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Editions CARÂCARA
Seconde partie G.Vincent
Seconde partie
G.Vincent
Introduction Texte latin Traduction Bibliographie
CONTENU DE L'INTRODUCTION
A. TRANSCRIPTION DU MANUSCRIT D'ALENÇON I.Le Manuscrit d'Alençon; présentation a)Description b)Transcription II. Brièveté et insuffisances du Manuscrit d'Alençon III.Divergences de transcription entre l'Edition Selmer et la notre du Manuscrit d'Alençon a) Orthographe des mots grecs b) Forme et place des mots c) Fautes d'accord du ms. A. non relevées par Selmer IV. Conclusion
B. ESSAI DE TRADUCTION I.- Les travaux précédents II. Difficultés et justifications
C.ETUDE STYLISTIQUE DE LA NAVIGATION DE SAINT BRENDAN I. Parentés stylistiques. a) Le succès hagiographique b) Un Latin mérovingien c) L'originalité du texte Il. L'Influence du Vieil-Irlandais a) Les hibernismes b) Une économie interrogative c) La distribution des chapitres III. Une Structure Poétique a) Une versification syllabique b) Résultats troublants mais incertains c) Hypothèses IV. Conclusion
D, DU SENS DES CITATIONS DE LA BIBLE ET DE LA SYMBOLIQUE DES NOMBRES DANS LA NAV. I.Citations de la Bible II. La Symbolique des chiffres bibliques
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Ière partie
INTRODUCTION
Notes
A TRANCRIPTION DU MANUSCRIT D'ALENCON.
Le manuscrit d'Alençon; présentation :
a) Description :
Le manuscrit d'Alençon se trouve à la bibliothèque municipale d'Alençon [Codex 14, f° 1 r à II v.) et provient de l'ancienne abbaye de Saint Evroult.
Saint Evroult fut un moine irlandais du VI) siècle, venu évangéliser l'Ouest de la Gaule; l'abbaye fondée dès le VI° siècle, située. en Basse Normandie(Orne), connut son apogée entre le Xème et le XIème siècles et f'ut reconstruite au XIII° siècle ; elle est actuellement en ruines.
La date du ms. ne fait pas l'unanimité: M. Esposito (Romania 64 p.329) le situe au XIIème siècle; Selmer (Médiéval Studies. 16. p. 105) l'estime au XI°siècle.
Ses dimensions sont : 180 x 140 mm; une moyenne de 40 lignes se présente sur chaque page.
L'écriture appartient à deux (peut-être trois) personnes, faite de minuscules carolines (IXème siècle XIIème siècle). Toutefois quelques remarques rendent la datation incertaine : aa) quelques onciales (écriture du IV-VIIème siècles) apparaissent (lettres d, s, m); ab) des semi-onciales (écriture du IV-VII° siècles) sont à signaler(" e " majuscule au Recto 1 ligne 2; " n " majuscule du titre au Recto 1 - par exemple); ac) la panse de "g" reste ouverte comme c'est la coutume au IVème siècle; ad) la diphtongue "ae" est remplacée par le " e " propre au XI ème siècle.
Les abréviations sont nombreuses et courantes(1).
A partir du verso 4, un espace vide est laissé pour les lettres des débuts de chapitre (2).
b) Transcription
Nous avons rétabli les génitifs des noms en "ae", que le ms. donnait sous la forme de "e", pour plus de clarté syntaxique (exemple : insulae pour insule), mais nous avons conservé le "e" pour les verbes (exemples: Cepit pour coepit / Precepit pour praecepit).
Le "t" a été rétabli là où il y a "c" dans le ms (exemple : tertius pour tercius), d'autant que la graphie de ces deux lettres est fort semblable. Les indications graphiques du ms. ont été gardées dans l'apparat critique :
- des points sous un mot lorsqu'il faut le supprimer : avis - un crochet en fin de ligne à côté d'un mot lorsqu'il faut le lire à la ligne suivante.
Les fautes du ms. y sont signalées (celles qui sont évidentes ont été corrigées), ainsi que les divergences de lecture par rapport à l'Edition de Selmer .Entre parenthèses, sont donnés les mots ( passages effacés du ms. A. ) que nous reconstituons d'après l'édition de Selmer.
II. Brièveté et insuffisances du Manuscrit d'Alençon :
Pour établir notre texte définitif nous avons comparé nos résultats à ceux de l'édition de Selmer (Notre Dame Press 1959) qui utilise surtout un autre ms, celui de Gand, mais propose aussi une lecture du ms. d'Alençon. Outre des différences de découpage du texte en chapitres, et d'autres sur des mots, le ms d'Alençon est plus bref que celui de Gand.
Cette brièveté, certes minime, est évidente à quatre endroits du texte, où des phrases entières sont absentes du ms. d'Alençon. S'agit-il d'omissions ? Selmer le pense. Nous ne 1'envisageons que pour deux de ces quatre phrases : recto I - Ed. Selmer p. 7. L. 61-63/ Ms A ( p. 134/.18-19) ; "nobiscum pervenit usque ad litus ubi erat navicula nostra. Ascendentibus autem in navim raptus est idem vir ab oculis nostris et venimus per praedictam caliginem..."
recto 7 - Ed. Selmer. p. 48. L. 51 / Ms. A. ( p.173. L.23 ) ; " portio cujusdam pisci hac nocte venit illuc, et cras reficiemini inde... "
Ces deux phrases sont nécessaires au sens du texte : leur omission provient d'une erreur du copiste par suite d'un texte où les nombreuses répétitions des mêmes mots provoquent l'impression de " déjà écrit ".
En ce qui concerne les Deux autres (Recto 2. Ed. Selmer. p. 13. L. 33-34/ Ms. A. ( p 139.L. 3); "nam Deus preparabit sibi aptissimum locum. Vobis autem preparabit teterrimum judicium", et (Recto 2. Ed. Selmer. p. 13.L. 33-34 / Ms. A p- 141 L.9 ); "nonne bonum nuntium donavit nobis Deus? Sequimini eum.", nous ne les considérons pas omises par le manuscrit d'Alençon mais ajoutées par le manuscrit de Gand : la première modifie le texte, introduisant une notion de fatalité discutable (3), la seconde n'ajoute rien au sens du texte.
III.Divergences de transcription entre l'Edition Selmer et la notre du Manuscrit d'Alençon :
La lecture du ms. A. par Selmer ne nous est pas toujours apparue correcte bien qu'à aucun moment nous ne remarquions chez Selmer une volonté de dépréciation à l'égard du ms. A., puisque les fautes de ce ms. n'ont pas été toutes relevées et que d'autres lui sont attribuées à tort.
Nous classons ainsi des divergences : (que nous livrons aussi dans l'apparat critique)
a) Orthographe des mots grecs :
Le ms. A porte Sathanas ( p. 141. L.12 et L.15), pascha( p.145.1.6 et p.146.L. 8, Téthis ( p. 192. L.5.) bhotrum (p.178 L. 4 ); Léviathan ( p.191. L.7. ); Selmer les lit Satanas, pasca, Thétis, botrum, Léviatan, pour le même ms. A.
b) Forme et place des mots :
Le ms. A. antépose en certains endroits le possessif et l'adjectif (" nostra mansa ", " ingens belua " etc.) ; Selmer les place en postposition de nombreuses fois, pour le même ms. A. Le ms. A. préfère mettre les verbes au pluriel ("poterant", "moverentur" etc.) en dépit du sujet parfois même; Selmer lit ces mêmes verbes du ms. A au singulier. De même, là où le ms. A dit plutôt "nobis", Selmer lit "vobis" sur le ms. A.
c) Fautes d'accord du ms.A. non relevées par Selmer :
- Une fois "ad vobis" au lieu de "a vobis" -Des mots sont redoublés : " cecipit " ( p. 137.L.3 )/ " tantantum" ( p. 175.L. 16 ) - Des mots sont répétés par erreur : "tribus diebus diebus"( p.166 L.17) (bien que certains se répètent par effet de style que ne relève pas Selmer : "insula mirae magnitudinis, rectudinis" ( p.188. L. 21 ) - ce dernier terme non lu par Selmer).
IV. Conclusion :
Le ms. A. livre un texte latin original, tant par sa syntaxe que par son style (recherche d' allitérations, et d'expressivité).Par rapport au ms. de Gand ( ms. G.) édité par Selmer, il paraît plus dense, peut-être même plus "abrupt" dans la distribution de ses chapitres et dans l'ordonnance de ses mots. Mais nous ne saurions rien dire quant à l'antériorité de l'un sur l'autre (et vice versa). Quant aux erreurs de lecture de Selmer elles sont visiblement minimes.
B - ESSAI DE TRADUCTION.
I, Les travaux précédents
La Nav. de Saint Brendan en langue latine n'a jamais été, à notre connaissance, traduite en
langue Française. Il existe des adaptations, et des traductions du poème anglo-normand de Benedeit (XIIème siècle). Citons l'élégante "légende latine renouvelée" de P. Tuffrau (1'Arti-san du Livre 1925 ) où l'auteur utilise des versions latines (XIIème s.-XlVème s.) de la Nav. et le poème de Benedeit. Pour ce dernier, plus d'efforts ont été faits pour rendre le texte en langues modernes : ainsi en français, la traduction de Francisque MICHEL (le Voyage merveilleux de Saint Brendan à la recherche du Paradis terrestre - Légende en vers du XIIème siècle -Paris 1878) celle de J. MARCHAND La Navigation de Saint Brendan à la recherche du Paradis- L'Autre Monde au Moyen-Age - Paris 1940. Mais outre ces tentatives, la Nav est demeurée non traduite dans sa première élaboration latine (mss.du X-XIème siècles; texte du VIIIème siècle). En ce sens, il nous parait nécessaire d'entreprendre ce travail.
II. Difficultés et justifications :
* Le texte latin adopté est celui du ms. d'Alençon (X-XIème s.), quelque peu différent du ms. de Gand qu'édite Selmer (o.c.) en l'accompagnant des variantes issues de dix autres mss. Plus modestement, nous avons transcrit uniquement le ms. d'Alençon dont la concision par exemple ( bien qu'il ait fallu ré-introduire deux phrases omises au Ch. 1 et Ch. 23 )et l'ancienneté (C'est un des mss. Les plus anciens de la Nav.) sont intéressantes à plus d'un égard.
* Nous avons eu, d'autre part, le souci de conserver les allitérations, les sonorités, les effets stylistiques (verbe antéposé, adverbes en fin de phrase etc. ) du texte, chaque fois que nous l'avons pu, afin de respecter la vigueur et la poésie de la Nav. Mais, nous sommes en tous lieux "en deçà" de ce qu'il faudrait, même si nous avons espéré tirer de notre propre langue les ressources utiles. Et il se peut que le français ait été "forcé", obligé à des rapprochements rudes et étrangers dans ce projet, Que l'on veuille bien nous le pardonner !
* Une autre difficulté doit être signalée : certains mots demeurent énigmatiques ou sont nécessairement traduits de façon approximative. Ainsi quel sens donner à "certamen" (Ch. I) qui perd sa signification latine de "combat" pour désigner dans le texte un lieu, un " oratoire ", (Trad. . Tuffrau), à moins d'avoir le sens de " combat spirituel en soi ", de " méditation intérieure " ; enfin, " scalta " (Ch. 24), mot inventé; n'existant pas en latin et s'appliquant à la flore d'une île merveilleuse. (Trad. Selmer : " fruit, végétation ") ( 4 ) ?
Il a fallu, pour rester fidèle à l'économie de moyens propre à ce texte (sans parler de ces répétitions incantatoires) (5 ), préserver l'indétermination de certaines expressions : "vasa" -vase-, correspond à un récipient servant à la réserve d'eau dans le navire; "navigare", -naviguer -, sous entend "à la rame" souvent ("nager" est le terme exact); "navicula", -embarcation- traduit "coracle, curach" bateau irlandais typique connu depuis César, Tacite etc.; "mala punica", -pomme punique-, peut désigner des grenades (Columelle l° siècle après J.C. l'entend ainsi ) comme des pommes rouges.
Certaines études nous ont été précieuses : l'analyse stylistique de J. Orlandi (op. cit. Ch. V) signalant la parenté mérovingienne de la Nav (il faut ajouter des particularités irlandaises, ou " hibernismes " pour mieux cerner le style de l'oeuvre), les notes de l'édition de Selmer, l'article de H. Zimmer ("Brendans Meerfahrt" in Z.f.D, Alterthum 33-1889). Rappelons, en dernier lieu, que le ms. ne comporte aucun titre pour ses différents chapitres; ceux que nous proposons doivent permettre au lecteur d'avoir des repères.
C - ETUDE STYLISTIQUE DE LA NA\/IGATION DE SAINT BRENDAN.
I. Parentés stylistiques :
a) Le succès hagiographique :
La Nav appartient au genre littéraire hagiographique : le récit de la vie d'un saint est fréquent dans la Haut M,oyen-Age. En ce sens, la Nav fait partie d'un ensemble dont elle suit les règles même si sa diffusion a été plus grande qu'aucune autre vie de saints irlandais.
Toutefois, la lecture de la Nav d'après la ms. d'Alençon nous incite à penser que l'oeuvre se particularise et tend plus vers une création littéraire que vers une édification morale, ou un récit allégorique. Replacer la Nav dans un contexte littéraire, tel est le but que nous nous proposons d'atteindre, en considérant tout d'abord le style.
La Nav d'après le ms.d'Alençon, outre son ancienneté (c'est avec celui de Gand une des plus anciennes versions de la Nav.) présente un texte que l'on peut comparer à d'autres versions de cette légende : la Nav a été de nombreuses fois retranscrite, traduite ou imitée en vieux français, en vieil-irlandais, en provençal, en anglais, en allemand, norvégien, italien, retraduite de ces versions en latin ( soit en vers, soit en prose ). Les principales recensions des mss. de la Nav ainsi que les principales éditions sont les suivantes
*- Esposito : Sur la N.S.B. et ses versions italiennes. ROMANIA. N° 64 -1938. p.328-346. - C. Selmer : Navigatio Sancti Brendani - Medieval Studies 16 Notre Dame Press 1959. pp. 105-116.
(liste de 120 mss. de la Nav, conservés en Europe et en Amérique).
** - Editions de la Nav en Vieux Français :
- A. Jubinal : La légende latine de saint Brendan avec une traduction inédite en prose et en poésie romanes - Paris 1836 (Edition de 1740 vers d'un fragment de la Nav introduit par Gautier de Metz dans la seconde rédaction de son " Imago Mundi ") - C Wahlund Die altfranzösische Prosaübersetzung von Brendans Meerfahrt - Uppsala - Leipzig 1900 - ( Edition d'une version picarde en prose du XIIIème siècle ms. B.N. 1553 datant de 1285- et de deux rédactions latines. ms. B.N. 15076 du XII° s. ; texte latin commun à plusieurs éditions de manuscrits à la manière d'une Vulgate. Egalement édition d'une version en prose du XII-XIV° s. en vieux français ( ms. Maz. 1796) et de deux manuscrits fragmentaires. ( B.N. 13496 Archive du Doubs.6).) - Waters E-G-R The Anglo-Normand Voyage of St Brendan by Benedeit a poèm of the early twelfth century Oxford 1928. -I Short / B. Merrilees The Anglo-Norman voyage of St Brendan by Benedeit Manchester 1979.
*** Edition en Vieil- Irlandais :
- C Plummer Bethada Naem N' Erenn-Lives of Irish Saints Oxford 1922.
**** Editions en provençal, Italien, Allemand, Norvégien, Anglais :
-C Wahlund Eine altprovenzalische Prosaübersetzung von Brendans Meerfahrt - Beiträge zur romanischen und englishen Philologie. Festgabe für Wendelin Förster Halle 1902 -C Wahlund Ein norweg isl. Brendan Fragment - Die altofranzösische Prosaübersetzung von Brendans - Uppsala - Leipzig 1900.p. XLIV-XLVIII. - F. Novati Navigatio Scti Brendani in antico veneziano - Bergame 1892. - M.Esposito Un fragment de la N.S.B. en Ancien Vénitien Mélanges philologiques Florence 1921. - TH. Wright Sanct Brendan a medieval légend of sea, in English verse and prose - The Percy Society 14 London 1844. - C Selmer/ Bayerschmidt : An unpublished Low German Prose Version of N.S.B. Germanic Review 30 1955.
