? Par un don sacré de Dieu, est attribué à chacun de ses serviteurs le savoir qui se trouve utile pour faire accroître sans cesse la louange du Christ au cours des siècles. Et nous devons, afin de magnifier la louange de Dieu, raconter brièvement avec notre stylet quelques anecdotes de la vie et des propos de saint Macchus, doublant ainsi le talent que notre rédempteur nous a remis et attirant sur nous, malheureux, la protection du saint aux œuvres mémorables.

Chapitre 1. La naissance de saint Machus, son baptême et son enfance.

Donc le vénérable et très sacré saint évêque Machus, aux parents nobles et dignes de ce siècle, naquit en Bretagne, dite " région du vent. " Sa mère, déjà âgée, était la sœur d'Hamon, père de saint Samson et d'Umbrafel, père de saint Maglorius. Son père, le plus noble des hommes de ce pays, était Uventus. Cependant, selon le récit d'hommes très instruits, la mère de saint Machus, était dans sa soixante sixième année quand elle enfanta son fils, dans la vallée nommée Carvanna, où était situé un très élégant monastère dirigé par l'abbé confesseur Brendan. La mère de saint Machus s'y était rendue le soir de la fête pascale pour la veillée. Elle y mit au monde cette nuit-là son fils. Brendan le baptisa, le hissa hors de la fontaine et le reçut comme son fils spirituel : il l'éleva selon la foi chrétienne, depuis son premier âge jusqu'à ce qu'il pût parler et bien comprendre les lettres. De plus, la nuit où naquit saint Machus, selon la volonté divine naquirent, en même temps que lui, trente trois petits enfants, de sexe masculin, dont les mères appartenaient à la suite de sa mère et l'accompagnaient. Ils furent donc tous élevés en même temps que lui. Or le saint Maître, voyant que l'enfant Machus était apte à retenir les lettres, les lui écrivit sur une tablette de cire : l'enfant, raconte-t-on, apprit à la perfection les noms et les tracés des lettres, en l'espace d'un seul jour. Dans sa jeunesse, on le distinguait plus que les autres jeunes gens de son âge ; son comportement était à la fois tendre, comme on l'est à cet âge, et courageux, car, loin de toute puérile légèreté, il se montrait plutôt solide et sérieux ; contrairement à l'habitude commune des jeunes gens qui est de fuir les matières littéraires, lui, se consacra à une très complète étude de ces disciplines. S'étant repu de cet exercice, avec l'aide du Christ, sa bouche affamée et avide se nourrissait à fond de la sagesse divine, et même rassasié, il en était toujours plus affamé ; la sagesse de Dieu se définit elle-même ainsi : " Celui qui me mange aura faim davantage et celui qui me boit aura encore plus soif. " Par ailleurs, de plus en plus fortifié par la littérature sacrée, il révélait un très fort et bouillonnant courage : ainsi alors que les autres élèves se plaignaient des effets d'un froid rigoureux, lui-même affirmait ressentir une excessive chaleur et personne ne pouvait en douter. Quand, en hiver, ses camarades grinçaient des dents en raison du très grand froid, lui, saint Machus, alors réchauffé par l'esprit, avait le corps toujours si chaud qu'il ne revêtait pas de manteau comme les autres, mais se contentait d'un vêtement simple, et ses membres étaient toujours si bouillants que de minuscules gouttes de sueur limpide apparaissaient sans cesse sur son front.

Chapitre 2.Sommeil du saint sur le rivage de la mer. La vallée Carvanne, où naquit, grandit et s'instruisit saint Machus est proche de la mer. C'est pourquoi, comme le font des enfants qui jouent, saint Machus et ses condisciples allèrent courir au bord de la mer pour se détendre et dissiper les fatigues de l'étude par la joie du jeu. Mais Dieu Tout Puissant, voulant alors révéler la vertu cachée de son saint, au moment où les autres fuyaient la marée montante et abandonnaient leurs jeux pour retrouver rapidement leurs lectures, plongea le saint dans un sommeil qui le retint sur le rivage au beau milieu d'une touffe d'algues. Durant le sommeil de saint Machus, la mer prit de plus en plus de hauteur à l'endroit où il était étendu et, proche de lui, l'entourait peu à peu. Mais, et ceci était un signe de Dieu, plus la mer montait, plus le rivage où dormait le saint s'exhaussait sous lui et plus profondément se creusait le bord même de la mer autour de lui. Alors saint Machus réveillé par le fracas des flots marins, regarda autour de lui, ne vit personne et se mit à appeler à voix haute ses condisciples chacun par leur nom. Comme personne ne répondait, il se dit : " Dieu Tout Puissant, toi qui n'abandonnes pas ceux qui espèrent en toi, dis moi où je suis. " Ses compagnons étaient rentrés et leur maître leur demanda à chacun où était son disciple préféré et ils répondirent qu'il les avait accompagnés au bord de la mer, qu'ils l'avaient vu s'endormir mais qu'ils ne savaient pas si ensuite, il était resté là-bas ou s'il était revenu ; le maître gémit et dit : " Seigneur Dieu, il aurait mieux valu pour moi ne pas l'avoir vu naître que de le voir disparaître avant de lui avoir inculqué tout ce que je voulais. "