***** Retraductions de la Nav en latin : - C Selmer The Lisbon Vita S.B. abbatis. A Unknow text and translation from Old French into Latin Traditio 13 1957 p. 313-344. - C Plummer Vitae sanctorum Hiberniae oxonii 1910 - t. I. (la "Vita Secunda Scti Brendani" pp. 270-293 traduirait l'oeuvre de Benedeit.) - C Moran Acta sancti Brendani - Dublin 1873 (l'oeuvre de Benedeit traduite en latin). -Emst Martin Die lateinische Ubersetzung des Altfranzösischen Gedichtes auf St Brendan - Zeitschrift für deutsches Alterthum, N.F., 16 1873 pp. 289 322. Traduction en vers latin du poème de Benedeit par Alexander évêque de Lincoln XII-XIV°s.
Mais, de ces multiples reprises il est à noter combien les intentions varient, à quel point l'on s'écarte du ms. d'Alençon ou de celui de Gand. Aussi, il parait capital de considérer ces transformations (stylistiques et par là-même conceptuelles) sur le thème de la Nav, et de tenter de définir l'originalité d'une ancienne version, celle de ms. d'Alençon.
b)Un latin mérovingien :
La notion de style est difficile à appréhender sans points de repère que nous posons ainsi : choix et ordre des mots; syntaxe ; rythme. La Nav est écrite en un latin médiéval caractéristique de l'époque pré-carolingienne, selon J. Orlandi (6) tant au niveau morphologique que syntaxique, Orlandi note avec justesse que le style de l'oeuvre présente de très nombreux traits du Latin antérieur à la réforme carolingienne, dont le souci d'imiter les modèles antiques était grand. " Latin tardif ", " Latin Mérovingien ", c'est ce que l'on peut observer et qui fait entrer la Nav dans une communauté de textes : celle de l'époque mérovingienne. Ainsi notons avec Orlandi (o.c. p. 141-156) :
1) Des désinences actives à des verbes déponents (ex deprecasset au lieu de deprecatus esset, ou deprecaretur; Ed. Selmer, Ch. 11 p. 23; apparat Critique 22/ms. A. Ch. XII . v. 3 et note grammaticale n°5); " osculatis omnibus " employé comme ablatif absolu à de nombreuses reprises. 2) L'utilisation fréquente de participes apposés se mettant indifféremment à l'accusatif (ex : "viderunt insulam.,, coopertam arboribus habentes fructum" Nav XVIII 10-11. Ed. Selmer / Ms. A. Ch. 25. Recto 8 et note grammaticale n° 3). Ce "nominatif absolu" est souvent précédé d'un pronom personnel. 3) Les constructions du Langage parlé où le déterminé est repris par un déterminant, selon un intervalle plus ou moins grand (ex : "Nam furcas ferreas, ubi pendet, illas dedi sacerdotibus" - ms. A. Verso 9 Ch. 32 et note grammaticale n° 4 / Nav XXV 45 Ed. Selmer). 4) L'emploi du génitif à sens causal, final ou adverbial (ex d'un sans causal "Vae tibi fili ! quia recepisti in vita tua meriti talem finem" ( XXIV 16 Ed. Selmer /Ms. A. Ch. 31. Recto 9. et note grammaticale n° 4 ). 5) La substitution du génitif partitif par de + abl (ex : " aliquid de aqua sumere "-Nav VI 19-20 " Ed. Selmer/ Ms. A. Ch. V. Recto 2 et note 5. ) " De + abl " est introduit à l'intérieur d'un abl absolu (ex : "acceptis de fructibus terrae"-XXVIII L. 35 Ed. Selmer/.Ms. A. Verso 11. Ch. 37 note 3) 6) L'usage de " iste " à la place de " hic ", de " ipse " à la place de " idem ", de "nam, enim" à la place de "autem". Phénomènes similaires chez Grégoire de Tours. 7) La préférence des subj plus qpft, au subj imparf, des futurs périphrastiques en "urus-sum" au futur simple. 8) L'abus du verbe "coepi", la construction "loqui ad", "dicere ad" + acc. (au lieu du datif), le renforcement du sens des verbes par une préposition (" intrare intus ", " egredi foras ", " perambulare ", " peragere " etc.). 9) Un vocabulaire de substitution parfois " grandis " au lieu de " magnus ", " diversi " dans le sens de " complures ", " mittere ", pour " Ponere ", " portare " pour " ferre ", " minare " pour " trahere ", " accipere " pour " sumere " etc
J. Orlandi prend soin de comparer ces traits de langue de la Nav à d'autres textes de l'époque mérovingienne (Grégoire de Tours, Vita Hugberti etc.) faisant remarquer que les vies de saints réécrites sous Charlemagne ne présentent plus ces traits de latin tardif. Ainsi la Vita Maximini du VIIIème siècle (Acta Sanctorum Socii Boll. mai VII p.21-24) est stylistiquement proche de la Nav. Lorsqu'en 839 Lupus de Ferrières (participant à la réforme carolingienne) réécrit cette vie, il en "corrige" les traits de latin mérovingien. La Vita Maximini (M.G.h.S.S. Merov. III pp. 74-82) de Lupus de Ferrières possède un latin très différent de la Nav, ce qui permet par comparaison stylistique de situer la Nav dans un contexte mérovingien (VII-VIIIème siècle).
Toutefois nous ajouterons à l'analyse d'Orlandi pour caractériser le style de la Nav que le choix des mots enfin, dénote d'une lecture attentive des textes bibliques ou religieux; nous y trouvons par exemple " refociliato ", " magnalia " (Tertulien) " elemosina " etc. ; certaines expressions sont même calquées sur l'Evangile : " locutus est illis idem vir Dei dicens " (N.B.)est comparable à "anoixas to stoma autou edidasken autous legôn " (Math. V-2) que traduit ainsi Vulgate : " et aperiens os suum docebat eos dicens ". Toutes les phrases prononcées sont ainsi introduites par " dicens " " dicentes "; de même l'expression " nolite expavescere minime fidei " (ms. A Ch 23)correspond à: "ti deiloi este oligo pistoi " (Math - 8 - 26) de l'Evangile (Vulgate : " Quid timidi estis modicae fidei ? "). La prédilection pour " confestim " ( au lieu de " statim " ) et de " perfinire " ( au lieu de " perficere ") serait " presque restreint à des traductions littérales du grec ", d'après P. Grosjean.
c) L'originalité du texte :
De ces premières remarques une conclusion serait possible : la Nav appartient bien quant au style, à la littérature latine médiévale, nourrie de textes religieux (avec quelques références à l'Antiquité : " aequora ponti ". " facies thétydis ", " cum Aurora refulsisset " Virgile) usant de tournures qui sont propres à 1'époque mérovingienne. C'est pourquoi, en raison de l'époque de sa rédaction (VII-VIIIème siècles), la Nav du ms. A s'écarte par son style des autres vies de saints irlandais, plus tardives, et aussi des deux vies de Saint Brendan, telles que les publie C. Plummer (Vitae Sanctorum Hiberniae. t. I. Oxford 1910); l'une - Vita prima - date du >(IV ème siècle mais recopie un ms. plus ancien; l'autre - Vite secunda da-,-du XIVème siècle et servirait peut-être de base au poème de Benedeit écrit au début du XIIème siècle (Plummer p. XIII op. cit.)
Mais si la Nav peut s'apparenter aux textes hagiographiques mérovingiens, elle n'en a pas moins une originalité, définissable selon deux grands aspects, reconnaissables en partie dans les Vies des Saints irlandais de façon plus atténuée :
-Sa syntaxe proche de celle du Vieil-Irlandais.
-Une structure poétique sous jacente ou perdue.
II. L'Influence d Vieil-Irlandais :
a) Les hibernismes :
Ludwig Bieler pour désigner les tournures du latin irlandais, parle d' " hibernismes "(7) ; ces hibernismes nombreux dans la Nav sont les suivants :
-la structure de la phrase est telle que le verbe est généralement en tête, suivi immédiatement du sujet (seuls cum + Subj. Plqpft, ou un part. présent, ou un ablatif absolu les précèdent)(8).
- les adjectifs sont souvent placés après le nom, qu'ils déterminent (9); les pronoms personnels parfois suivent le verbe ( " prosternebant se " par ex.)(10) ; quelques fautes d'accord (masculin pour féminin comme " arbor ", et " avis " ) sont dues, semble-t-il, au genre masculin de ces mots en vieil irlandais !
- la recherche d'allitérations est évidente pour certains passages (11).
Donnons ce seul exemple : "Pannus quoque qui ante illum pendebat aliquando percutiebat eum per oculos et frontem" (ms. A Ch 32. ).
La Nav du ms. A. fait de ces hibernismes non des exceptions, mais une règle constante; en ce sens, elle diffère des autres vies même plus tardives (XIVème - XVème siècles) qui connaissent ces phénomènes, mais de façon moins systématique, aimant à donner à leur texte une " suavité " de lecture plus grande ou plus latine. De même, La Vie de Saint Malo -IXème siècle (12), longtemps considérée comme une imitation de la Nav., est significative de ce souci de latinité (le verbe est mis en fin de phrase; les subordonnées circonstancielles sont plus nombreuses et les adjectifs antéposés etc. ).
Certes ce serait au moyen d'une analyse statistique que ces impressions de lecture pourraient être confirmées, mais il n'empêche que ces faits de langue apparaissent vite et clairement à l'esprit.
b) Une économie interrogative :
La Vita Prima Sancti Brendani, publiée par Plummer (op.cit. p. 98-151) reproduit la Navigation avec moins de concision que le ms A. Ces développements sont non seulementdes considérations morales, mais aussi donnent au récit un air plus souple, un style plus lié, un meilleur enchaînement stylistique.
L'extrait suivant peut nous le montrer :
Nav (ms.A) Ch. V ; Ed. Selmer / Vita prima S.S. Ch. XVI (o.c. p. 108) Ch. 6 - p. 12.
" Mittite intus omnes remiges et gubernamus. Tantum dimittite vela extensa et faciat Deus sicut vult de servis suis et de sua nave. " Reficiebant autem semper ad vesperam dum aliquando ventum habebantnt. Sed tamen ignorabant ex qua parte veniebat aut in quam partem ferebatur navis."
" Mittite ergo remiges et gubernacula intus; tantum dimittite vela extensa; et faciat Dominus de servis suis et de navi quae vult. Cumque jussa patris discipuli complerent, reficiebant se ad vesperam. . Haec enim erat consuetudo eorum se semper ad vesperam horam reficere. Cessantes verso a labore remigandi, aliquando habebant ventum; sed ipsi ignorabant in quam partem eos ducebat vel ex qua parte plage veniebat. "
Ce que nous soulignons d'un trait, correspond aux développements donnés par la Vita prima S.B. : il est à noter qu'ils assurent un lien logique, le résultat d'une action commandée, que le ms A. ne possède pas. Leur style ainsi diffère : le ms. A. garde une économie " interrogative ", la Vita prima est plus " explicative " moins énigmatique, et l'ordre des mots y est plus conforme à la prose latine.
Ce résultat peut être généralisé au regard des autres Vies de saints irlandais. Les hibernismes du ms. A. sont si nombreux que le texte est très proche de la Navigation de MaelDuin, (VIIème - VIIIème siècle. ms. du XIème siècle), écrite en vieil-irlandais, en raison cette commune façon de placer les mots ou même d'ordonner les phrases entre elles.
c) La distribution des chapitres :
Il reste à situer le ms A par rapport au ms de Gand (Ed. Selmer); si les deux textes sont très semblables contenant donc tous les deux des hibernismes et n'offrent que des divergences de détail, la distribution des chapitres par contre est différente. Donnons cet exemple :
+ "Ms A (R 3 ) Ch. IX : "Cui ille dixit : ... Ideoque majores sunt hic quam in vestris regionibus" (i.e. "Oves")
Chapitre X
"Profectique sunt ad navim et ceperunt navigare data benedictione vicissim. Cum autem venissent ad aliam insulam..."
+ Ms. G. (Ed. Selmer Ch. 9. p. 20. L. 45-46) : "Ideo majores sunt hic quam in vestris regionibus.
Profectique sunt ad navim et ceperunt navigare data benedictione vicissim. Ch. 10 (p. 20-21) "Cum autem venissent ad aliam insulam,,,"
La phrase indiquant le départ (Temps-Espace) est dans le ms. A rejetée en début d'un nouveau chapitre; le ms. G. au contraire s'en sert pour conclure la chapitre 9, suivant en cela une logique aristotélitienne (une nouvelle action se fait dans un autre lieu.). Le ms. A a donc une facture moins classique d'autant que la Nav, d'après le même ms. A., se particularise tout au long par cet usage.
Un changement de chapitre se fait seulement après qu'un temps de réflexion a été laissé au lecteur méditant sur une réponse comme dans cet exemple (le lieu et le temps importent peu) et chaque début de chapitre tend à résumer l'épisode précédent. Nous serions tenté de penser que l'auteur de la Nav a voulu ce découpage et que le copiste du ms. Gand n'a fait que rétablir ce qui lui paraissait conforme à l'habitude et à la vraisemblance. Toutefois le problème reste posé.
III. Une Structure Poétique
a) Une versification syllabique
Tout essai pour retrouver dans la Nav un vers quantitatif (tels l'hexamètre dactylique ou le vers adonique),, ou un vers rythmique (tel Le septénaire trochaïque rythmique) fut pour nous un échec (13 ). Mais la lecture de l'introduction à l'Etude de la versification latine médiévale de Dag Norberg (Upsala 1958) apprend aussi que, dans le souci d'imiter l'hexamètre, le poète médiéval en était parfois arrivé à compter les syllabes. Cette versification syllabique plaisait aux Irlandais pour qui " Le nombre des syllabes était plus important que la structure " (op. cit. p.129). Une musique pouvait être là-dessus facilement écrite, à moins que ce ne fût la musique qui commandât les syllabes.
Appliquée à la Nav cette versification syllabique parait possible, sous réserve d'une erreur de notre part. Mais certains passages méritent d'être ainsi interrogés avant même de tenter de les répertorier.
Chapitre XIV. R.4. ( ms. A.)
I Cum autem hoc perfinitum esset '8' accepta benedictione '8'
reversus est in locum suum. '8' Sanctus vero Brendanus '7'
post octo dies facit navim ' 9' onerari de omnibus '7'
quae sibi tribuit predictus vir '9' et de illo fonte '5'
5 omnia vascula impleri fecit. '9 ' Ductis autem omnibus '6'
ad litus ecce predicta avis '9 ' cito volatu venit '7'
et resedit super proram navis '10 ' At vero vir Dei agnovit '8'
quod aliquid sibi voluisset '9 ' indicare. Tunc humana voce '10'
ait predicta avis; "Nobiscum '8 ' celabrabitis diem sanctum '9'
10 paschae et istud tempus preteritum '10 ' in futuro anno '5'
et ubi fuistis in isto anno '9 ' in cena Domini '6'
ibi eritis (in anno) futuro '10 ' in presenti die. '6'
Similiter noctem dominicam '10 ' Paschae celebrabitis '7'
ubi prius celabrastis '8' super dorsum Jasconii '7'
15 Invenietis quoque insulam '9 ' et post octo menses '6'
quae vocatur Insula Familiae '10 ' Albei et ibi celebrabitis '10'
Nativitatem Domini." '8 ' Et cum1aec narrasset '6 '
reversa est in locum suum. '7 ' Fratres vero ceperunt '7'
extendere vela et navigare '10 ' in oceanum et aves '8'
20 cantabant quasi una voce : '8' " Exaudi nos Deus '6'
salutaris noster spes '7 ' omnium finium terrae '8'
et in mari longe. '6 ' Igitur sanctus pater '7'
Cum sua familia '7 ' per aequora Oceani '7'
huc atque illuc agitabatur '9 ' per tres menses '4 '
25 et nihil poterant videre '9 ' nisi caelum et mare. '7'
Reficiebantur autem semper '9' per biduum aut triduum. '6 '
b) Résultats troublants mais incertains :
La régularité syllabique est loin d'être absolue et observable partout. Cependant apparaissent certaines fréquences de 8-9-10 syllabes + 7-8 syllabes (exceptions; Première partie du vers 3 fois 7 syllabes /Deuxième partie 2 fois 10; 2 fois 4 et 9). Il y aurait lieu de penser à une imitation lointaine de l'hexamètre où prédomineraient en fin de vers les paroxytons : si, d'ailleurs,nous nous amusions à compter syllabiquement les vers de Virgile, nous obtiendrions les mêmes " irrégularités ".
(Ex : Enéide I vI-2 Arma virumque cano '7' Trojae qui primus ab oris '8' Italiam fato profugus '9' Laviniaque venit '7' )
Certaines synérèses conformes aux hymnes irlandaises sont à remarquer : triduum, Jasconii... (Norberg op, cit, Ch. II pp. 29-37). Quelques rimes léonines ou en fin de vers, de façon irrégulière, se forment.
D'autres passages du texte ont des traces d'un tel rythme poétique : Ch III/ Ch. VI/ Ch. VII/ Ch.X/ Ch. XI / Ch. 18 / Ch. 21/ Ch. 24 / Ch. 25 (ms. A).
c) Hypothèses :
Aucun de ces passages ne donne de conclusions plus satisfaisantes que l'exemple ci-dessus. Aussi, ne pouvant aller plus loin dans cette voie, nous sommes contraints d'émettre quelques hypothèses :
*- le texte original latin a pu être versifié (ce qui est vraisemblable pour un texte du Haut Moyen-Age) ; en le recopiant, sa structure poétique a été oubliée (d'autant qu'il a pu être appris, pour être joué et récité).
** - le texte original en vieil irlandais a pu être versifié (comme il apparaît dans certaines navigations irlandaises, à 1a fin de l'oeuvre; ainsi Le Voyage des Hui Corra. De le traduire en latin maintiendrait, indépendamment du traducteur et de la langue, une structure poétique (d'autant que le vers archaïque irlandais est de 7 pieds)( 16 ). Notons à ce sujet, que la fin de la Vie de Saint Tibernac ( 17 ) comporte une hymne versifiée syllabiquement : 8 / 8
Tibernach igne gratie amans superna querere
Direxit ad spem patrie Intentionem pontifex."
*** - Un Irlandais a pu écrire ce texte en Latin dans le but de la versifier entièrement par la suite.
Nous ne saurions donc affirmer que la Nav. est versifiée mais qu'il y a des traces d'un rythme syllabique auxquelles il faut prêter attention pour analyser le style de cette uvre.
Qu'en est-il du style de la Nav. d'après le ms. A. ? Nous espérons avoir montré que la Nav. possède, de par son style, une place à part : apparentée aux récits hagiographiques, elle s'en écarte par ses hibernismes abondants; liée aux textes en vieil-irlandais, elle en diffère par des traces de versification imitant l'hexamètre de l'Antiquité latine,
L'enchaînement et l'ordre des idées qui font aussi partie d'une définition du style, présente des particularités curieuses (du fait peut-être de cette triple appartenance, religieuse, latine, irlandaise), ce qui semble avoir provoqué des développements explicatifs variés, et peut être à l'origine du succès de cette narration. L'originalité du style de la Nav doit servir à l'approche de 1' " étrangeté " de cette oeuvre.
D. DU SENS DES CITATIONS DE LA BIBLE ET DE LA SYMBOLIQUE DES NOMBRES DANS LA NAV :
I. Citations de La Bible :
Le nombre impressionnant de versets cités dans le texte, nous invite à nous interroger sur leur finalité et sur leur fonction.
Tout d'abord le choix des Psaumes et d'autres textes bibliques cités dans la Nav dénote d'un certain souci de concordance entre le sens du verset et l'épisode de la Nav où ce dernier est introduit, mais aussi avec l'ensemble de l'oeuvre. Ainsi le verset deux fois cité (Ch. XIVL. 14, / Ch. 35. L. 14), le Ps. 64-6, "Spes omnium finium terrae et in mari longe" ("Espoir de tous ceux qui habitent les confins les plus reculés de la Terre et de l'Océan" Trad. Pirot - Clamer) s'accorde bien avec l'entreprise des compagnons de Saint Brendan; de même le verset lui-aussi deux fois repris aux Ch.XIII et Ch. 33 (Ps. 132-1) : "Quam bonum et quam jucundum habitare fratres in unum" (" Qu'il est bon et doux frères d'habiter unis ensemble " Trad.Ecole Biblique de Jérusalem ) rappelle l'aspiration des moines irlandais à vivre évangéliquement. Pour manifester joie et bonheur, l'usage des psaumes est net : Saint Brendan, à la veille de Pâques, prononce des hymnes (Apoc. 7-10 le triomphe des élus / Ps. 117-27 Liturgie pour la fête des Tentes- Ch 21 - L.II-22-23); à l'arrivée sur la Terre de Promission, le jeune homme chante le Ps. 83-5 (Annonce de la Maison du Seigneur); etc.
Mais à ce souci de concordance s'ajoute un soin d'imitation visible de la vie du Christ ou de celle de ses prophètes : la Nav reproduit presque l'Evangile de Mathieu (.10-37-38) lorsque les compagnons de Saint Brendan (Ch. III) avouent avoir tout quitté pour être moines; l'Eglise d'Albe (Ch. 19) ressemble au Temple céleste vu par Ezechiel (48-16) ou par Saint Jean (APO. 4-4); la flèche ignée (Ch. 19 fin) est expliquée par la texte de l'Exode (3-2) où Moïse aperçoit le Buisson Ardent.
Enfin une volonté d'éclaircissement ou de réflexion théologiques se remarque au cours des trois épisodes où plusieurs versets sont chantés : l'île des Oiseaux, l'île d'Albe, l'île des Trois Choeurs. Les Ciseaux sont des anges déchus qui obéirent à Satan mais se révoltèrent contre Dieu. Les psaumes qu'ils chantent sont des témoignages de la Grandeur de la Création, de la Présence de Dieu, de la perfection future une fois le péché rédimé (Ps 64-1 Action de grâces; Ps. 50-17 Psaume de pénitence; Ps. 148 Louange universelle; Ps. 90-17 (ou 139-17) "Sit splendor"-La vie de l'homme périssable à cause du péché; Ps. 46-7 Yahvé roi du monde; Ps. 46-23 - Reconnaissance de la Création; 132-1 La Vie Fraternelle). Les moines de l'île d'Albe dont la vieillesse est suspendue sous l'effet de la prière, psalmodient deux versets, l'un de détresse (Ps. 37-23), l'autre de confiance (Ps. 4) ou de confession des fautes (Ps. 105-6 Judith 7-19).-Sur l'île des trois Choeurs annoncée par un chant de pèlerinage (Ps. 83-8 / Ch. 24. L. 2. p.176 ) ; une quarantaine de psaumes est donnée où alternent la fragilité de l'homme loin de Dieu, la splendeur divine, la fraternité humaine; ces hymnes s'accordent aux âges de la vie humaine (enfance, jeunesse, vieillesse) ainsi qu'aux moments de la journée (matin, midi, soir).
Ainsi les Oiseaux ouvrent une méditation sur la Création et la Chute de Lucifer; les moines de l'île d'Albe sur la drame de l'existence humaine (face à la mort, au temps); les trois choeurs sur la présence de Dieu en l'homme. Si aucune psychologie particulière et individualisante n'existe pour les compagnons de Saint Brendan, il n'empêche que par le biais des versets cités, bien des sentiments humains se trouvent exprimés dans la Nav.
II) La symbolique des chiffres bibliques est ancienne et connue :
3 (Trinité), 7 (Création), 40 (Carême - Temps humain), 50 ( Pentecôte),. La Nav reprend cette tradition, commençant et finissant par une prophétie (la Terre de Promission); les 40 jours de Carême sont l'occasion d'interdictions (ne pas boire de l'eau, symbole des eaux de la mort - Ch. 20), d'errance en mer et de jeûnes, des Ténèbres devant le Paradis (atteint le jour de Pâques). Saint Augustin ( 18 ) écrit à ce sujet : "Le nombre 40 figure la vie présente, vie de travaux et d'épreuves. Moïse et Elie ont jeûné durant 40 jours pour nous apprendre la nécessité de renoncer durant cette vie où nous sommes exposés à mille soucis, à la crainte, aux tentations les plus dangereuses; nous sommes conduits comme à travers le désert par une bonté qui s'exerce dans le temps." Saint Augustin de rappeler les 40 ans d'Israël dans le désert, les 40 jours de jeûne de Jésus (Serm. CCLXX 3).
Les 50 jours séparant Pâques de Pentecôte conviennent moins à de nouvelles découvertes pour Saint Brendan qu'à 1'expression d'une joie intérieure sur l'île des Oiseaux. Saint Augustin écrit (Serm. CCXI 6) "le nombre 50 est l'emblème de ce temps de la joie que personne ne pourra nous ravir"; (serm CCIII : " les jours qui suivent la résurrection du Seigneur sont la figure des joies éternelles "). C'est au Quatrième jour (3 jours d'effort) que Saint Brendan atteint une île en vue; c'est au quatrième jour que se fait la révélation du vol du frein (Ch. VII); la colonne de cristal a 4 côtés etc. (Saint Augustin : " Serm. CCLII-10 -4 est l'emblème du Temps "). L'ermite Paul a 140 ans (50 ans en Irlande, et 90 ans d'exil)(Ch. 33-34 ), ce qui pourrait nous renvoyer à la symbolique de 7 ( le voyage ne dure-t-il pas 7 ans aussi ? ).
Toutefois si cette symbolique existe dans la Nav, rappelons qu'elle est bien moins marquée que dans le poème anglo-normand de Benedeit. La Nav laisse en "blanc" de grandes périodes, signale des jeûnes de 15 jours et de 12 Jours (Ch. 25-26), donne 8 jours pour sortir de la mer gelée (Ch. 27), une nuit de répit à Judas (Ch. 32). Benedeit parait plus systématique ( 19 ) tandis que la Nav veut échapper au cadre temporel, même symbolique (15 jours valent Un an réel pour Barintus et Brendan sur la Terre de Promission - Ch. I et 37).
Notons enfin que Noël est situé, semble-t-il, fin février-début mars, et a moins d'importance que Pâques; Saint Brendan reste jusqu'à l'octave de Pentecôte puis s'embarque pour Huit mois ( 20 ) en mer jusqu'à l'île d'Albe (fête de la Nativité - Ch. XIV), ce qui place Noël de 2 mois environ plus tard que de nos jours. La fête de Pâques correspond à l'aide de l'intendant, à l'apparition de Jasconius et au séjour sur 1'île des Oiseaux-miracles en nombre supérieur à ceux de l'île d'Albe (Noël).
Le Nombre des compagnons est de 14 (le texte dit "2 fois 7"); le Christ avait 12 disciples. 14 est-il donc choisi pour éviter tout rapprochement sacrilège ? La manière dont ces compagnons sont nommés, par ailleurs, évolue : l'expression la plus courante est " qui cum eo erant " ( " ceux qui étaient avec lui ") mais il y a aussi " combellatores " (Ch. III. L.2.)
" Socii " (Ch. 17. L. 13. Ch. 31 L.6.) " sequaces " (Ch. 19. L. 16.) " sacerdoces " (Ch. 21. L. 16.) " sodales " (Ch. 22. L. 11. Ch. 24. 1. 10.), " famuli " (Ch. XIII. L. I./ Ch. 26. L. 18. / Ch. 31. L. 12.et L. 17. / Ch. 23. L. 18) " dilecti " (Ch. 26. L. l ) " nauti " (Ch. 26. L. 15) " milites " (Ch. 31. L. 14.) " commilites " ( Ch. 33. L. I ) " viri " (Ch. 33. L. 5)
Une progression est à noter (de simples suivants à des soldats unis et aimés ) mais curieusement cette façon de nommer est indépendante par rapport à la perte des 3 compagnons supplémentaires : le dernier jeté en Enfer, par exemple, a donc été compris dans les expressions louangeuses précédant sa mort (Ch. 31). En ce sens déjà, nous pouvons penser que ces 3 compagnons ne sont pas, dès le départ et durant le voyage, victimes d'une malédiction : dans le ms de Gand (Ed. Selmer), Saint Brendan avertit 2 d'entre eux de leur destin effroyable; le ms. d'Alençon que nous suivons ici, ne signale rien de tel au départ, bien qu'il soit dit au Chapitre 24 (L. 13. p.175 ) que "Saint Brendan avait fait une prédiction à leur sujet". Mais le nombre exact des voyageurs (14 + 3 + Saint Brendan) est parfois oublié par l'auteur de la Nav : au Chapitre 24 (l'île des Trois Choeurs L. 17. ), après le départ de 2 compagnons supplémentaires -soit au total 16 personnes -, Saint Brendan divise en 12 un fruit merveilleux et " en donne à chacun " ! Ce n'est donc pas le nombre des compagnons (14 / 17) qui peut nous expliquer le destin des 3 moines en plus. Serait-ce plutôt le symbole du Christ crucifié et des deux larrons ? Le mauvais larron est celui jeté en Enfer (sa disparition s'intercale entre l'épisode de l'île des forgerons et celui de Judas); le bon larron est celui qui a volé mais s'est repenti au dernier moment (Ch.7); le Christ serait représenté par celui qui est abandonné sur l'île des 3 Choeurs (Ch. 25). Est-ce conforme à la Théologie ? L'île des 3 Choeurs fait penser au Purgatoire (Chants répétés, attente de la Grâce) que les historiens de la religion catholique estiment avoir été proposé par les théologiens irlandais du Haut Moyen-Age. Dans ce cas, la Nav serait un des premiers textes à rendre compte du Purgatoire dans la littérature, ( 21 ) sans le nommer toutefois.
Ne pouvant donner une explication de la disparition des 3 compagnons (nous opterons pour l'idée que leur rôle est de nous inviter à réfléchir à notre propre mort : le repentir est tout puissant, même au dernier instant, puisque le Temps est le lieu d'évènements spirituels avant d'être divisible mathématiquement (jours, heures, minutes, etc.). Le péché se saisit de quelqu'un sans espoir de retour s'il n'y a pas abandon à Dieu. La prière (louange et supplication) habite la Création entière -prier c'est rejoindre l'Oeuvre de Dieu, comme l'établit le Deuxième compagnon.
NOTES.
(1 ) J. Stiennon- Paléographie du Moyen-Age. Armand Colin 1973 ; pp. 65-71 / 94-101 / p. 127-128.
(2 ) Nous conservons cet aspect, en adoptant des chiffres romains pour les lettres inscrites, et des chiffres arabes, là où étaient des espaces vides.
(3 ) Chaque reprise ultérieure de la Nav vise à expliquer le destin tragique de ces trois compagnons supplémentaires, par des arguments plus ou moins rationnels ( dont l'idée d'une mort prévue dès le départ ). Leur liberté est plus conforme à la théologie, même si l'énigme de leur destin demeure.
(4 ) P. Grosjean signale que le mot " scalta " se trouve dans les " Hisperica Famina " ( textes latins étranges écrits en Irlande au VI° siècle et rappelant par leur forme verbale les tentatives littéraires d'un J.Joyce au XX° siècle) ; le " s " initial étant un phénomène de latin tardif, il faut voir dans " scalta ", le mot " calt(h)a ", autrement dit un " trèfle rouge " ou " souci officinal ". P. Grosjean " Confusa Caligo " Celtica III p. 77-78. ( Zeuss memorial volume.)
(5 ) De façon peut-être criticable, nous n'avons pas rendu compte du mot " predictus " si souvent répété, en raison de sa lourdeur, par une seule et même traduction.
(6) J. Orlandi, Navigatio sancti Brendani t.1 Ed. Cisalpino Godiardica 1968 pp. 141-169 ) . P. Grosjean, dans son commentaire de l'édition de Selmer, estime que la Nav est rédigée dans " une latinité peu irlandaise ", sans hibernisme notoire, et appartient au latin du Haut Moyen-Age. ( Analecta Bollendiana t 78 fasc. III-IV 1960 p.454-459.)
( 7 ) Ludwig BIELER : "Irish Penitentials Dublin 1963 - in Scriptores Latini Hiberniae 5 Four Lives of St Patrick - Dublin 1971. Voir aussi - Etudes Celtiques XVI l979. L.Bieler note comme principaux hibernismes de la Nav I) la confusion entre " a " et " e " au subjonctif ( " intramus " au lieu de " intremus "-Nav.XII Ed Selmer - ou bien " cantamus " pour " cantemus ") due au subjonctif en a du vieil Irlandais; l'usage de "alias" pour "quidam" ou "aliquis" ("mittite remiges intus...,et alii teneant... " Nav. XXII-10-11 Ed. Selmer) dû au vieil Irlandais " alaile " signifiant "alius, quidam, aliquis"; la traduction par "frenum" (Nav VII. 5) d'un objet désignant un collier, une bride.
( 8 ) Thurneysen A Grammar of old Irish - (Dublin) 1975. p. 327 § 513.
(9 ) Thurneysen op. cit. p. 229 § 361-362.
(10 ) Thurneysen op. cit. p. 283-284 § 450-451.
(11 ) Norberg Manuel pratique de latin médiéval. Ed. Picard 1968. p. 45.