Chapitre 3. Les messagers envoyés par ses parents. Cependant, à la fin de la soirée, le maître et les élèves, qui savaient où se trouvait saint Machus quand il s'était endormi, allèrent au bord de la mer. Et voici qu'une île qu'ils n'avaient jamais vue auparavant leur apparut. Comme tous s'étonnaient, et murmuraient entre eux à ce sujet, le maître prit la parole et dit : " En est-il un parmi vous qui a vu cette île auparavant ? " " Non. " Déclarèrent-ils tous. Alors le maître gardant son calme, ordonna à ses étudiants de regarder alentour sur le rivage et de chercher dans les flots marins le cadavre du disparu. Tous obéirent à l'ordre du maître, mais le corps ne fut pas retrouvé, et déjà, les ténèbres de la nuit les enveloppaient. Ils s'en retournèrent au monastère et dans l'église célébrèrent un office des morts, comme s'il s'agissait des obsèques de saint Machus. Après quoi, tous en proie à une grande douleur, se retirèrent chacun dans leur chambre et le maître se rendit seul dans sa maison, sans vouloir ni pouvoir dormir. Et voici que des messagers envoyés par les parents de saint Machus poussèrent sa porte et déclarèrent : " Brendan, les parents de Machus nous ont envoyés te demander de leur rendre sain et sauf leur fils, comme ils te l'ont confié. " Mais lui répondit : " Hélas ! Déjà une immense douleur me tient ! Et en plus votre pénible mission me fait prendre la vie en dégoût. Allez-vous en et annoncez à ses parents que leur fils a rejoint Dieu le Père pour l'éternité. "

Chapitre 4. La découverte de saint Machus et l'envoi du psautier à la mer. Mais comme les envoyés s'étaient éloignés, saint Brendan qui se confondait en veilles et en prières, vit apparaître au point du jour un ange du Seigneur qui lui dit : " Brendan, serviteur de Dieu, ne crains rien. Dieu Tout Puissant qui ne veut pas la perte des siens a gardé indemne au milieu des flots marins l'enfant Machus dont tu pleures la disparition. Sur le rivage, sous l'autorité de Celui qui marcha sur la mer, une île nouvelle s'est créée. Et voici ce qui donnera la valeur d'une preuve inaltérable à ce premier signe qui révèle en Machus une force divine : la mer auparavant en cet endroit suivait chaque jour les variations de la marée ; sur l'ordre du Tout Puissant, elle entourera désormais cette île d'une profondeur constante, ne s'en retirera jamais et personne en ce lieu ne pourra atteindre à pied l'île. Là tu verras ce matin le jeune homme qui adresse à Dieu les louanges requises. " Alors saint Brendan honora Dieu de magnifiques louanges. Dès le matin, il rapporta ces propos à toute sa communauté assemblée. Tous se levèrent et se rendirent au bord de la mer, où, comme l'avait annoncé l'ange, ils virent au sommet de l'île, saint Machus qui chantait des odes à Dieu. Alors, joyeux, le maître s'écria : " Salut, élu de Dieu Tout Puissant ! Lève-toi donc que je t'embrasse ! Mon fils, je te retrouve toi que je n'espérais plus ! C'est comme si je voyais un second Lazare ressuscité au quatrième jour ! " Le jeune homme répondit humblement : " Louez toujours le Seigneur et rendez-lui grâce pour moi, son humble serviteur. Maintenant laissez-moi un jour seul en ce lieu où sa miséricorde m'a sauvé. Remettez-moi mon psautier et si vous ne savez comment me le faire parvenir, posez-le sur les flots. Car Dieu qui m'a sauvé de la houle, me l'enverra ici intact aujourd'hui, s'il lui plaît que j'y demeure. " Quand, sous les yeux des autres disciples, le maître eut pris le psautier et l'eut confié à la mer, la touffe d'algues sur laquelle le saint avait dormi, surgit et se chargea du psautier et le porta intact jusqu'à la rive où priait saint Machus.

Chapitre 5. Le saint refuse de retourner auprès de ses parents. Tous ses frères, à la vue de ce miracle, c'est à dire l'obéissance des éléments au serviteur de Dieu, se prosternèrent à terre et, durant une heure, se répandirent en éloges adressés au Seigneur. A la fin, ils se relevèrent et, sans se soucier de leur compagnon, regagnèrent le monastère et firent savoir à ses parents que leur fils était sauvé. Ceux-ci, à cette nouvelle, furent saisis d'étonnement et dirent : " Tu es grand, Seigneur, et grands sont tes prodiges ; tu diriges tout ; aucune créature ne peut contester ton autorité et ta puissance. " Aussitôt, remplis de joie, ils se rendirent au monastère, s'y firent raconter tout ce qui était arrivé à leur fils et demeurèrent jusqu'au lendemain en compagnie des prêtres qui allaient et venaient du monastère au bord de la mer. A la fin du jour, ils envoyèrent au jeune homme une embarcation et le reconduisirent à terre jusqu'au monastère. Le maître dit alors aux parents : " Comme vous l'avez demandé, retrouvez votre fils sain et sauf, par la miséricorde de Dieu. " Entendant cela, l'enfant dévoué à Dieu, Machus, ne supporta pas l'idée d'être séparé de son pédagogue et dit en versant des larmes : " Maître saint, que je dois vénérer plus que mes parents, ne t'ai-je pas entendu dire, lorsque tu nous enseignais l'Evangile : " N'invoquez pas votre père sur la terre, car vous n'avez qu'un seul père dans les cieux. " ? " Par ces mots et d'autres également saints, malgré son jeune âge, il sermonnait son maître, ses frères et ses parents sans relâche, forçant l'admiration de tous. C'est pourquoi, ses parents comprirent que la main du Seigneur guidait leur enfant, et se repentirent tout à fait de leur démarche. Ils laissèrent leur fils en compagnie de son maître, prirent congé et s'en retournèrent chez eux. Saint Machus chaque jour manifestait sa joie dans ses prières et sortait son embarcation pour se rendre dans l'île qui jusqu'à nos jours fut appelée justement " Bruine marine. "

Chapitre 6. Le cierge merveilleusement allumé. La coutume voulait encore que l'un des enfants portât, la nuit, chacun à son tour durant une semaine, une lanterne allumée devant son pédagogue, sur le trajet vers l'église pour l'office du petit matin. Or, comme était venue la semaine du bienheureux enfant, ses compagnons, pour l'empêcher de porter la lumière comme d'habitude, éteignirent le foyer où il devait allumer sa lanterne. Par jalousie, ils voulaient attirer sur l'enfant un châtiment. Ne sachant que faire, Machus courut à l'atelier où se faisait la poix et demanda à l'ouvrier de partager avec lui sa lumière. Celui-ci refusa, ne voulut pas étendre les braises de son feu, et enfin, ayant mis des charbons ardents sur les genoux de l'enfant, n'endommagea même pas ses vêtements. Retourné auprès de son maître, l'enfant trouva le cierge déjà allumé par un ange. A la vue de ce double miracle, qui empêcha les braises de brûler les vêtements de l'enfant et fit illuminer le cierge par l'ange, le maître se jeta aux genoux du garçon en l'adorant.

Chapitre 7. La prédication et la navigation vers l'île extrême. Pendant ce temps, le saint enfant s'efforçait d'accomplir virilement l'étude de la discipline qu'il s'était proposé de suivre. Ainsi, par la persévérance de ses lectures, il parcourut avec facilité les tablettes des psaumes et petit à petit, il devint capable d'étudier les arts libéraux. Très jeune encore, il soumit son corps à des privations quotidiennes et à des veilles continuelles. Avec l'âge, grandissait en lui, la force de la sagesse, et tel un homme averti, il se montrait efficace pour lui-même, et prévoyant et réfléchi pour ses proches. Son âge et sa culture le permettant, son maître lui confia la charge de prononcer des sermons. Celui-ci humblement et avec soumission, endurait le mépris du monde pour lequel il offrait son labeur, instruisait le peuple par ses sermons, dans lesquels il affirmait que la cité d'ici n'est pas durable mais que tout ce qui porte la marque du temps, s'évanouit, fuit et disparaît, et tous ceux qui s'y fient avec. Il s'appliquait donc ainsi à échapper aux biens éphémères pour acquérir les biens durables, à passer du transitoire au stable. A ce moment-là, il rechercha pour lui, ses compagnons et son maître, un endroit retiré des apparences visibles et s'apprêta à rejoindre une île très connue dans cette région, nommée " l'île extrême. " On racontait qu'elle offrait un aperçu non négligeable des délices du paradis. C'est pourquoi le saint maître et tous ceux qui participaient à l'expédition préparèrent un navire et s'en remirent à celui qui gouverne la mer. Ils s'avancèrent au nombre de quatre vingt quinze sur un seul vaisseau assez large, et confièrent leur sort à la mer où, errant çà et là, fatigués par une navigation déjà longue, ils ne trouvèrent pas l'île qu'ils cherchaient. Après avoir visité tour à tour les îles Orcades et toutes les autres îles du Nord, ils revinrent dans leur pays.

Chapitre 8. L'ordination de l'évêque. Sains et saufs par la miséricorde de Dieu, ils évitèrent les périlleux naufrages de la mer et retournèrent dans leur premier monastère. Saint Machus, étonnamment fort, se fit remarquer de tous les gens de ce pays par ses mérites, ses exploits, et des signes merveilleux qu'on ne saurait raconter. Les étapes importantes de sa carrière ecclésiastique étaient franchies quand les rois et les nobles de cette province le choisirent naturellement, de par la volonté de Dieu, pour occuper le siège d'évêque, car il brillait par ses miracles et plaisait à Dieu Tout Puissant et à l'ensemble de son peuple.