(12 ) A. de la Borderie : Autre Vie de Saint Malo écrite au IXème siècle par un anonyme. Société archéologique du département d'Ille et Villaine n°16 - 1883 - pp. 265-313. F. Plaine : "Vie inédite de Saint Malo, évêque d'Aleth par Saint Bili, évêque de Vannes et Martyr - idem pp. 137-264.
(13 ) L'abandon des formes de la poésie antique pour de.nouvelles formes basées sur le rythme ou sur la même nombre de syllabes, est loin d'être chronologique : la poésie fondée sur les quantités, celle sur les rythmes, celle sur les syllabes ont au Moyen Age coexisté. Si la Nav ne possède nulle trace d'un vers quantitatif, il restait à savoir s'il y avait présence d'un vers rythmique. Le plus courant fut le septenaire trochaïque rythmique composé de Huit accents forts dont la structure est la suivante -'u 'u 'u 'u //-'u-'u 'u 'u Dag Norberg (La poésie latine rythmique du Haut Moyen Age Stockolm 1953) l'observe dans une Variante de Roman d'Alexandre datant du IXème siècle après J.C.) inspirée par le Roman d'Alexandre de Pseudo-Callisthène que Jules Valère avait traduit en latin au IVème siècle. Il est à noter que le Roman d'Alexandre dont on a retrouvé une copie du VIIIème siècle à Bobio (Orlandi-Nav-T.1. Cisalpino Goliardica p. 109) a été proposé comme source de la Nav ( cf. Esposito. Romania 64. p 346). En fait nous n'avons trouvé aucune trace de poésie rythmique dans la Nav.
( 14 ) La poésie syllabique apparaît dès 393 dans une hymne de Saint Augustin Psalmus contra partem Donati (cf. Norberg op. cit. Ch. VII p.136-160) formée de 8 + 8 syllabes; nombre d'hymnes ambrosiens adopteront ce cadre syllabique 8+8 ( ou 16 + 16); les hymnes irlandais soit imiteront l'hexamètre antique par 8 + 8 syllabes soit le septénaire trochaïque 8 + 7 syllabes (Norberg op. cit. p. 129).Mais il faut bien préciser que le décompte des syllabes d'un hexamètre antique donne un nombre de syllabes très irrégulier (où prédominerait 8 + 8). Ces textes semblaient être écrits sur de la musique ou pour être mis en musique, sans que l'on puisse dire si le texte a précédé, ou la musique.
( 15 ) W. Stokes Revue Celtique 14 ( 1883 ) p.22-69.
( 16 ) Watkins Celtica VI. pp. 219-241.
( 17 ) Plummer. op. cit. t. II. p.269.
( 18 ) Serm. CCLIII IO II ED. Vivès. p.301-302, cité par J.Daniélou le Mystère de l'Histoire. p.258.
( 19 ) Thèse de Hilliers-Caulkins- Le récit du Voyage sur terre et sur mer dans la littérature française-du XI-XIIème siècles -Caen 1969. Ch.2.
( 20 ) En fait, au Ch. 24, le texte se contredit : de l'octave de Pentecôte jusqu'à Noël, 8 mois sont donnés; mais Saint Brendan arrive à l'île d'Albe en 3 mois et 40 jours (l'île d'Albe correspond à Noël). Le texte se soucie peu de cohérence; il vise davantage à nous extraire des cadres temporels.
( 21 ) M. J. Larmat le pense : ( Le réel et l'imaginaire dans la Navigation de Saint Brendan -voyage, quête, et pèlerinage, dans la littérature et la civilisation médiévales - Sénéfiance 2 - 1976.-) bien qu'il répartisse autrement le lot de ces 3 compagnons : le Purgatoire appartient à celui qui a volé et s'est repenti; le Ciel à celui qui rejoint l'île des Trois Choeurs; l'Enfer au dernier (dont on ne sait pas la faute peut-être parce qu'il n'est pas du ressort humain de juger les actes d'autrui- Math. 7 1. "Ne jugez point afin que vous ne soyez point jugés".
TEXTE LATIN
VITA SANCTISSIMI CONFESSORIS CHRISTI BRENDANI
CHAPITRE I
Edition SELMER, P. 3, Ch. 1/ (A.F° l°r)
Sanctus Brendanus filius Finloca nepotis Alti de genere Eogeni stagnili regione Mumenensium ortus fuit. Erat vir magnae abstinentiae et in (l) virtutibus clarus trium milium fere monachorum pater. Cum esset in suo certamine (2) in loco qui dicitur saltus virtutis Brendani contigit quidam patrum ad illum quadam vespera venisset nomine Barinthus nepos illius. Cumque interrogatus esset multis sermonibus a praedicto sancto patre cepit lacrimari et prostrare (3) se in terram et diutius permanere in oratione. Sanctus Brendanus erexit illum de terra et osculatus est eum dicens : "Pater cur tristiciam habemus in adventu tuo ? Nonne ad consolationem nostram venisti ? Magis laeticiam tu debes fratribus preparare. Indica nobis verbum Dei et refice animas nostras de diversis miraculis quae vidisti in Oceano". Tunc Sanctus Barintus expletis his sermonibus Brendani cepit narrare de quadam insula dicens : 'Filiolus meus Mernocatus procurator (4) pauperum Christi cumfugit a facie mea et voluit se esse solitarium. Invenitque insulam juxta montem lapidis, nomen ejus Insula Deliciosa. Post multum vero temporis nuntiatum est mihi quod (5) plures monachos habuisset et Deus multa mirabilia (per illum) ostendisset. Itaque perrexi visitare filiolum meum. Cumque appropinquassem (per) trium dierum (iter) in occursum mihi festinavit cum fratribus suis. Revelavit enim Dominus sibi adventum meum. Navigan (tibus nobis) in praedicta insulaoccurrerunt obviam sicut examen apium ex diversis cellulis fratres.(Erat enim) habitacio eorum sparsa. Sed tamen unanimiter illorum conversatio in spe et fide et caritate (una) refectione ad opus Dei semper fuit coadunata. Nihil aliud cibi monstratur nisi poma et nuces at (que) radices et cetera genera herborum. At post completorium singuli in suis cellulis usque ad gallorum cantum seu pulsum campanae permanserunt. Me autem pernoctante insulamque totam perambulante meus filiolus duxit me ad litus maris contra occidentem ubi erat navicula et dixit mihi : "Pater ascende in navim et navigemus contra occidentalem plagam ad insulam quae dicitur terra repromissionis sanctorum quam daturus est(6) Deus successoribus nostris in novissimo tempore". Ascendentibus nobis et navigantibus nebulae cooperuerunt(7) nos undique in tantum ut(8) vix potuissemus puppim aut proram naviculae aspicere. Transacto vero spacia quasi unius horae circumfulsit nos lux ingens et apparuit terra spaciosa et herbosa pomiferosaque valde(9). Cum stetisset navis ad terram ascendimus nos et cepimus ire et perambulare per X\/ ut putavimus dies insulam et non potuimus finem ipsius invenire. Nihil herbae vidimus nisi flores arborum sine fructu. Lapides enim(10) ipsius preciosi genere sunt. Porro quintodecimo die invenimus fluvium vergentem ab orientali parte ad occasum. (Cum consideremus) haec omnia dubium nobis erat quid agere debuissemus. Placuitque nobis(transire) flumen. Sed expectavimus Dei consilium. Cum haec exposuissemus intra nos subito apparuit quidam vir magno splendore coram nobis. Qui statim propriis nominibus nos (appelavit) atque salutavit dicens : "Euge boni fratres. Dominus enim revalavit vobis istam(11) terram (quam daturus est) suis sanctis. Est enim medietas insulae istius usque ad istud flumen. (Non licet vobis transire) ulterius. Revertimini igitur unde existis." Cum haec dixisset (statim illum interrogavi unde esset) aut quo nomine vocaretur, Qui ait : "Cur me interrogas (unde sim aut quomodo vocer ?) Quare me non interrigas de ista insula ? Sicut illam vides (modo ita ab inicio) mundi permansit. Indigesne aliquid cibi aut potus sive vestimenti ? (unum annum enim) in hac insula fuisti et non indiguisti cibo aut potu. (Numquam) fuisti oppressus somno nec nox te operuit. Dies namque est semper sine ulla cecitate (tenebrarum hic. Dominus noster Jhesus Christus) Lux ipsius est. Confestim inchoavimus iter et ille vir praedictus (nobiscum pervenit usque ad... caliginem) (ad insulam deliciosam.) At ubi fratres nos viderunt exultabant exultatione magna de ad(vehtu nostro et plorabant) de absencia nostra multum temporis dicentes : "Cur patres dimisistis(12) (vestras oves sine pastore) in ista silva errantes ? Novimus abbatem nostrum frequenter a nobis discedere (in aliquam partem sed) nescimus in quam et ibidem commemorari (13) aliqando unum mensem aliquando duabus ebdomadibus (seu una ebdomada) vel plusminusve. " Cum haec audissem cepi illos confortare dicens eis : " Nolite fratres (putare aliquid nisi bonum. Vestra conversacio) procul dubio est ante portam Paradisi. Hic prope est insula quae vocatur (terra repromissionis sanctorum) ubi nec nox imminet nec dies finitur. Et illuc frequentatur noster abbas Mernocatus. (Angelus enim Domini custodit) illam. Nonne cognoscitis (14) in odore vestimentorum nostrorum quod in Paradisio Dei Fuimus ? Tunc fratres: " A-1v " responderunt dicentes : "Abba novimus quia fuistis in Paradiso Dei spatio maris sed ubi sit ille paradisus ignoravimus. Nam saepe fragancia(m) vestimentorum abbatis nostri XL dierum spatio inde revertenti(s) probavimus redolentem(15)". Illic vero mansi duas abdamadas cum filiolo meo sine cibo et potu. Ibi in tantum habuimus de satietate corporali ut ab aliis videbamur(16) repleti musto. Post vero XL dies accepta benedictione fratrum et abbatis reversus sum cum sociis ut redirem ad cellam meam ad quam iterus ero(17) cras."
C H A P I T R E II
Selmer, p 8, 1 86./
HIS AUDITIS SANCTUS BRENDANUS
Cum omni congregatione sua prostraverunt se ad terram glorificantes Deum et dicentes : "Justus Dominus in omnibus viis suis et sanctus in omnibus operibus suis qui revelavit servis suis tanta ac talia mirabilia et benedictus in donis suis qui hodie nos refecit cum tali gustu spiritali." His finitis sermonibus dixit sanctus Brendanus;" Eamus ad refectionem corporis et ad mandatum novum." Transacta autem illa nocte accepta benedictione mane fratrum ad cellam suam sanctus Barinthus perrexit.
C H A P I T R E III
Selmer p. 9, l.1
Igitur Sanctus.Brendanus de omni congregatione sua electis bis septem fratribus conclusit se in uno oratorio cum illis et locutus est ad illos (18) dicens : "Combellatores mei amantissimi consilium atque adjutorium a (19) vobis prestolor quia cor meum et omnes cogitationes meae conglutinatae sunt in una voluntate. Tantum si Dei voluntas est terram de qua locutus est pater Barinthus repromissionis sanctorum in corde meo proposui querere. Quomodo vobis videtur aut quod consilium mihi vultis dare ?" Agnita vero voluntate sancti patris quasi uno ore dicunt omnes :"Abba voluntas tua ipsa est et nostra. Nonne parentes nostros dimisimus(20)? Nonne hereditatem nostram despeximus et corpora nostra tradidimus in manus tuas ? Itaque parati sumus sive ad mortem sive ad vitam ire. Unam tantum queramus Dei voluntatem". Definivit (21) igitur Sanctus Brendanus et hi qui cum eo erant jejunium XL dierum semper par triduanas et postea proficisci. Transactis jam XL diebus et salutatis fratribus commendatisque omnibus preposito monasterii sui qui fuit postea ejus successor (in eodem) loco profectus est contra occidentalem plagam cum quattuordecim fratribus ad insulam cujusdam (sancti) patris nomine Ende (22) ibique demoratus est tribus diebus et tribus noctibus.
C H A P I T R E IV
Ed. Selmer p.l0 l. 4/
Post haec accepta benedictione sancti patris monachorumque omnium qui cum eo erant profectus est in ultimam partem regionis suae ubi demorabantur (parentes) ejus. At tamen noluit illos videre sed in cujusdam summitate montis extendentis se(23) longe in (oceanum) in loco qui dicitur sedes Brendani fixit tentorium ubi erat (introitus) unius navis. Sanctus Brendanus (et qui) cum eo erant acceptis ferramentis fecerunt unam naviculam (levissimam costatam et columnatam) ex silva sicut mos est in illis partibus et cooperuerunt illam coriis bovinis (atque rubricatis in cortice) ruborino. Et linierunt foras omnes juncturas pellium ex butyro(24) (et miserunt(25) duas alias) paraturas navis de aliis coriis intus in navim et dispendia XL dierum et butyrum ad pelles preparandas ad cooperimentum navis et cetera utensilia quae ad usum vitae humanae pertinent. Arborem quoque posuerunt in medio navis fixum et(26) velum et cetera quae ad gubernationem navis pertinent. Sanctus autem Brendanus fratribus suis precepit in nomine Patris et Filii et.Spiritus Sancti intrare in navim. Cumque ille solus stetisset in litore et benedixisset portum ecce tres fratres supervenerant de suo monasterio post illum (Qui statim ceciderunt ante)pedes sancti patris dicentes : "Pater dimitte nos ire tecum quo iturus es; (alioquin moriemur)(F°R2) in isto loco fame et siti. Decrevimus enim peregrinari omnibus diebus vitae nostrae." Cumque vir Dei vidisset illorum angustiam precepit illos intrare in navim dicens : "Fiat voluntas vestra filioli". Et addidit : " Scio quomodo vos venistis. Iste frater bonum opus operatus est. Nam Deus preparavit sibi(26) altissimum locum. " Ascendit vero Sanctus Brendanus in navim extensisque velis ceperunt navigare contra solsticium esticunum (27)valde. Habebant autem prosperum ventum. Nihil opus fuit eis navigare nisi tenere vela.
C H A P I T R E V
Ed. Selmer p. 12, 1. 4/
Post quindecim vero dies cessavit ventus et ceperunt navigare usque vires eorum defecerunt. Confestim sanctus Bréndanus cepit illos confortare admonere dicens :" Fratres nolite formidare. Deus enim noster adjutor est et nautor et gubernator atque gubernat. Mittite intus omnes remiges et gubernamus. Tantum dimittite vela extensa et faciat Deus sicut vult de servis suis et de sua nave. " Reficiebant autem semper ad vesperam dum aliquando(28)ventum habebant. Sed tamen ignorabant ex qua parte veniebat(29) aut in quam partem ferebatur navis. Consummatis jam XL diebus et omnibus dispendiis quae ad victum pertinebantur apparuit illis quaedam insula ex parte septentrionalis valde saxosa et alta(30). Cum autem appropinquassent ad litus illius viderunt ripam altissimam sicut murum et diversos rivulos descendentes de summitate insulae fluentes in mare. Tamen minime poterant invenire portum ubi stetisset navis. Fratres enim vexati erant valde fame et siti. Singuli vero acceperunt(31) vascula ut aliquid de aqua(32) potuissent sumere. Sanctus Brendanus cum haec vidisset dixit : "Sic nolite facere. Stultum est enim quod agitis. Ad huc Deus non vult nobis ostendere portum intrandi et vultis rapinam facere. Dominus Jhesus Christus post tres dies ostendet portum et locum manendi et reficientur corpora vexatorum.