Chapitre 9. Le géant mort. Après son ordination, ils achevèrent les préparatifs d'une navigation car son maître saint Brendan désirait se rendre avec lui dans l'île renommée dont on a déjà parlé, et que beaucoup célébraient et présentaient comme un séjour favori des anges du ciel. Ils employèrent sept ans à cette entreprise tentée plusieurs fois. Le vicaire s'opposa à leur retour en terre natale et il leur fallut fêter sept fois Pâques en mer. Au cours de cette septième année, ils arrivèrent dans une île dans laquelle ils découvrirent un tombeau d'une étonnante longueur et tous s'étonnaient qu'un corps humain occupât un si grand espace de terre. Certains disaient qu'un homme d'une telle longueur ne pouvait avoir existé. Alors son saint Maître et tous ses frères adressèrent avec la plus grande insistance une supplication à Machus : ils le croyaient capables de tout obtenir de Dieu à la suite du miracle si grand et si inouï qu'il avait accompli en mer ; aussi ils lui demandèrent de peser de tout son poids par ses prières auprès du Seigneur pour faire apparaître ressuscité le corps de celui qui reposait étendu dans ce tombeau. Ayant entendu cela, l'homme heureux fut d'abord effrayé et se jugea de toute façon indigne d'une telle entreprise ; enfin, comme son maître insistait, par des prières renouvelées, il ne lui parut plus possible de se dérober et il se prosterna en larmes pour prier le Seigneur, avec une totale confiance, parce qu'il n'est pas Dieu des morts mais des vivants. Il acheva cette prière secrète, évidemment connue de lui seul et de Dieu, se releva plein de courage et dit devant tous à voix haute, en se tournant vers le ciel : " Seigneur Jésus Christ, vrai Dieu, pareil au Père, comme Lui créant tout de rien, tu as jugé bon de prendre pour notre rédemption une figure humaine en tout, au physique et au spirituel, et venu ainsi sur notre terre, parmi tous les autres miracles accomplis par ta puissance, tu as fait lever Lazare de sa tombe alors qu'il se décomposait déjà depuis quatre jours ; pour consolider la foi dans les cœurs de tes fidèles, tu leur as promis d'accomplir des miracles encore plus grandioses ; et pour donner à nos yeux plus de poids à cette vérité, il t'est venu à l'esprit le mot de la vie : " Celui qui aura une foi aussi lourde qu'un grain de moutarde, pourra dire à cette montagne : Déplace-toi ! Sans retard, elle se déplacera. " Toi donc, rassemble les cendres dispersées de celui qui fut placé en ce tombeau, redonne vie par ton inexprimable puissance aux éléments que tu as rassemblés ; ainsi notre perplexité sera dissipée quand nous verrons ressuscitée la part physique de cet individu. La louange et la gloire s'ajouteront à ton nom ainsi que le Père avec l'Esprit Saint, Dieu unique vivant et régnant dans les siècles. "

Chapitre 10. La résurrection et le baptême du géant. A la fin du saint discours de l'homme de Dieu devant tous, voici que le tombeau tout entier s'ébranla et qu'un homme de taille immense et incomparable s'avança tout à coup comme après un sommeil. Tous le regardaient avec étonnement, effrayés par sa corpulence, et ils lui demandèrent quelle personne il avait été et quelle avait été la forme de ses croyances ; il répondit qu'il avait été un géant nommé Milduus et un païen adorant les idoles. Ensuite il raconta quels tourments il avait subi en enfer avec les autres incroyants et dit qu'il avait été arraché, par la force du bienheureux Machus, à ce lieu où vaine est la pénitence : c'est une vérité, en Enfer, personne n'avoue ses fautes à Dieu. Il redoutait une éternité posthume dans un tel séjour et réclamait de renaître par l'eau et l'esprit saint ; il affirmait que Jésus Christ crucifié par les Juifs était fils de Dieu ; ces Juifs et d'autres incroyants, cent fois plus nombreux, il prétendait les avoir vus mis à la torture pour racheter la honte de la passion et de la mort du Christ. Donc le bienheureux Machus, comprenant qu'il réclamait de tout son cœur le sacrement du baptême, avant de le purifier par les eaux du salut, l'instruisit davantage sur la foi en la sainte Trinité. Ensuite, par une triple immersion, il le baptisa, au nom du Père, du Fils et du saint Esprit.

Chapitre 11. Le géant se promène sur la mer. Après quoi, ils lui expliquèrent en détail le projet qui les poussait à peiner sur l'Océan et lui demandèrent expressément si, comme habitant la mer, il connaissait l'île lointaine qu'ils recherchaient. Voici sa réponse : " Un jour, j'ai vu en mer une île différente de toutes les autres qui existent sous les tropiques. En effet elle était entourée d'un mur en or d'une splendeur éblouissante et paraissait presque aussi transparente qu'un miroir. A l'intérieur, personne ne m'apparut. Je sais bien, et j'y crois vraiment, que le païen que je suis est de toute façon indigne de pénétrer dans de tels lieux dont les palais du ciel eux-mêmes envieraient la grandeur. " Entendant cela, le bienheureux Machus l'invita clairement à conduire leur vaisseau en direction de la zone où, selon lui, se trouvait une demeure si magnifique qu'on pourrait la dire céleste ou même paradisiaque. Sans retard, obéissant de bon gré aux ordres de saint Machus, le géant prit en main le câble auquel était suspendue l'ancre du navire. Il tira le navire en bois de cèdre sur toute sa longueur comme s'il s'agissait, raconte-t-on, d'une embarcation légère, c'était inouï ! Le géant balayait la mer derrière le navire qu'il tenta d'amener au lieu où, pensait-il, se trouvait l'île. Mais les flots bouillonnaient et les vents se déchaînaient, une tempête se leva en sens contraire et ils ne purent parvenir là où ils voulaient ; aussi préférèrent-ils revenir dans l'île où le géant ressuscité s'était levé après avoir brisé son tombeau. Ceci, croit-on, fut la conséquence d'un arrangement dû à la providence divine. Car il convenait davantage au pasteur de l'église d'appeler à lui de nombreux fidèles que de se présenter seul devant Dieu et de se retirer du monde.

Chapitre 12. La seconde mort du géant. Après les périls de la tempête au sein des flots, ils se réconfortèrent dans l'île et se reposèrent. Le géant, une première fois ressuscité, y mourut une seconde fois. Etonnés par sa rapide disparition, ils firent confiance à la justice divine et ne voulurent pas, par une curiosité déplacée, se laisser aller à se détourner de la foi en cherchant à deviner les mystères divins et en s'engageant dans l'obscurantisme de la perplexité. Dans leur humilité, ils manifestèrent nettement leur foi par la célébration d'un office et donnèrent une sépulture chrétienne au géant afin de lui assurer le repos auprès du Rédempteur du monde qui l'avait physiquement ressuscité pour le bien de son âme. Ils avaient été ballottés sur l'Océan plus longtemps que de raison dans le seul but de voir une demeure assurément céleste sur terre. Ils décidèrent alors tous à l'unanimité de revenir dans leur patrie pour s'y adonner à une divine contemplation des mystères de la foi et s'exiler au milieu de la foule vulgaire. Après s'être convaincus de la totale dissolution des choses corrompues, ils atteindraient le pur amour divin.

Chapitre 13. La célébration de la messe au-dessus de la baleine. Dès que leur fut donné l'espoir d'une navigation sous des vents favorables, ils se rassemblèrent ayant achevé leurs préparatifs. Ils sortirent le bateau de son mouillage et la proue dirigée vers leur patrie sillonna l'insondable chemin de la mer. Le jour de la Résurrection du Seigneur arriva, fête qu'ils avaient déjà célébrée six fois en pleine mer. Aux premières lueurs de l'aube, ils désirèrent entendre une messe en respect pour une si belle lumière. Tous regardaient les plages alentour se demandant s'ils pouvaient aborder et cherchant un promontoire visible auquel accéder. Tous se concentraient sur cette tâche quand apparut une petite île. Ils y accédèrent et y abordèrent et demandèrent à saint Machus d'y célébrer la messe. Celui-ci accepta et les frères commencèrent à réciter les psaumes. On arriva, selon le rite de la messe, à l'oraison dominicale et au moment où il est dit que l'agneau de Dieu enlève les péchés du monde. Tout à coup, chose horrible à raconter, toute la grotte qui paraissait immuable, se mit à trembler : ils étaient sur une baleine énorme. Tous affirmaient que c'était une métamorphose de Leviathan. Pris de peur ils se croyaient déjà engloutis, mais l'homme de Dieu aux robustes épaules fit confiance au Seigneur, acheva la messe, rassura la foule épouvantée et lui remit en mémoire le prophète Jonas qui s'était trouvé enfermé trois jours et trois nuits dans une baleine. Il termina rapidement son discours, comme l'exigeait la situation, pendant que tous s'enfuyaient vers le navire. Saint Machus se prosterna en ce lieu et pria le Seigneur Jésus Christ qui a, en ce jour libéré les fidèles des verrous de l'Enfer et attaché Satan dans les chaînes indestructibles de son verbe. Au nom de sa piété désintéressée, il le pria de garder absolument immobile la baleine, jusqu'à ce que cette assemblée dévouée ait embarqué saine et sauve sans dommage. Cette prière admirable achevée, la baleine resta aussi immobile qu'un rocher et le saint aux pas intrépides embarqua dans le navire après tous les autres. Toute la journée ils louèrent par des chants l'amitié immense du Seigneur pour celui qui s'était libéré de la baleine comme Pierre de la mer profonde. En louant ainsi Dieu par des hymnes et des chants, ils revinrent dans leur patrie après une traversée heureuse, soutenus par celui qui a dit à ses disciples : " Me voici avec vous tous les jours jusqu'à la fin de siècles. Amen. "

Chapitre 14. Le retour du vénérable évêque dans sa patrie. Comme l'heureux prêtre ne put selon son désir trouver l'île, il revint auprès de ses parents, de son père Guentus et de sa mère Darunala. Le père de ce saint Guentus était le noble fondateur de la ville Guinnicastre. Le prêtre entendit le diacre lire dans l'Evangile la parole du Seigneur : " Celui qui n'a pas abandonné père et mère, et tout ce qu'il possède, ne peut pas être mon disciple. " Il se tourna aussitôt vers son père et lui demanda la permission de partir en mer. Il affirmait qu'il ne pouvait obtenir la grâce du Christ qu'en accomplissant ce qu'il lui demandait et qui avait été exprimé par la bouche du diacre. Devant le refus constant de son père, il rassembla dans un monastère ses disciples venus de toutes parts et revêtus de l'habit, comme leur évêque, et Brendan, leur maître à tous, consulté à ce sujet. Ils se rendirent tous au rivage et ne trouvèrent pas de navire. Car le père de Machus avait interdit à tous les marins du port d'embarquer son fils.

Chapitre 15. L'apparition du Christ. Dieu Tout Puissant accorda à son prêtre la consolation d'une poupe sans homme mais entièrement consacrée au Christ. Invité à y monter par le Christ, le prêtre alla dans une barque avec tous ses disciples. Au cours de la navigation, le Seigneur conseilla au bienheureux homme de gagner la côte à l 'endroit où il voudrait. Machus répondit : " Je ne sais où, sinon à l'endroit qu'il plaît au Seigneur. " L'évêque pensait en effet que l'homme auquel il parlait était un être pur ; c'était le Christ qui lui dit : " Il y a une île dans cette mer, dans laquelle vit un moine, Aaron ; je te conduirai à lui et lui demanderai par l'intermédiaire de mon ange de te recevoir honorablement. " Dès que le prêtre eut vu l'ange, il comprit que ce n'était pas un homme qui le consolait mais le Christ. Aussitôt il tomba à genoux en adoration. Cependant le Seigneur disparut. Machus aborda alors l'île Aaron, portant le nom d'un moine, par lequel il fut accueilli avec bienveillance et en compagnie duquel il resta, jusqu'au moment où lui fut confiée la charge épiscopale d'une cité bretonne, Aleta, selon la volonté divine. Cette cité était proche de l'île Aaron. Elle dominait la mer d'un côté et de l'autre, longeait le fleuve Rinctus. Dans cette région les Bretons n'étaient point tous convertis au christianisme. C'est pourquoi le prêtre au grand renom, Machus, se mit à enseigner le peuple et à le conduire vers le chemin de la Vérité. Or saint Samson travaillait dans cette ville qui lui appartenait et se disait frère du bienheureux Machus et de Maglorius.