C H A P I T R E VI
Selmer p.13, 1.25
Cum autem circuissent per tres dies illam insulam tertia die circa horam nonam invenerunt portum ubi erat aditus unius navis. (Et) statim surrexit sanctus Brendanus et benedixit introitum. Erat autem (petra) incisa ex utraque parte mirae altitudinis sicut murus. Cum vero omnes ascendissent de navi et stetissent foras ad terram precepit sanctus Brendanus (et) nihil de suppellectile tulissent de navi foras. Porro ambulantibus (per) ripas maris occurit illis canis per quandam semitam et venit ad pedes sancti Brendani sicut solent canes venire ad pedes dominorum suorum. Tunc Sanctus Brendanus cum suis fratribus secuti sunt(l) canem usque ad oppidum. Intrantibus autem in (oppidum) viderunt aulam magnam ac stratam lectulis et sedibus aquamque (ad) pedes lavandos. Cum autem resedissent precepit sanctus Brendanus suis (sociis) dicens : "Cavete fratres ne Sathanas perducat vos in temptationem. Video illum suadentem unum ex tribus fratribus qui post nos venerunt (de) nostro monasterio de furto pessimo. Propterea orate pro anima (ejus). Nam caro ejus tradita est in potestatem Sathane". Illa domus in qua residebant erat quasi inserta per parietes in circuitu de appendentibus (vasculis diversi) generis metalli frenis et cornibus circumdatis argento. (Tunc sanctus) Brendanus dixit ministro suo qui solebat panem apponere fratribus(verso2) : "Fer prandium quod nobis Deus misit". Qui statim surrexit invenitque mensam positam et linteamina et panes singulos miri candoris et pisces. Cum allata fuissent omnia benedixit sanctus Brendanus prandium et dixit fratribus: "Qui dat escam omni carni confitemini Deo caeli." Residebant igitur fratres et magnificabant Dominum. Similiter inveniebant et de potu quantum volebant. Finita jam cena et opere Dei perfinito dixit predictus vir : "Requiescite; ecce singula lectura (34) et bene strata. Opus est vobis ut repausetis membra vestra ex labore nimio fatigat(a)"(35). Cum autem obdormissent (36) fratres vidit sanctus Brendanus opus diaboli scilicet infantem aethiopem habentem frenum in manu et jocantem ante fratrem predictum. Statim sanctus Brendanus surrexit et cepit orare pernoctans usque ad diem. Jam vero mane facto cum fratres ad opus Dei festinassent post peracta misteria divina dum ut egissent ad navim ecce apparuit (37) mensa parata sicut et pridie. Ita et per tres dies et tres noctes preparavit Deus prandium servis suis.
C H A P I T R E VII
Selmer p. 15, L. 1/
Post haec Sanctus Brendanus cum suis sociis iter agere et fratribus dicere "Videte ne(38) aliquis ex vobis aliquid ex substancia istius insulae tollat secum". At illi omnes responderunt : "Absit pater ut aliquid furti violet nostrum iter". Tunc Sanctus Brendanus dixit : "Ecce frater noster quem predixi vobis heri habet frenum(39) argenteum in sinu suo quem hac nocte tradidit sibi diabolus". Cum haec dixisset predictus frater jactavit illum frenum de sinu suo et cecidit ante pedes viri Dei dicens :"Peccavi pater ignosce et ora pro anima mea ne pereat". Confestim omnes simul prosternebant se(40) ad terram deprecantes Dominum pro anima fratris. Elevantes autem se a terra elevatoque fratre a predicto sancto patre ecce viderunt aethiopem parvulum salire de sino suo et ululantem voce magna ac dicentem : "Cur me vir Dei jactas de mea habitatione in qua habitavi septem annos et facis me alienari ab hereditate mea ?" Sanctus Brendanus ad hanc vocem dixit : "Precipio tibi in nomine Domini nostri Jhesu Christi ut nullum hominem laadas usque ad diem judicii". Iterum conversus vir Dei ad predictum fratrem ait : "Sume corpus et sanguinem Domini quia anima tua modo agredietur de corpore. Hic enim habebis locum sepulturae tuae, Et frater tuus qui venit tecum de monasterio nostro in inferno habet locum sepulturae". Itaque accepta eucharistia anima fratris egressa est de corpore suscepta ab angelis lucis videntibus fratribus (41). Corpus autem ejus conditum est (42) in eodem loco a predicto sancto patre.
C H A P I T R E VIII
Selmer p. 17, L. 1/
Igitur fratres cum Brendano venerunt ad litus ejusdem insulae ubi erat illorum navis. Ascendentibus autem illis navim occurrit illis juvenis portans cophinum plenum panibus et amphoram aquae. Qui dixit illis : " Sumite benedictionem de manu fratris vestri. Restat enim longum iter usque dum inveniatis consolationem. Tamen non deficiet vobis panis neque aqua ab isto die usque in Pascha". Accepta autem benedictione ceperunt navigare in oceanum semper per biduanas reficientes. Itaque per diversa loca oceani ferebatur navis.
C H A P I T R E IX
Selmer p.17, L.1 Ch. 9/
Quadam die viderunt insulam non longe ab illis. Cumque cepissent navigare ad illam subvenit illis prosper ventus in adjutorium ut non laborassent plus quam vires poterant sustinere. Cum vero navis stetisset in portum precepit vir Dei omnes exire foras. Ipse autem egressus est post illos. Cumque cepissent circuire illam insulam viderunt aquas largissimas manare ex diversis fontibus plenas piscibus. Dixitque Sanctus Brendanus fratribus(F°R3) suis : " Faciamus hic opus divinum. Sacrificemus Deo immaculatam hostiam quia hodie est Cena Domini ". Et ibi manserunt usque in sabbatum sanctum Paschae. Perambulantes autem illam insulam invenerunt diverses turmas ovium (1) unius coloris id est albi ita ut non possent ultra videre terram prae multitudine ovium. Convocatisque fratribus suis Sanctus Brendanus dixit illis : "Accipite quae necessaria ad diem festum de grege". Fratres vero secundum mandatum viri Dei festinabant ad gregem. Qui statim acceperunt de grege unam ovem. Et cum illam alligassent per cornua sequebatur illa quasi domestica illum qui tenebat ligaturam in manu sua usque ad locum ubi stetit vir Dei. Iterum ait vir Dei uni ex fratribus : "Accipite agnum immaculatum de grege". Qui festinavit et fecit sicut sibi injunctum fuerat (2). Cum illi parassent omnia ad opus crastinae diei ecce apparuit illis vir habens in manu sportam plenam panibus subcinericiis et cetera quae necessaria erant. Cum haec posuisset ante virum Dei cecidit pronus super faciem suam tribus vicibus ad pedes sanctis patris dicens : " Unde mihi merito(45) margarita Dei ut pascharis in istis sanctis diebus de labore manuum mearum ? " Sanctus Brendanus elevato eo de terra et dato osculo dixit : "Fili Dominus noster Jhesus Christus proponit nobis locum ubi celebrare possimus sanctam suam resurrectionem". Cui ait predictus vir : "Pater hic celebrabitis istud sabbatum sanctum. Vigilias vero et missas cras in illa insula quam vos videtis proposuit Deus celebrare suae resurrectionis(46). Dum (47) haec dixisset cepit obsequium famulorum Dei et omnia quae necessaria erant in crastinum preparare. Finitis omnibus et illatis in navim dixit(48) ad Sanctum Brendanum : "Vestra navicula non potest amplius portare(49). Ego vobis transmittam quae vobis necessaria sunt de cibo et de potu usque in pentecostem". Sanctus Brendanus dixit: "Unde tu nosti ubi erimus post octo dies ?" Cui ait : "Hac nocte eritis in illa insula quam vos videtis prope et cras usque in sextam. Postea navigabitis ad aliam insulam quae est non longe ab ista insula contra occidentalem plagam quae vocatur paradysus avium. Ibique manebitis usque in octavas Pentecostes". "Interrogabat quoque Sanctus Brendanus illum quomodo potuissent oves esse tam magnae sicut ibi visae sunt. Erant enim majores quam boves. Cui ille dixit : " Nemo colligit lac de ovibus in hac insula nec hiemps (50) distringit illas sed in pascuis semper commorantur die noctuque. Ideoque majores sunt hic quam in vestris regionibus ".
CHAPITRE X
Selmer p. 20, 1. 45, Ch. 9/
Profectique sunt ad navim et ceperunt navigare data benedictione vicissim (51). Cum autem venissent ad aliam insulam, cepit illa navis stare antequam portum illius potuissent tenere. Sanctus Brendanus precepit fratribus exire de navi et ita fecerunt. Tenebantque navim ex utraque parte cum funibus usque dum ad portum venit. Erat autem illa insula petrosa sine ulla herba. Silva rara erat ibi et in litore illius nihil de arena fuit. Porro pernoctantibus in orationibus et in vigiliis fratribus foras (de) navi vir Dei sedebat intus.
CHAPITRE XI
Selmer p. 20, l. 7, Ch. 10/
Sanctus vero Brendanus sciebat qualis erat illa insula sed tamen noluit illis indicare ne fuissent perterriti.(52) Mane autem facto precepit sacerdotibus ut singuli missas cantasset(53) et ita fecerunt. Cum ergo sanctus Brendanus et ipse cantasset missam in navim ceperunt fratres crudas carnes portera (54) foras de navi ut condidissent sale et etiam pisces quos secum tulerunt de alia insula. Cum haec fecissent posuerunt cacabum super ignem. Cum autem ministrassent lignis ignem et fervere cepisset cacabus cepit illa insula se movere sicut unda. Fratres vero ceperunt (55) currere ad navim deprecantes patrocinium sancti patris. At ille singulos per manus trahebat intus. Relictisque omnibus quae portabant(F°V.3) in illam insulam ceperunt navigare. Porro illa insula ferebatur in oceanum. Tunc poterant videre ignem ardentem super duo miliaria. Sanctus Brendanus narravit fratribus quod (56) hoc esset dicens : Fratres admiramini (57) quod fecit haec insula ?" Aiunt : "Admiramur valde nec non (58) et ingens pavor penetravit nos. "Qui dixit illis : "Filioli mei nolite expavescere. Deus enim revelavit mihi hac nocte per visionem sscramentum hujus rei. Insula non est ubi fuimus sed piscis. Prior omnium natancium in oceano querit semper suam caudam ut simul jungat capiti et non potest pro longitudine quam habet nomine Jasconius.(59)(60)
CHAPITRE XII
Selmer p. 22, l.-l, Ch. ll/
Cum autem navigassent juxta illam insulam per triduum antea et venissent ad summitatem illius contra occidentalem plagam viderunt aliam insulam prope sibi junctam interveniente freto magno herbosam et memorososam plenamque floribus et ceperunt querere portum per circuitum insulae. Porro navigantibus(61)contra meridianam plagam eiusdem insulae invenerunt rivulum vergentem in mare ibique navim ad terram miserunt(62).Ascendentibus autem illis de navi precepit Sanctus Brendanus ut navim per funes contra alveum fluminis traxissent quantum plus potuissent. Erat autem illud flumen tam latum sicut(63) et latitudo illius navis. Predictus vero pater sedebat in navi et ita fecerunt per spacium unius miliarii usque dum ad fontem venerant eiusdem fluminis(64). Dixit Sanctus Brendanus : "Ecce Dominus, noster Jhesus Christus nobis dedit locum ad manendum (usque)in suam sanctam resurrectionem". Et addidit : "Si non habuissemus alia dispendia excepto isto fonte sufficeret credo nobis ad victum et ad potum ille."Erat autem super illum arbor mirae latitudinis in girum non nimiae altitudinis cooperta avibus candidissimis. In tantum cooperverunt illam ut folia et rami eius vix viderentur. Ergo cum vidisset vir Dei cepit intra se cogitare et tractare quidnam esset aut quae causa fuisset quod tante multitudo avium potuisset esse in una collectione. Ad hoc in tantum sibi erat taedium ut effunderet lacrimas provolutis genibus atque deprecasset(65) Deum dicens : "Deus cognitor incognitorum et revelator absconditorum omnium tu scis angustiam cordis mei. Deprecor tuam majestatem ut mihi peccatori digneris per tuam magnam misericordiam revelare tuum secretum quod modo prae oculis meis est. Non dignitatis aut meriti(66) presumo sed clementiae tuae". Cum haec dixisset intra se atque resedisset ecce una ex illis avibus volabat de(67) arbore et sonabant alae eius quasi tintinnabulum contra navim ubi vir Dei sedebat. Quae sedit in summitate prorae et cepit extendere alas quasi signum laetitiae et placido vultu aspicere sanctum patrem. Statim agnovit vir Dei quia Deus recordatus esset deprecationem Cordis eius. Et ait ad avem: "Si nuntius Dei es narra mihi unde sunt aves istae aut pro qua re illarum est collectio hic ?" Quae statim ait: "Nos sumus de illa magna ruina antiqui hostis. Namque mox ut simul(68) creati sumus peccando illius omnino non contradiximus labente illo(69) cum suis satellibus contigit et nostra ruina. Deus autem noster justus et verax per suum magum judicium misit nos in istum mundum ubi penas non sustinemus nisi quod presentiam Dei videre non possumus. Sicque misericorder alienavit nos a consortio aliorum qui fuerunt superbi. Pervagamur quoque per diverses partes aeris et firmamenti et terrarum sicut alii (s)piritus qui mittuntur. Sed in sanctis diebus atque dominicis accipimus corpora talia qualia tu nunc vides et commoramur hic laudamusque nostrum creatorem. Tu autem cum tuis fratribis habes unum annum in tuo itinere. Adhuc restant sex. Ubi hodie celebrasti pascha ibi omni anno celebrabis et postea invenies quae posuisti in corde tuo id est terra repromissionis sanctorum".
CHAPITRE XIII
Selmer p. 25, 1. 47, Ch. Ll/
Cum haec dixisset levavit se de prora illa avis et cepit volare ad alias. Cum autem vespertina hora appropinquasset ceperunt omnes qui (70) in arbore erant quasi una voce cantare percucientes latera sua atque dicentes : "Te decet hymnus Deus in Sion et tibi reddetur(F°R4) votum in Jerusalem". Et semper reciprocabant predictum versiculum quasi per spatium unius horae et videbatur viro Dei et illis qui cum eo erant illa modulatio et sonus alarum quasi canticum planctus pro suavitate. Tunc sanctus Brendanus ait fratribus "Reficite corpora vestra quia hodie animae nostrae divina refectione satiatae sunt". Finita jam cena ceperunt opus Dei peragere. His omnibus finitis vir Dei et qui cum eo erant dederunt corporibus quietem usque ad terciam vigiliam noctis. Evigilans vero Dei cepit suscitare fratres suos ad vigilias sanctae noctis incipiens illum versiculum : "Domine labia mea aperies". Finita jam oratione viri Dei omnes aves alis et ore resonabant dicentes : "Laudate Dominum omnes angeli ejus laudate eum omnes virtutes ejus". Similiter et ad vesperas per spatium horae semper cantabant. Cum aurora refulsisset (71) ceperunt cantare : "Et sit splendor" et cetera equali modulatione et longitudine psallendi sicut et in matutinis (72)laudibus, Similiter ad tertiam horam istum versiculum : "Psallite Deo nostro psallite" et cetera. Ad sextam: "illumina Domine vultum tuum super nos et miserere nostri". Ad nonam psallebant : " Ecce quam bonum et quam jucundum habitare fratres in unum. " Ita die et nocte aves reddebant Domino laudes. Igitur Sanctus Brendanus usque in octavum diem reficiebat fratres suos festivitate Paschali. Consummatis itaque diebus festis dixit : "Accipite de isto fonte stipendia quia usque modo non fuit nobis opus nisi aut manus aut pedes lavare". His dictis ecce predictus vir cum quo antea fuerunt tribuum ante Pascha qui tribuit illis alimonia paschalia (73) venit ad illos cum sua navi plena victu et potu. Allatisque omnibus de navi coram sancto patre locutus est dicens : "Viri fratres hic habetis sufficienter usque ad diem sanctum Pentecostem et nolite bibere de hoc fonte. Fortis namque est bibendum (74). Dicam vobis naturam illius. Quisquis ex eo biberit irruet super eum sopor et non evigilat usque dum compleantur XXIIII horae. Dum emanat de fonte habet soporem aquas et naturam". Acceptaque benedictione patris reversus est in locum suum. Sanctus autem Brendanus mansit in eodem loco usque in octavas Pentecostem. Nam illorum erat refocilatio (75) avium cantus. Dis vero pentecostem cum sanctus vir cum suis familis cantasset venit illorum procurator portans omnia quae ad opus diei festi necessaria erant. Cum autem simul discubuissent (76) ad prandium locutus est illis idem vir Dei dicens : " Restat vobis magnum iter. Accipite de isto fonte vestra vascula plena et panes siccos quos potestis observare in alium annum. Ego quidem vobis tribuam quantum vestra navis potest portare. "
CHAPITRE XIV
Selmer p. 27, 1. 94; Ch. 1l/
Cum autem hoc perfinitum esset accepta benedictione reversus est in locum suum. Sanctus vero Brendanus post octo dies fecit navim onerari de omnibus quae sibi tribuit predictus vir et de illo fonte omnia vascula impleri fecit (77). Ductis autem omnibus ad litus ecce predicta avis cito volatu venit et resedit super proram navis. Et vero vir Dei agnovit quod aliquid sibi voluisset indicare. Tunc humana voce ait predicta avis : "Nobiscum celabrabitis diem sanctum Paschae et istud tempus preteritum in futuro anno. Et ubi fuistis in isto anno in cena Domini ibi eritis (in anno) futuro in praesenti die . Similiter noctem dominicam paschae celebrabitis ubi prius celebrastis super dorsum Jasconii. Invenietis quoque insulam et post octo menses quae vocatur insula familiae Albei et ibi celebrabitis Nativitatem Domini". Et cum haec narrasset reversa est in locum suum. Fratres vero ceperunt extendere vela et navigare in oceanum et aves cantabant quasi voce : " Exaudi nos Deus salutaris noster spes omnium finium terrae et in mari longe". Igitur sanctus pater cum sua familia per equora oceani (78) huc atque illuc agitabatur per tres menses et nihil poterant videre nisi caelum et mare. Reficienbantur autem semper per biduum aut triduum.