Chapitre 16. Le mort ressuscité ; la transformation du récipient de marbre en vase de verre et de l'eau en vin. A la veille de Pâques, pendant la célébration de la messe par saint Machus, des hommes d'église qui portaient un cadavre arrivèrent devant les portes. Le prêtre les exhorta à patienter jusqu'à la fin de la messe. Puis il sortit et ordonna à tous ceux qui, en foule compacte, se tenaient là, d'adresser leurs prières à Dieu et d'espérer de sa clémence qu'il rende vie au mort non guéri par les médecins. Il les invita à louer de leurs bouches la gloire du saint et sacré nom de Dieu. Tout à coup le gisant se dressa et se disant assoiffé, réclama du vin refusant de l'eau. Mais il n'y avait pas de vin. Alors le prêtre avisé se fit apporter un petit vase d'eau en marbre au-dessus duquel il prononça une bénédiction épiscopale et qu'il changea aussitôt en vase de verre rempli de vin. O bienheureux homme qui en un jour accomplit trois miracles aussi étonnants : la résurrection d'un mort, la transformation d'une pierre en verre et celle de l'eau en vin ! Après avoir bu, l'homme ramena chez lui le char qui l'avait transporté mort.

Chapitre 17. Comment une truie morte revint à la vie et comment un porcher chagriné par la mort de sa truie retrouva la joie. Un jour où cet homme éminent traversait la Bretagne pour y répandre la semence du Bon Evangile et promettre le royaume de Dieu à ceux qui croient en lui et lui obéissent, il rencontra un porcher qui pleurait et se lamentait sur une truie qu'on avait tuée d'un coup de pierre. C'était en effet un animal nuisible qui dévorait les moissons. Elle laissait sept petits cochons qui s'accrochaient en vain à ses mamelles taries car, morte, la truie n'avait plus de lait. Notre heureux homme s'approcha du porcher, comprit la douleur de son âme et la colère de son maître contre la mort criminelle de cette bête. Mu par la miséricorde, il posa un petit bâton dans l'oreille de la truie qui aussitôt revint à la vie et donna du lait à ses petits Le porcher se dépêcha d'aller rapporter ce miracle à son maître et de lui faire partager sa grande joie. Le maître lui, monta à cheval et se rendit auprès du prêtre pour lui donner son domaine en héritage.

Chapitre 18. Une jeune fille démoniaque. Dans un village de la commune d'Aleta vivait un homme de haute noblesse dont la fille, possédée du démon, voulait toujours dévorer à pleines dents les hommes qui l'approchaient. Il n'y avait pas d'autre moyen pour la calmer que de l'emprisonner dans des chaînes de fer. Ce père digne ayant entendu parler des pouvoirs de guérison du bienheureux Machus, alla le trouver et le supplia de sauver sa progéniture. Le saint homme prompt à faire sentir sa miséricorde, se rendit auprès de la jeune fille pour la soigner et jeta sur son cou un linge. On put alors entendre les voix des démons qui se débattaient contre le bienheureux médecin de Dieu : " O habitant d'au-delà des mers, ta patrie n'a pas su te retenir et tu es venu conquérir la nôtre et nous chasser de notre pays par tes mots. " Le saint confesseur ne tint pas compte des reproches du diable, bénit de l'eau et en donna à boire à la jeune fille malade. Très vite elle recouvra sa première santé, se jeta aux pieds de l'évêque et le remercia de l'avoir sauvée. Son père très joyeux le combla de présents : une terre très fertile, de l'or, de l'argent et d'autres très nombreux cadeaux.

Chapitre 19. Comment un chef breton recouvra la vue. Un jour, un chef breton, Hailoc, entreprit de détruire un lieu de culte fondé dans le domaine de saint Machlus. L'homme de Dieu tenta en vain par ses prières de dissuader le chef de détruire un lieu saint qu'il avait lui-même construit. Peu de temps après, le breton devint aveugle. Devenu raisonnable et pris d'un profond repentir, il vint voir l'homme de dieu. En versant des larmes et en se lamentant, il reconnaissait sa faute et regrettait d'avoir perdu la vue en punition. L'homme de Dieu l'accueillit avec bienveillance, l'aspergea d'eau bénite et lui oignit les yeux d'huile sacrée ; ainsi il lui rendit la vue et lui prescrivit une pénitence pour sa maudite témérité. Le chef Hailoc, rempli de joie légua en héritage au bienheureux homme une excellente terre et une importante quantité d'or et d'argent.

Chapitre 20. La coiffe blanche du saint. Un jour, cet homme bienfaisant, alla, avec quelques moines, planter une vigne dans un champ et, pour pouvoir travailler plus facilement, posa sa coiffe sur un pied de vigne. Sa tâche achevée, il voulut reprendre sa coiffe et l'on trouva sur elle l'œuf d'un petit oiseau. Sachant cela, l'homme de Dieu interdit qu'on y touchât jusqu'à l'éclosion du petit oiseau. Aucune bise ni aucune pluie n'atteignit la coiffe durant ce temps et ceux qui entendirent parler de ce miracle en rendirent grâce à Dieu.

Chapitre 21. La malédiction d'une très mauvaise famille. Le chef breton Hailoc, de son vivant, fut un honorable protecteur du bienheureux prêtre Marchus ; mais après sa mort, ses descendants impies, maîtres de ce pays, se soulevèrent contre le saint homme. Fous de jalousie et de méchanceté, ils n'acceptaient pas que l'homme de Dieu possédât un domaine généreusement donné par ceux qui lui étaient fidèles ainsi qu'à Dieu. Les révoltés se disaient entre eux que le prêtre Machus possédait tout leur pays et que, bientôt, il ne leur resterait rien pour vivre ni à eux ni à leurs enfants. O cruelle jalousie des méchants ! Ils infligeaient au saint homme de nombreux sévices qu'il endurait avec sérénité. Ils lui massacraient ses fidèles en grand nombre et dévastaient tous ses biens, dans le but de faire fuir le saint homme et de lui faire abandonner tout à fait le royaume. Un jour donc, les fils de Bélial, fouettèrent le boulanger du prêtre, Rima, puis l'étendirent au bord de la mer, arc-bouté et entièrement ligoté par des liens d'osier de façon à l'empêcher tout à fait de bouger : ils le laissèrent emporter vers le large par les flots. Ayant appris cela, l'évêque obtint à force de supplications qu'on arrachât le boulanger à la mer et qu'on le déposât sain et sauf mille pas plus loin. Ces très mauvais hommes volèrent au prêtre ses chevaux pour le priver de monture, ce méchant tour leur ayant été inspiré par d'autres mauvais hommes. Ils fournirent au prêtre une jument dans l'intention de se moquer de lui. Le prêtre retrouva sain et sauf son boulanger et le ramena chez lui en bonne forme. En raison de toutes les méchancetés dont il avait été victime de leur part, le prêtre, profondément affligé, maudit cette très mauvaise famille. Cette malédiction plongea aussitôt ce pays, ses habitants et ses maîtres dans un grave désastre. Les uns tombèrent malades, d'autres contractèrent la lèpre, d'autres se retrouvèrent aveugles et aucun moyen de guérison ne leur vint ; la terre resta stérile et ne donna aucune récolte ni aucun fruit. L'évêque alors malheureux dit : " Si Notre Seigneur Jésus mit en fuite les Juifs à cause de leur perfidie, moi je dois fuir cette famille impie et émigrer dans un autre pays à cause des fréquentes persécutions que m'inflige ce peuple impie. "

Chapitre 22. La vie et les discours de saint Machus. Il ne faut point cesser de louer les saints car cette louange a un prix considérable aux yeux du Seigneur. Il faut enrichir la mémoire de tous ceux qui croient en la Toute Puissance de Dieu et leur présenter les prouesses des saints comme des miracles inscrits dans une vie bienheureuse ; car en leur cœur habite la bonté céleste. Je dois donc raconter toute la vie de ces amis du Christ pour que nous imitions ces vies et leurs qualités. Car il ne sert à rien de s'étonner devant les miracles si nous n'imitons pas la vie des bienheureux. Avançons donc davantage dans le récit de la vie du bienheureux Machus, confesseur et prêtre du Christ. Lui qui, dans son enfance s'était plu à servir Dieu et à en acquérir une plus grande science et connaissance, s'était astreint à apprendre les écritures qui donnent la connaissance de Dieu et ouvrent la porte de la vie éternelle. En son plus jeune âge, sorti vierge du ventre de sa mère, il le resta toute sa vie. Il suivit un train de vie angélique et autant qu'il le put, associa ses compagnons à ce style de vie. Quand il eut endossé l'habit de moine, il ne mangea plus de viande ni de quadrupède ni d'oiseau et resta toujours frugal, économe et chaste, pour acquérir par ce moyen une sainteté constante. Puisque nous n'avons pas tout raconté de la part glorieuse de sa vie, reprenons cette biographie dans l'ordre chronologique.

Chapitre 23. Le départ de saint Machus pour l'Aquitaine. Ayant fui les scandales des impies, il abandonna son siège épiscopal et entreprit une navigation en mer occidentale. Priant avec ses compagnons il traversa la mer et gagna la ville Sanctonus de la région d'Aquitaine. Lorsqu'il y arriva, il demanda s'il y vivait des chrétiens et on lui répondit, à sa grande joie, que des chrétiens, semblait-il, habitaient ces terres et que le très célèbre prêtre Léon y dirigeait la ville nommée Sanctonus. En sa qualité d'évêque, Machus lui envoya ses moines pour lui annoncer son arrivée et lui expliquer les raisons de son départ. Mis au courant, l'évêque Léon accueillit le bienheureux Machus avec grand respect et lui donna aussitôt un domaine où s'établir. Au cours de ce séjour en ce lieu, Machus reçut des citoyens de la ville de nombreux présents.

Chapitre 24. Le loup jouant le rôle d'un âne. L'un d'entre eux, qui habitait la campagne, lui apporta un âne pour transporter des bûches afin d'alimenter son foyer. L'homme de Dieu confia l'âne à son serviteur avec la mission de transporter son bois. Comme il préparait le bois un loup attaqua l'âne, le tua et le mangea. Que devait faire le serviteur ? Il montra à son saint maître une partie du bois qu'il portait sur les épaules et raconta la cruauté du loup. Alors le maître dit au serviteur : " Conduis-moi dans la forêt. " Y étant parvenu, il pria et obtint de rencontrer le loup ; il le fit étendre et lui fit porter la charge de l'âne jusque chez lui. Ce loup devint un chien domestiqué, marchant toujours en compagnie du serviteur et gardant les autres ânes, comme un fidèle esclave. Alors Léon entoura le saint avec encore plus de respect et tous, ayant appris cet exploit, lui offrirent des présents.