CHAPITRE XV (79 )
Selmer p. 29, 1. 4, Ch.-12/ (F° V.4)
Quadam vero die apparuit illis insula non longe. Et cum appropinquassent ad litus, traxit illos ventus in parte (80). Qui ita per XL dies per insulae circuitum navigabant nec poterant portum invenire . Fratres vero qui in navi erant, ceperunt Dominum deprecare (81) cum fletu et illis adjutorium prestaret. Vires enim illorum prae nimia lassitudine paene defecerant. Cum autem permansissent in crebris orationibus par triduum et in abstinentia, apparuit illis portus angustus, tantum unius receptionis et apparuerunt illis ibidem duo fontes, unus turbidus et alter clarus. Porro fratres festinabant cum vasculis ad hauriendam aquam. Intuens vir dei illos dixit : "Filioli, nolite peragere illicitam rem sine licentia seniorum qui in hac insula commorantur. Tribuent namque vobis has aquas spontanee(82) quas modo vultis furtim bibere".
CHAPITRE XVI
Selmer p. 29, 1. 17, Ch. 12/
Igitur descendentibus illis de navi (83) et considerantibus qua parte ituri essent, occurit eis senex niniae gravitatis capillis niveo candore et facie clarus qui tribus vicibus se ad terram prostravit antequam oscularetur virum dei. At vero Sanctus Brendanus et qui cum eo erant elevaverunt eum de terra. Osculantibus autem se invicem, tenuit manum sancti patris idem senex et ibat cum illo iter unius stadii usque ad monasterium.
CHAPITRE XVII
Selmer p. 30, 1. 23, Ch 12/
Tunc Sanctus Brend anus cum fratribus suis stetit ante portum monasterii et dixit seni : "Cujus est istud monasterium aut (quis) praeest illi vel unde sunt qui commorantur ibi ?" Itaque sanctus pater diversis sermonibus interrogabat et numquam poterat ab illo unum responsum suscipere, sed tantum incredibili mansuetudine insinuabat. Statim ut agnovit sanctus pater illius loci decretum, fratres suos admonebat dicens : "Custodite ora a locutionibus ne pol-luantur isti fratres per nostram scurrilitatem"(84). His interdictis verbis ecce XI fratres occurerant obviam cum capsis et crucibus et hymnis, dicentes istud capitulum : "Surgite sancti de mansionibus vestris et proficiscimini obviam cum capsis (85) veritati. Locum sanctificate, plebem benedicite, et nos famulos vestros in pace custodire dignemini". Finito jam praedicto versiculo, pater monasterii osculatus est Sanctum Brendanum et suos socios per ordinem. Similiter et sui famuli osculabantur familiam sancti viri. Data pace vicissim, duxerunt illos in monasterium, sicut mos est in occidentalibus partibus fratres ducere per orationes. Post haec abba monasterii cum monachis ceperunt lavare pedes hospitum et cantare istam aritiphonam "Mandatum novum do vobis".
CHAPITRE XVIII
Selmer p. 31, 1. 42, Ch. 12/
His finitis cum magno silentio duxit illos ad refectorium et pulsato signo lavatisque manibus fecit omnes residere. Iterum pulsato secundo signo surrexit unus ex fratribus patris monasterii et cepit ministrare mensam panibus miri candoris et quibusdam radicibus incredibilis senoris(86). Sedebant autem mixti (fratres) cum hospitibus per ordinem.Et inter duos fratres semper panis integer ponebatur. Idem minister pulsato signo ministrabat potum fratribus. Abbas quoque hortabatur cum magna hilaritate fratribus dicens : "Ex hoc fonte quem hodie furtim bibere voluistis, ex eo modo facite caritatem cum jocundidate et timore Domini. Ex alio fonte turbido quem vidistis lavantur pedes fratrum cotidie, quia omni tempore calidus est. Panes vero quos modo videtis ubi preparantur ignotum nobis est aut quis portat ad nostrum cellarium. Sed tamen notum est nobis quod ex Dei magna elemosina(87) ministrantur servis suis par aliquam creaturam subjectam. Nos sumus hie XXIIII fratres. Omnie die nabemus XII panes. In festivitatibus et in dominicis diebus integros panes singulis fratribus addidit Deus ut cenam habeant ex fragmentis. Modo in adventu vestro dupplicem annonam habemus et ita donavit nobis Christus/a tempore sancti Patricii et sancti Albei, patris nostri usque modo post octoginta annos. Attamen senectus aut languor in membris nostris minime amplificatur. In hac insula nihil ad comedendum indigemus quod igni paratur. Neque frigus neque aestus superat nos unquam. Sed cum tempus missarum venit aut vigiliarum incenduntur luminaria in nostra ecclasia quae duxinus nobiscum de terra nostra, divina praedestinatione, et ardent usque ad diem, et non imminuitur ullum ex illis luminaribus"
CHAPITRE XIX
Selmer p. 32, 1. 70, Ch. 12/
Postquam autem biberunt.tribus vicibus, abbas solito more pulsavit signum et fratres unanimiter cum magno silentio et gravi labore levaverunt se (88) a mensa, antecedentes patres ad ecclesiam. Gradiebantur vero post illos sanctus Brendanus et praedictus pater monasterii. Cum ergo entrassent in ecclesiam, ecce alii XII fratres obviam illis, flectentes genua cum alacritate. Sanctus vero Brendanus cum illos vidisset, dixit :"Abba, cur isti nobiscum non manducaverunt ?" Cui ait : "Propter vos, quia non potuit nostra mensa nos omnes capere in unum. Modo reficientur et nihil illis deerit. Nos autem in ecclesiam et centemus vesperas ut fratres nostri qui modo reficientur possint ad tempus cantare post nos". Dum autem perfinissent debitum vespertinale, cepit Sanctus Brendanus considerare quomodo illa ecclesia erat aedificata. Erat enim quadrata quam longitudinis tam latitudinis et habebat septies tria luminaria tria vero ante altare quod erat in medio, et bina ente alia altaria. Erant autem altaria de cristallo quadrata facta et eorum vascula similiter ex cristallo, id est patenae et calices et urceoli et cetera vasa quae pertinebant ad cultum divinum et sedilia XXIIII per circuitum ecclesiae. Locus vero erat ubi abbas sedebat inter duos choros. Incipiebat enim ab illo una turma et in illum finiebat et alia turma similiter. Nullus ex utraque parte erat ausus inchoare verbum nisi praedictus abbas. Non in monasterio ulla vox aut ullus strepitus. Nihil ibi quisque praesumebat. Si aliquod opus necesse fuisset alicui fratri, ibat ante abbatem et genuflectebat coram illo postulans in corde suo quae fieri necesse fuerat. Statim sanctus pater accepta tabula et grafio per revalationem Dei scribebat et dabat fratri qui ab illo consilium postulabat. Cum autem Sanctus Brendanus haec omnia intra se consideraret, dixit ei abbas : "Pater, jam tempus est ut revertamur ad refectorium, ut omnia fiant cum luce". Et ita facerunt ad hunc modum in cena sicut ad prandii refectionem fecerant. Finitis omnibus secundum ordinem cursus diei, omnes cum magna alacritate festinabant ad completorium. At vero abbas inchoabat predictum versiculum, id est" Deus in adjutorium meum intende " et dabant simul honorem Trinitati : "Injuste egimus, iniquitatem fecimus. Tu qui pius es pater parce nobis Domine. In pace in id ipsum dormiam et requiescam, quoniam tu Domine singulariter in spe constituisti me". Post haec cantabant quod pertinet ad hanc horam. Jam consummato ordine psallendi, omnes egrediebantur foras fratres ad illorum singulas cellules, accipientes secum hospites. Abbas vero cum Sancto Brendano residebat in ecclesia expectantes adventum luminis. Interrogavit vero beatus Brendanus sanctum patrem de illorum silentio et de conversione, quomodo ita potuissent in humania carne. Tunc predictus pater cum immensa reverentia et humilitate respondit - "Abba coram christo meo fateor; octoginta anni sunt postquam venimus in hanc insulam. Nullam vocem audimus humanam excepto quando(89) cantamus Deo laudes. Inter nos XXIIII vox non excitatur nisi per signum digiti aut oculo rem tantum a majoribus natu. Nullus ex nobis sustinuit infirmitatem carnis aut spirituum qui vagantur circa humanum genus postquam veninus in istum locum". Sanctus Brendanus ait : " Licet nobis nunc hic esse annon ? " Qui ait : "Non licet quia non est Dei voluntas./ Cur me interrogas pater ? Nonne revelavit tibi Deus quae te oportet facere antequam hunc venisses ad nos ? Te enim oportet reverti ad locum tuum cum XIIII fratribus tuis. Ibi enim preparavit Deus locum sepultuae Duo vero qui supersunt, unus peregrinabitur in insula anachoritarum. Porro alter morte turpissima condemnabitur apud inferos. "Cum haec inter se loquerentur ecce illis videntibus sagitta ignea dimissa per fenestram incendit omnes lampades quae erant positae ante altaria. Confestimque, reversa est foras predicta sagitta. Tamen lumen pretiosum remansit in lampadibus. Iterum interrogavit beatus Brendanus : "A quo extinguentur(90) mane luminaria ?" Cui ait sanctus pater : "Veni et vide sacramentum hujusrei. Ecce tu vides candelas ardentes in medio vasculorum. Tamen nihil de eis exuritur ut minus sint aut decrescant neque remanebit mane ulla favilla quia spiritale lumen est" Sanctus Brendanus ait : "Quomodo potest in corporali creatura lumen incorporale corporaliter ardere ?" Respondit senex : "Nonne legisti rubum ardentem in monte Sinaï? Et tamen remansit ipse rubus illesus ab igne". Et vigilantibus totam noctem usque ad mane, Sanctus Brendanus petivit licentiam proficiscendi in suum iter. Cui ait senex : "Non pater. Tu debes nobiscum celebrare nativitatem Domini usque ad octabas Epiphaniae". Mansit igitur sanctus pater cum sua familia per predictum tempus cum XXIIII patribus in insulam quae vocatur insula familiae Albei. Transactis autem festivitatibus, accepta annona et benedictione sanctorum virorum beatus Brendanus cum suis sequacibus tetendit vela in oceanum naviculae suae quantocius et sive per navigium sive per vela ferebatur navis per diversa loca usque (in) initium Quadragesimae.
C H A P I T R E XX
Selmer p. 38, 1. 5, Ch. 13/
Quadam autem die viderunt insulam a regione non longe ab illis. Cum fratres illam vidissent ceperunt acriter navigare quia jam valde vexati erant fame et siti. Ante triduum enim deficit victus et potus. At vero cum sanctus pater benedixisset portum et omnes exissent de navi invenerunt fontem lucidissimum et herbas diversas ac radices in circuitu fontis diversaque genera piscium discurrentes (91) per alveum in mare. Sanctus vero Brendanus fratribus suis ait : "Deus dedit nobis hic consolationem post laborem. Accipite pisces quantum sufficit ad nostram cenam atque assate eos igni. Colligite herbas et radices quas Dominus servis suis preparavit". Et ita fecerunt. Cum autem effudissent aquam ad bibendum, dixit vir dei : "Fratres cavete ne supra modum utamini his aquis, ne gravius vexentur corpora vestra". At vero fratres inequaliter diffinitionem viri dei considerabant et alii singulos calices bibebant, alii binos ceteri vero ternos in quos irruit sopor trium dierum et noctium, in alios quoque duorum dierum in reliquos vero unius diei et noctis. At sanctus pater sine intermissione deprecabatur Dominum pro fratribus suis quod per ignorantiam contigerit illis tale periculum. Transactis his tribus diebus dixit fratribus suis sanctus pater : "Fratres fugiamus istam mortem ne deterius nobis contingat. Dominus enim dedit nobis pastum et vos fecistis inde detrimentum. Egredimini igitur foras de hac insula et accipite dispendia de istis piscibus atque preparate quantum necesse est per triduum usque in Cenam (92) Domini. Similiter de aqua singulos calices fratribus per singulos dies et ex radicibus equaliter".Onerantibus autem navim de omnibus quae (93) vir Dei preceperat, tetenderunt vela et ceperunt navigare in oceanum contra septentrionalem plagam. Porro post tres dies et noctes, cessavit ventus et cepit mare esse quasi coagulatum prae nimia tranquillitate (94). Sanctus pater dixit : "Mittite remiges in navin, et laxate vela. Ubicumque vult (F° 5.6) Deus enim gubernare illam, faciat". Ferebatur itaque navis per diversa loca oceani circiter per XX dies. Post haec igitur ventum Deus illis suscitavit prosperum ab occidente contra orientem. Tunc ceperunt simul tendere vela in altum et navigare. Reficiebant autem semper post triduum.
CHAPITRE XXI
Selmer p. 40, 1. 1, Ch. 15/
Quadam vero die apparuit illis insula a longe quasi nubes dixitque Sanctus Brendanus : "Filioli cognoscitis vos illam insulam ?" At illi dixerunt : "Minime". At ille ait : "Ego autem cognosco. Ipsa est enim illa insula in qua fuimus altero anno in Cena Domini ubi noster bonus procurator commoratur (95)". Tunc fratres ceperunt navigare acriter prae gaudio, quantum vires eorum poterant sustinere. Cum haec vidisset vir Dei dixit : "Nolite pueri stulte fatigare membra vestra. Nonne Deus omnipotens est gubernator et nautor nostrae naviculae ? Dimittite sibi quia ipse dirigit nostrum iter sicut vult". Cum autem appropinquassent ad litus praedictae insulae occurit illis obviam in navicula idem procurator et duxit illos ad portum ubi preterito anno descenderunt de (96) navi magnificans Deum et osculans pedes singulorum incipiens a sancto patre usque ad novissimum dicens (97) : "Mirabilis Deus in sanctis suis", usque "benedictus Deus". Finito jam versiculo et omnibus ablatis de navi extendit tentorium et preparavit balneum. Erat enim cena Domini et induit omnes fratres novis vestimentis et fecit illorum obsequium per triduum. Fratres quoque Passsionem Domini celebrantes cum magna diligentia usque in Sabbatum morabantur sanctum (98). Finitis ordinibus diei sabbati immolatisque victimis spiritalibus Deo atque cena consummata dixit idem procurator ad sanctum Brendanum (99) et ad illos qui cum eo erant : " Proficiscimini et ascendite navim ut celebretis sanctam dominicam noctem resurrectionis ubi celebrastis altero anno et diem similiter usque in,sextam horam.Postea navigate ad insulam quae vocatur paradisus avium ubi fuistis praeterito anno a Pasca usque ad octabas pentecosten et asportate vobiscum omnia quae necessaria sunt de cibo et potu (100). Ego vero visitabo vos die dominica altera ". Et ita fecerunt. Oneravit autem ipse navim panibus et potu ac carnibus et ceteris deliciis quantum poterant capere. Sanctus Brendanus data bemedictione ascendit in navim et ceperunt statim navigare ad aliam insulam. Cumque appropinquassent ad locum ubi ascendere debuissent de navi apparuit illis cacabus quem altero anno dimiserunt. Tunc Sanctus Brendanus ascendens de navi cum suis fratribus cepit cantare (h)ymnum trium puerorum usque in finem. Finito autem predicto (h)ymno vir dei admonebat suos fratres dicens: "O Filioli vigilate et orate ut non intretis in temptationem. Considerate quomodo Deus subjugat immanissimam bestiam subtus nos sine ullo impedimento". Fratres vero vigilabant sparsim per illam insulam ad vigilias matutinas. Postea omnes sacerdotes singulas missas Deo offerebant usque ad tertiam horam. Tunc Sanctus Brendanus immolavit agnum immaculatum Deo et dicabat fratribus : "In altero anno hic celebravi resurrexionem Domini. Similiter ita volo et hoc anno". Ac inde profecti sunt ad insulam avium. Appropinquantibus autem ad portum destinatum ipsius insulae omnes aves cantabant quasi une voce dicentes : "Salus Deo nostro sedenti super thronum et agno". Et iterum "Dominus Deus illuxit nobis. Constituite diem solem in condensis usque ad cornu altaris". Tam vocibus quam alis resonabant diu quasi dimidium horae usque dum sanctus pater cum sua sancta familia et omnibus quae erant in navi egressus fuisset et resedisset in tentorio suo. Cumque ibi cum suis famulis celabrasset festa Paschalia praedictus jam procurator venit ad illos sicut praedixerat in die dominica in octabas Paschae portans secum omnia alimonia quae ad usum vitae humanae pertinent.
Cum autem resedissent ad mensam ecce predicta avis resedit (101) in prora naviculae extensis alis strepitum faciens sicut sonitum organi magni. Agnovit igitur sanctus quia volebat ei aliquid indicare. Ait namque eadem avis "Deus omnipotens et clemens praedestinavit vobis IIII loca per IIII tempora dum finiantur VII anni peregrinationis vestrae id est cenam Domini cum vestro procuratore qui praesens est omni anno. In dorso beluae Pascha celebrabitis; nobiscum festa paschalia usque in octabas Pentecosten. Apud familiam Albei nativitatem Domini celebrabitis. Post VII Vero annos antecedenbibus magnis ac diversis periclitationibus invenietis terram Repromissionis sanctorum quam quaeritis et ibi habitabitis XL diebus et postea reducet vos Deus ad terram nativitatis vestrae". Sanctus pater ut audivit prostravit se ad terram coram fratribus suis referens gratias et laudes suo salvatori.
CHAPITRE XXII
Selmer p. 44, 1. 70, Ch. 15/
Cum haec perfinisset venerabilis senex avis reversa est in locum suum. Porro praedictus procurator finita refectione dixit : "Deo adjuvante revertar ad vos in die adventus sancti spiritus super apostolos cum dispendiis vestris". Accepta benedictione sancti patris et omnium qui cum eo erant reversus est in locum suum. Porro venerabilis pater mansit ibidem praedictos dies. Consummatis itaque diebus festis Sanctus Brendanus fratribus suis praecepit preparare navigium et implere vascula de fonte. Ducta jam navis ad mare ecce praedictus socius cum navi onerata escis ad fratres venit. Cum haec posuisset in naviculam sancti viri osculatis omnibus (102) reversus est unde venerat. Venerabilis autem pater cum suis sodalibus navigavit in océanum et ferebatur per XL dies navis.
CHAPITRE XXIII
Selmer p. 45, 1.2, Ch. l6/
Quadam vero die apparuit illis bestia immensae magnitudinis post illos a longe quae jactabat de naribus spumas et sulcabat undas velocissime cursu quasi ad illos devorandos. Cum hoc fratres vidissent ad Dominum clamabant dicentes : "Libera nos Domine ne nos devoret ista belua". Sanctus vero Brendanus confortabat illos dicens : "Nolite expavescere minime fidei Deus qui est semper noster defensor ipse nos liberabit de ore istius bestiae et de ceteris periculis". At vero cum appropinquasset illis antecedebant undae mirae altitudinis usque ad navim. Quare fratres magis ac magis timebant. Venerabilis quoque senex extensis manibus in caelum dixit : "Domine libera servos tuos sicut liberasti David de manu Goliae gigantis; Domine libera nos sicut liberasti Danielem de lacu leonum; Domine libera nos sicut liberasti Jonam de ventre ceti magni". His finitis tribus versibus ecce ingens belua ab occidente juxta illos transibat obviam alterius bestiae. Quae statim inivit bellum contra illam ita ut ignem emisisset ex ore suo. At vero senex fratribus suis ait : " Videte filioli magnalia Redemptoris nostri (103). Videte obedientiam bestiarum creatori suo. Tantum modo expectate finem rei. Nihil enim ingerit nobis haec pugna mali sed pro gloria Dei reputabitur ". His dictis misera belua quae persequebatur famulos Christi interfecta est in tres partes coram illis et altera post victoriam unde venerat redibat. Altera vero die viderunt insulam procul arbustam valde et speciosam (104). Appropinquantibus autem eis ad illius litus atque ascendentibus (F° R7) de navi viderunt posteriorem partem illius beluae quae erat interfecta. Ait Sanctus Brendanus :"Ecce quae voluit nos devorare. Ipsam devorabitis quia nos expectabimus multum tempus in hac insula. Levate ergo naviculam vestram altius in terram et quaerite locum in ista insula ubi tentorium vestrum possit stare". Ipse sanctus pater predestinavit locum illis ad habitandum. Cum autem fecissent secundum preceptum viri Dei ac misissent(105) omnia utensilia in tentorium dixit Sanctus Brendanus fratribus suis : "Accipite dispendia vestra de ista belua ut sufficiat nobis per tres menses. Hac enim nocte illud cadaver devoratum erit (106) a bestiis". Illi vero usque ad vesperas asportabant carnes quantum eis opus erat secundum mandatum sancti patris. At vero fratres cum haec omnia perfecissent dixerunt : "Abba quomodo possumus hic vivere sine aqua ?" Quibus ipse ait : "Numquid difficilius est Deo vobis tribuere aquam quam victum ? Ite igitur contra meridianam plagam insulae istius et invenietis fontem lucidissimum et herbes multas ac radices et inde mihi dispendia sumite secundum mensuram". Et invenerunt omnia sicut vir Dei predestinavit. Mansit ergo ibi Sanctus Brendanus tres menses quia erat tempestas in mari et ventus fortissimus et inequalitas aeris de pluvia et grandine. Fratres vero ibant videre de illa belua(107 ). Cum autem venissent ad locum ubi cadaver erat antea nihil invenerunt nisi tantum ossa. Reversique sunt confestim ad virum Dei dicentes : "Abba sicut dixisti ita est". Quibus ille ait : "Scio filioli quia voluistis me probare si verum dixissem annon. Aliud signum dicam vobis.(Portio cuiusdam piscis hac nocte venit illuc, et cras reficiemini inde)(108). Sequenti vero die exierunt fratres ad locu et invenarunt sicut vir Dei praedixerat. Et attulerant quantum poterant portare. Ait autem illis venerabilis pater : "Istud vero diligenter observate conditum inde habebitis necessitatem. Faciet enim Dominus serenum tempus hodie et cras et post cras et cessabit impetus maris ac fluctuum. Postea proficiscemini de loco isto".
CHAPITRE XXIV
Selmer p. 48, l. 58, Ch. 16/
Transactis autem diebus praedictis precepit Sanctus Brendanus suis fratribus onerare navim et utres implere atque alia vascula herbes ac radices ad suum opus colligere quia praedictus pater postquam fuit sacerdos nihil gustavit in qua spiritus vitae esset de carne. Oneratisque omnibus in navim velisque extensis.profecti sunt contra septentrionalem plagam. Quadam vero die videntes(l09) insulam longe ab illis dixit illis Sanctus Brendanus : "Videtis illam insulam ?" Aiunt illi : "Videmus". Dixitque illis: "Tres populi sunt in illa insula unus puerorum et alius juvenum tertius vero seniorum. Porro unus ex fratribus nostri illic peregrinabitur". Fratres autem interrogabant quisnam esset ex eis. Cum autem perseverassent in illa sententia, et videsset illos tristes ait : " Iste est ille frater qui permahsurus est ibi " Fuit autem praedictus frater unus ex tribus fratribus qui subsecuti sunt sanctum Brendanum de isto monasterio. De quibus praedixerat fratribus antea quando ascenderunt navim in patria sua. Appropinquabant ergo fratres ad praedictam insulam usque dum navis stetit in litore. Erat autem illa insula mirae planitiae in tantum ut illis videretur equalis mari sine arboribus aut aliquo quod a vento moveretur .Valde enim erat speciosa cooperta scaltis (110) albis et purpureis. Ibique viderunt tren turmas sicut vir Dei praedixerat. Nam inter turmam et turmam spacium erat quasi jactus lapidis de funda et semper ibant huc atque illuc et una turma cantabat stando in uno loco dicens "Ibunt sancti de virtute in virtutem et videbunt Deum Deorum in Sion". Dum una turma perfiniebat illum versiculum altera turma stabat et incipiebat cantare carmen praedictum et ita faciebant sine cessacione.(Verso 7)/Erat autem prima turma puerorum in vestibus candidissimis et secunda in jacinctinis et tertia turma in purpureis dalmaticis. Erat autem hora quarta quando tenuerunt portum insulae. Cum autem VI venisset ceperunt cantare turmae simul dicentes(111) : "Deus misereatur nostri" usque in finem et "Deus in adjutorium meum intende". Similiter et tercium psalmum "Credidi" et orationem ut supra. Similiter ad horam nonam alios tres psalmos : "De profundis" "Ecce quam bonum" et "lauda Jerusalem Dominum". Et cantabant ad vesperas "Te decet hymnus" "Benedic anima . Et tertium psalmum : "Laudate pueri Dominum". Et quindecim graduum cantabant sedendo. Cum autem perfinissent illum cantum statim obumbravit insulam nubes mirae claritatis (112) sed non poterant videre quae antea viderant prae spissitudine nubis. At tamen audiebant voces canentium praedictum carmen sine intermissione usque ad vigilias matutinas, Tune ceperunt turmae cantare dicentes : "Laudate Dominum de caelis""Cantate Domino novum"(cantum); "Laudate Dominum in sanctis ejus". Post haec cantabant XII psalmos per ordinem psalterii. At vero dum dies illuscesceret discooperta est (113) insula de nube et confestim cantabant VI psalmos . "Miserere mei Deus" "Deus Deus meus ad te" Et "Domine refugium" " Omnes gentes " "Deus in nomine tuo" "Dilexi quoniam" sub Alleluia. Deinde immolabant agnum immaculatum et omnes ad communionem veniebant dicentes : "Hoc sacrum corpus Domini et salvatoris sanguinem sumite vobis in vitam aeternam ". Itaque finita immolatione duo ex turma juvenum portabant cophinum plenum de scaltis purpureis et miserunt (114) in navim dicentes : "Sumite de fructu insulae virorum fortium (115) et reddite nobis fratrem nostrum ac proficiscimini in pace. " Tunc Sanctus Brendanus vocavit praedictum fratrem ad se et ait : "Osculare fratres tuos et vade cum illis qui te invocant. Bona hora concepit te mater tua quia meruisti habitare cum tali congregatione". Osculatisque omnibus (116) et sancto patre ait illi Sanctus Brendanus : "Fili recordare quanta benaficia proposuit tibi Deus in hoc seculo. Vade et ora pro nobis". Protinus secutus est duos juvenes ad eorum scolam. Venerabilis pater cum suis sodalibus cepit navigare. Cum autem hora nona venisset precepit suis fratribus reficere corpora de scaltis insulae virorum fortium. Cum haec dixisset vir dei accapit unam de illis. Ut autem vidit magnitudinem ejus et illam plenam esse succo admiratus est et ait : "Nunquam vidi nec legi de scaltis tantae magnitudinis". Erant enim equalis staturae in modum pilae magnae. Tunc cepit vir Dei vasculum sibi afferri expressitque unam ex illis et attulit de suo succo unam libram quam sanctus pater dividens in duodecim uncias dedit unicuique singulam unciam. Ita per XII dies fratres reficiebantur de singulis scaltis tenentes semper in ore saporem mellis.
CHAPITRE XXV
Selmer p. 53, 1. 1, Ch. 18/
Finitis jam aliquantis diebus sanctus pater precepit triduanum jejunium. Porro transacto triduo ecce una avis grandissima volabat a regione navis tene(n)s (117) ramum cujusdam arboris ignotae habentem in summo bhotrum magnum mirae rubicunditatis. Quem ramum misit de (118) ore suo in sinum sancti viri. Tunc Sanctus Brendanus vocavit fratres suos ad se et ait : " Videte et sumite prandium quod Deus misit nobis. " Erant enim uvae illius sicut poma. Quas divisit vir Dei par singulas uvas et habebant victum usque ad XII dies . Iterum vir Dei cepit predictum jejunium cum (Recto 8) fratribus suis./Tertia namque die viderunt insulam non longe ab illis totam coopertam arboribus densissimis habentibus (119) fructum in mensura praedictarum uvarum incredibili fertilitate ita ut omnes arbores incurvatae fuissent ad terram unius fructus uniusque coloris (120). Nulla erat sterilis arbor nullaque erat alterius generis in eadem insula. Tunc fratres tenuerunt portum. Vir Dei vero ascendit de navi et cepit circuire illam insulam. Erat odor illius sicut odor domus plena malis punicis (121). Fratres adhuc expectabant in navi donec vir Dei ad eos rediret. Interim flabat illis ventus odorem suavissimum ita ut ad odorem (122) illius aorum conarentur animi. At venarabilis pater invenit sex fontes irriguos herbis virentibus ac diversis radicibus. Post haec reversus ad fratres suos portans secum_de primitiis insulae dixit illis : "Ascendite de navi et fingite tentorium et confortamini de fructibus terrae istius quos Dominus ostendit nobis"'. Ita per XL dies reficiebantur de uvis et herbis seu radicibus fontium.
CHAPITRE XXVI
Selmer p. 55, 1. 24, Ch. 18/
Beatus vero Brendanus atque sui dilecti post predictum tempus ascenderunt navim portantes secum de fructibus quantum poterat naevis (eorum) portare. Ascendentibus illos porro tendebatur velum in classi quo ventus direxisset(l23)(Et) cum navigassent apparuit illis avis quae vocatur griffa a longe volans obviam illis. Cum haec vidissent fratres dicebant ad Sanctum Brendanum (124) : "Ad devorandum nos venit illa avis". quibus ait : "Nolite timere. Deus noster adjutor est qui nos defendet etiam hac vice". Illa extendebat ungulas ad servos Dei capiendos. Ecce subito avis quae illis altera vice portavit (125) ramum cum fructibus venit obviam griffae rapidissimo volatu quam statim voluit devorare illa. At vero defendebat se usque dum superasset ac abstulisset oculos griffae praedicta avis. Porro griffa volabat in altum ut vix fratres potuissent illam videre. At tamen interfectrix non dimissit illam donec eam interemisset. Nam cadaver ejus coram fratribus juxta navim cecidit in mare. Altera vero avis reversa est in locum suum. Sanctus vero Brendanus cum suis nautis non post multos dies viderunt insulam predictae familiae Albei. Ibique Natalem celebravit Domini cum suis fratribus. His perfinitis diebus festis venerabilis pater accepta benedictione abbatis et famulorum suorum circuibat (126) oceanum per multum tempus nisi in predictis festivitatibus id est Paschae et Natalis Domini. Nam in illis habebat requiem in praedictis locis.
CHAPITRE XXVII
Selmer p. 56.1.1, Ch.21/
Quodam vero tempore cum Sanctus Brendanus celebrasset sancti Petri Apostoli festivitatem in sua navi invenerunt clarum mare ita ut possent videre quidquid subtus erat. Cum autem aspexissent intus viderunt diversa genera bestiarum jacentia super arenam. Videbatur quoque illis quod potuissent manu tangere illas prae nimia claritate (127) illius maris. Erant enim sicut jacentes greges in pascuis. Et prae multitudine tales videbantur sicut civitas in girum applicantes capita ad posteriora jacendo. Rogabant vero fratres venerabilem patrem ut celebraret cum silentio suam missam ne bestiae audissent ac levassent se ad persequendos eos. Sanctus pater subrisit atque dicebat illis : "Miror valde vestram stultitiam. Cur timetis istas bestias et non timuistis omnium bestiarum maris devoratorem et magistrum sedentes atque psallentes multis vicibus in dorso ejus ? Immo et silvam scindistis (128) carnemque coxistis . Ergo cur timetis istas ? Nonne Deus omnium bestiarum est Dominus noster Jhesus Christus qui potest humiliare omnie animancia ?" Cum haec dixisset cepit cantare/in quantum potuit altius.(V.8) Ceteri namque ex fratribus aspiciebant (129) semper bestias. Cum autem audissent bestiae vocem canentis levaverunt se a terra et natabant in circuitu navis ita ut non potuissent fratres ultra videre in omni parte prae multitudine diversarum natantium. Tamen non appropinquabant naviculae se(d)(130) longe lateque natabaht et ita huc atque illuc donec vir Dei finisset missam se retinebant. Post haec quasi fugiendo omnes bestiae per diversas semitas oceani a facie servi Dei natabant. Sanctus vero Brendanus per octo dies prospero vento et velis extensis vix potuit mare clarum transmeare.