Chapitre 25. Comment l'unique fille d'un compagnon fut blessée par un serpent. Un jour, comme elle se promenait dans un bosquet avec d'autres jeunes filles, la fille d'un compagnon de la ville de Sanctonus fut mortellement mordue par un serpent. Le poison l'avait, pour ainsi dire, tuée et ses parents se lamentaient. Très affligés, ils demandèrent à l'homme de Dieu de guérir leur fille. Alors le bienheureux Machus plaça une feuille de lierre sur la blessure, l'aspergea d'eau bénite et rendit la santé à la jeune fille. Le père de celle-ci, joyeux, donna au saint un immense domaine.

Chapitre 26. L'enfant rendu à la vie. Le vénérable prêtre Léon, avisant les pouvoirs divins accordés au bienheureux Machus en raison de ses mérites, le supplia de visiter avec lui les localités de son diocèse. Quand ils arrivèrent au domaine Bréa aux deux églises, le vénérable Léon rentra dans une église et envoya le prêtre Machus s'installer dans l'autre. Comme le soleil brillait, l'évêque voulut se laver et demanda à un enfant de deux ans qui se trouvait là, d'aller puiser de l'eau. L'enfant, imprudent, tomba dans le puits et mourut sous le poids de l'eau. Apprenant cela, le vénérable Léon fit transporter le cadavre dans l'église où se trouvait saint Machus. Les parents de l'enfant et ses proches étaient là : c'était une noble famille. Ils veillèrent respectueusement le petit corps. Le matin, le louable Machus les fit partir hors du parvis et assisté de deux moines qui vivaient avec lui, il s'agenouilla sept fois et pria. Il rappela cette âme et la rendit à son corps innocent. Remplis de joie, les prêtres et toutes les personnes présentes remercièrent généreusement le Maître de la Foudre.

Chapitre 27. Comment une veuve retrouva la vue. Il y avait dans cette ville de Sanctonus une veuve qui se nommait Bona, âgée de quarante ans, qui était frappée de cécité : elle se présenta devant le saint et revit aussitôt la lumière qui réjouit.

Chapitre 28. Le départ de saint Machus en Bretagne. Des hommes venus du pays de Bretagne se rassemblèrent autour du bienheureux prêtre et le prièrent de mille manières de les bénir et de revenir chez eux, pour faire cesser la malédiction qui atteignait la terre et ses habitants. Cette malédiction était due à la colère du saint. Les Bretons le prièrent de restaurer leur pays mis à mal. Le saint demanda l'avis du Seigneur Léon qui, ayant interrogé ces bretons, décida pour lui et le saint un jeûne de trois jours afin d'obtenir la lumière et la protection de Dieu dans cette affaire. Un ange apparut au bienheureux Machus qui lui conseilla de s'en retourner en Bretagne, d'y ôter la malédiction et d'y guérir les hommes par une bénédiction salutaire, d'y rendre à la terre et aux arbres leur fertilité et de rentrer ensuite à Sanctonus. " Car c'est là, ami de Dieu, le lieu où tu dois aller. "

Chapitre 29. Comment fut retrouvée la fertilité grâce à la bénédiction. Obéissant aux paroles de l'ange, le saint homme partit en Bretagne et y sanctifia la terre et ses habitants de sa bénédiction, les recommandant à Dieu dispensateur de tous les biens. Peu de temps après cette bénédiction sacrée, la glèbe, auparavant frappée d'une malédiction méritée se montra d'une abondante fertilité. Le prince et les seigneurs du royaume assemblés s'inclinèrent devant Machus et le supplièrent de ne plus les abandonner et de partager leur vie. En les bénissant, il leur répondit qu'il ne pouvait pas négliger l'avertissement de l'ange et devait retourner dans la ville de Sanctonus.

Chapitre 30. Le retour de saint Machus en Aquitaine et sa mort. Regretté de tout ce peuple, il partit retrouver la plage de Sanctonus. Répondant à un appel du ciel, il laissa son esprit rejoindre les astres et rendit à la terre son corps, le dix septième jour des calendes de décembre. Il avait vécu en parfaite innocence cent trente trois ans en ce monde, non pour ce monde, mais pour Dieu, créateur et prince de l'univers.

Chapitre 31. Son église et les miracles qui eurent lieu après sa mort. Le saint évêque Léon prit soin d'honorer le corps du défunt bienheureux d'une sépulture spéciale et fit construire une église sur son tombeau. Le jour où il entra dans ce monument sépulcral, il rendit la vue à deux aveugles pécheurs et chassa le démon du corps d'un possédé. Le troisième jour après l'inhumation du bienheureux Machus, l'évêque Léon guérit un malade et fit parler un muet. Le Seigneur accomplit en ce lieu tant de miracles qu'on ne peut tous les raconter ni les consigner sur des parchemins. Par de multiples interventions, le saint défunt, aide en tout, ceux qui le louent au nom du Seigneur Dieu Tout Puissant, Trinité et Unité qui vit éternellement et règne dans les siècles des siècles. Amen !


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