CHAPITRE XXVIII
Selmer p. 58, 1. 1, Ch. 22/
Quadam vero die cum celebrassent missas apparuit illis columna in mare et non longe ab illis vidébatur sed tamen non poterant ante tres dies appropinquare. Cum autem appropinquasset vir Dei aspiciebat summitatem illius tamen minime videre potuit prae altitudine illius. Namque altior erat aere. Porro cooperta fuit ex raro conopeo qui in tantum rarus erat ut navis posset transire par foramina illius. Ignorabant autem de (131) qua creatura factus esset ipse conopeus. Habebat enim colorem argenti sed tamen durior illius videbatur quam marmor. Columna vero erat de cristallo clarissima. Tunc dixit Sanctus Brendanus fratribus suis : "Mittite remiges intus in navim et arborem atque vela et alii tenebunt (132) ex vobis interim fibulas conopei". Spatium namque magnum tenebat in omnem partem predictus sagus a columna quasi unius milarii et ita extendebatur in profundum. Cum haec fecissent ait ad (133) illos vir Dei : "Mittite(134) navim intus per aliquod foramen ut videamus diligenter magnalia creatoris nostri". Cum autem intus intrasset huc atque illuc mare apparuit illis vitreum prae claritate ita ut omnia quae subtus erant possent videre. Nam bases columnae poterant considerare et summittatem chonopei similiter jacentem in terra. Lux solis non minor erat intus quam foris. Tunc Sanctus Brendanus mensurabat foramen unum in quatuor per chonopeos (135) quatuor cubitis in omnem (partem).
CHAPITRE XXIX
Selmer p. 60, l.16, Ch.22/
Igitur navigabant per totum diem juxta latus unum illius columnae et per umbram solis calorem poterant sentira ultra. Ita usque horam nonam. Ipse vir dei semper mensurabat latus unum mille quadringentis cubitis. Mensura una per quatuor latera illius columnae erat. Sic et per quatriduanum operabatur venerabilis pater inter quatuor angulos pradictae turris. Quatuor autem die invenerunt calicem de genere conopei et patenam de colore columnae erat jacentem in quadam fenestra in latere columnae contre austrum. Quae statim vascula Sanctus Brendanus appréhendit dicens : "Dominus noster Jhésus Christus ostendit hoc miraculum et(136) ut ostendatur multis ad credendum mihique dedit ista bina munera". Statim precepit vir Dei fratribus divinum officium peragere et postea corpora reficere quia nullum taedium habebat de cibo sumere aut potu postquam viderent (137) illam columnam.
CHAP1TRE XXX
Selmer p. 61, 1. 37, Ch. L2/
Transacta vero illa nocte ceperunt fratres navigare contra septentrionalem plagam. Cum autem transissent quoddam foramen posuerunt arborem et vela in altum et alii tenebant ex fratribus fibulas chonopei quo usque omnia preparassent in navi. Extensis omnibus cepit prosper ventus post illos flare ita ut nihil illis opus (fuisset) navigare nisi tantum tenere funiculos et gubernaculum.
CHAPITRE XXXI
Selmer p. 61, 1. 42, Ch. 22/ R° 9
Sic ferebantur per octo dies. Jam autem viderunt insulam non longe ab illis valde rostam et saxosam atque scoriosam sine arboribus et herbis plenam officinis fabrorum. Venarabis pater ait fratribus suis : "Videte fratres; angustia est mihi de hac insula quia nolo in illam ire aut etiam sibi (138) appropinquare. Sed ventus illuc subtrahit nos recto cursu". Ergo illis praetereuntibus parumper quantum jactus est lapidis audierunt sonitum follium sufflantium quasi tonitruum atque malleorum collisiones. His auditis venarabilis pater armavit se dominico tropheo in quattuor partes dicens : "Domine Jhesu Christe libera nos de hac insula". Finito autem sermone viri Domini ecce unus ex habitatoribus ejusdem insulae egressus est foras quasi ad aliquod opus peragendum et erat ille hispidus valde et ingens atque tenebrosus. Cum vero vidisset famulos Christi transire juxta illam insulam reversus est in suam officinam. Vir Dei iterum se armavit et ait fratribus : "Filioli tendite vela in altum et simul navigate quantotius atque fugiamus istam insulam". Citius dicto ecce predictus barbarus occurrit ad litus illis e regione portans forcipem in manibus cum massa ignea de scoreo immensae magnitudinis atque fervoris. Qui statim super famulos Christi jactavit predictam massam. Sed illis non nocuit. Transivit enim illos quasi spatium unius stadii ultra. Nam ubi cecidit in mare cepit fervere quasi ruina (139) montis ignei fuisset ibi et ascendebat fumus de mari sicut de clibano ignis. At vero vir Dei cum transisset quasi unius miliarii ultra locum ubi cecidit massa omnes qui illa insula erant occurrerunt ad litus portantes singuli singulas massas. Alii jactabant post famulos Christi massa in mare alter super alterum jactabat suam massam semper revertentes in illorum officinas et incenderunt eas et simul apparuit quasi tota arderet illa insula sicut unus clibanus et mare estuabat sicut cacabus plenus carnibus plenus estuans quando ministratur ab igne et audiebant , par totum diem ingentem ululatum ab illa insula et etiam quando non poterant illam videre et ad aures eorum attingebat ad huc ululatus habitantium in illa atque ad nares ingens fetor. Tunc sanctus pater suos monachos confortabat dicens: "O milites Christi robaramini in fide non ficta et in armis spiritalibus quia sumus in confinibus infernorum; propter ea vigilate et agite viriliter". Altera vero die apparuit illis mons altus in oceano contra plagam septemtrionalem non longe quasi par tenues nubilas. Sed valde fumosus erat in summitate et statim rapidissimo cursu ventus traxit illas litus insulae ejusdam usque dum navis resedit non longe a terra. Erat namque ripa illius tantae altitudinis ut summitatem ejus vix potuissent videre; et coloris carbonis et mirae magnitudinisrectitudinis sicut murus. Unusquidam qui remansit ex tribus fratribus qui secuti sunt Sanctum Brendahum ( ) de sua monasterio in exilium foras de navi cepit ambulare usque ad fundamentum ripae cepitque clamare dicens : "Vae mihi perdor a vobis et non habeo potestatem venire ad vos." Fratres confestim navim retro a terra ducebant et clamaverunt dicentes : "Miserere nobis Domine miserere nobis". At vero venerabilis pater cum suis sociis aspiciebant(140) quomodo ducebatur infelix ille a multitudine demonum ad tormenta et quomodo incendebatur inter illos atque dicebat : "Vae tibi fili quia repperisti in vita tua meriti (141) talem finem". Iterum arripuit illos ( ) prosper ventus ad australem plagam.(Verso 9)/Cum autem aspexissent a longe retro insulam viderunt montem discoopertum a fumo et a se spumantem flammas usque ad aethera et iterum ad se easdem flammas respirantem ita ut totus mons usque in mare unus rognus apparuisset.
CHAPITRE XXXII
Selmer p. 65, 1. 1, Ch. 25/
Igitur Sanctus Brendanus cum navigasset contra meridiem apparuit illis in mare quadam formula quasi hominis sedentis supra petram et velum ante illum a longe quasi mensura unius sagi pendens inter duas furcellas ferreas et sic agitabatur fluctibus sicut navicula solet quando periclitatur a turbine. Alii ex fratribus dicebant quod avis esset alii navim putabant. Vir Dei cum audisset eos inter eos conferentes talia ait : "Sinite contendere; dirigite cursum navis usque ad locum illum". Cum vero vir Dei illuc appropinquasset restiterunt inde in circuitu quasi coagulati. Et invenerunt hominem sedentem supra petram hispidum ac deformem et undae ex omni parte quando defluebant ad illum percutiebant.eum usque ad verticem et quando nudebant apparabat illa petra nuda in qua sedebat infelix ille. Pannus quoque qui ante illum pendebat aliquando percutiebat eum per oculos (142) et frontem. Beatus Brendanus cepit interrogare illum quis esset aut pro qua culpa missus esset ibi seu quid habuisset talem penitentiam sustinere. Cui ait : "Ego sum infelicissimus Judas atque negociator pessimus; non pro meo merito habeo istum locum sed pro misericortia ineffabili Jhesu Christi. Non mihi computatur penalis iste locus sed pro indulgentia redemptoris propter honorem dominicae resurrectionis". Nam dies dominicus erat tunc." Mihi enim videtur quando sedeo hic quasi fuissem in paradiso delitiarum propter timorem tormentorum quae futura sunt mihi in hac vespera. Nam ardeo sicut massa plumbi liquefacta in olla die ac nocte in medio montis quem vidistis. Ibi est Leviathan cum suis satellibus. Ibi fui quando deglutivit fratrem vestrum et ideo erat infernus laetus ut emissiset foras flammas ingentes et sic facit semper quando animas impiorum devorat. Meum vero refrigerium habeo hic omni die dominico a vespera usque ad vesperam et in Nativitate Domini usque (in) Theophaniam et a Pascha usque in Pentecostem et in purificatione Dei genetricis atque Assumptione. Postea et antea crucior in profundum inferni cum Herode et Pilato et Anna et Caïpha. Idcirco adjuro vos per Redemptorem mundi intercedere dignemini ad Dominum Jhesum Christum ut habeam hic potestatem esse usque ad ortum solis cras ne (me) daemones in adventu vestro crucient atque ducant ad malam hereditatem quam comparavi malo precio". Cui Sanctus Brendanus ait : "Fiat voluntas Domini. Hac nocte non eris morsus(143) daemonum usque mane". Iterum vir Dei interrogabat illum dicens :" Quid sibi vult iste pannus ? " Cui ait : "Istum pannum dedi cuidam leproso quando fui camerarius (144) Domini. Sed tamen non fuit meus quem dedi. Nam Domini et fratrum suorum erat. Ideoque ab illo non habeo ullum refrigerium sed magis impedimentum. Nam furcas ferreas in quibus pannus pendet illas (145) dedi sacerdotibus templi ad cacabos sustinendos. Petram in qua sedeo illam misi in fossam in publica via sub pedibus transeuntium antequam fuissem discipulus Domini". Cum autem vespera hora obumbrasset Téthin ecce innumerabilis multitudo daemonum cooperuit faciem Tethidis (146) in circuitu vociferantium atque dicentium(147) : "Recede vir Dei a nobis quia non possumus appropinquare ad socium nostrum usque dum ab illo recedas. Nec faciem principis nostri ausi sumus videre donec sibi reddamus suum amicum. Tu vero abstulisti nobis nostrum cursum . Noli istum hac nocte defendere"./Quibus ait vir Dei : "Non ego defendo sed Dominus Jhesus Christus concessit sibi istam noctem hic esse usque mane". Cui aiunt daemones : "Quomodo invocas nomem Dei super illum cum sit ipse traditor Domini ?" Quibus ait vir Dei : "Precipio vobis in nomine Domini nostri Jhesu Christi ut nihil sibi mali faciatis (148) usque mane". Transacta itaque nocte illa cum Dei cepisset iter agere ecce infinita multitudo daemonum cooperuit faciem abyssi (149) emitientes (150) diras voces atque dicentes : "O vir Dei maledictus ingressus tuus atque exitus tuus quia princeps noster hac nocte flagellavit nos verberibus pessimis propter quod non presentavimus maladictum sibi (148)captivum". Quibus ait vir Dei :"Non nobis pertinet vestra maledictio sed vobismet ipsis. Cui autem maledicitis ille est benedictus et cui benedicitis ille est maledictus". Cui daemones responderunt : "Duplices penas sustinebit in istis sex diebus infelix Judas propter quod illum defendistis in ista praeterita nocte". Quibus venerabilis pater dixit "non habetis potestatem inde neque princeps vester sed potestas Dei erit". Iterum subjunxit : "Precipio uobis in nomine Domini nostri Jhesus Christi et principi vestro ne istum extollatis amplius cruciatibus quam antea". Cui responderunt : "Numquid Dominus es omnium ut tuis sermonibus obediamus ?" Quibus ait vir Dei : "Servus suus sum et quicquid in suo nomine precipiam (jude fiet) (151).Habeo ministerium de quibus ille mihi concedit". Et ita secuti sunt eum usque dum non poterant Judam videre. Reversi autem daemones levaverunt infelicem animam inter illos cum magno impetu et ululatu.
CHAPITRE XXXIII
Selmer p. 70. 1. 1. Ch. 26/
Sanctus vero Brendanus cum suis commilitonibus navigavit contra meridianam plagam glorificans Dominum in omnibus. Tertia vero die apparuit illis quaedam insula parva contra meridiem procul. Cum autem cepissent navigare acrius et appropinquassent praedictae insulae ait illis Sanctus Brendanus : "Viri fratres nolite corpora fatigare. Satis enim habetis laborem. Septem jam anni sunt postquam egressi sumus de nostra patria usque in hoc pascha quod venturum erit (152) cito. Namque modo videbitis Paulum heremitam spiritualem in hac insula sine ullo victu corporali commorantem per LX (153) annos. Nam XXX°( (triginta) annos antea sumpsit cibum a quadam bestia ". Cum autem appropinquassent ad litus minime poterant aditum invenire prae altitudine ripae illius. Erat autem parva nimis et rotunda illa insula quasi unius stadii. De terra vero nichil(154) habuit de super sed petra nuda in modum silicis apparuit. Quantum latitudinis et longitudinis tantum erat et altitudinis. Cum autem circuissent navigando illam insulam invenerunt portum strictum ita ut proram naviculae vix capere potuissent et ascensum difficillimum ad ascendendum, Tunc Sanctus Brendanus dixit fratribus suis : "Expectate hic donec revertamur ad vos. Non licet enim vobis transire sine viri Dei licentia qui commoratur in hoc loco". Cum autem venerabilis pater pervenisset ad summitatem illius insulae vidit duas speluncas hostium contra hostium (4) in latere insulae contra ortum solis habentes fontem parvissimum rotundum in modum patulae surgentem de petra de quo sumebat vir Dei. Sanctus vero Brendanus cum appropinquasset ad hostium speluncae unius de altera egressus est senex foras obviam sibi dicens : "Ecce quam bonum et quam jocundum habitare fratres in unum". Cum haec dixisset precepit Sancto Brendano ut omnes fratres suos jussisset venire de navi. Osculantibus autem(V.10)/se invicem ac residentibus propriis nominibus singulos appellabat. At ubi audierunt fratres (admirati) sunt valde non solum de sua prophetia verum etiam de suo habitu.Erat autem coopertus totus capillis suis et barba et ceteris pilis usque ad pedes et erant candidi sicut nix prae nimia senectute. Tantum facies et oculi videbantur illius. Nihil aliud erat sibi indutum exceptis pilis qui egrediebantur de suo corpore.
CHAPITRE XXXIV
Selmer p. 72, l.- 38, Ch. 26/
At vero Sanctus Brendanus cum haec vidisset constritatus est intra se dicens : "Vae mihi quia porto habitum monachi et sub me constituti sunt multi sub nomine illius ordinis cum videamus in angelico statu hominem in carne adhuc sedentem illaesum a viciis corporis". Cui ait vir Dei : "O venerabilis pater quanta et qualia mirabilia ostendit tibi Deus quae nulli sanctorum patrum manifestavit. Et tu dicis in corde tuo non esse te dignum monachi portare habitum cum sis major quam monachus. Monachus namque labore manuum suarum utitur et vestitur. Deus autem de suis secretis per VII annos pascit te tum tua familia. Ego vero miser sedeo sicut avis in ista petra nudus exceptis pilis meis". Tunc Sanctus Brendanus interrogabat illum de suo adventu aut unde esset aut quanto tempore (156) sustinuisset ibi talem vitam. Cui ille respondit:"Fui nutritus in monasterio sancti Patricii per quinquaginta annos(157) et custodiebam cimiterium fratrum. Quadam vero die cum locum sepulturae designasset mihi meus decanus ut ibi quemdam defunctum sepelissem apparuit mihi quidam senex qui dixit mihi : "Noli frater fossam ibi facere quia alterius est". Cui dixi : "Pater quis es tu ?" At ille respondit :"Cur me non cognoscitis ? Nonne vester abbas sum ? "Cui dixi : "Sanctus Patricius fuit meus abbas". At ille respondit : "Ego sum. Ego enim heri migravi de sasculo. Ipse vero est locus meae sepulturae. Hic facies sepulchrum fratris nostris et nulli dicas quid ego dixi tibi. Cras autem proficiscere ad litus maris et invenies navim ibi in quam intrabis quae te ducet ad locum ubi expectabis diem mortis tuae". Mane vero secundum praeceptum sancti patris veni ad predictum litus et inveni naviculam sicut praedixit ipse mihi. Cum autem ascendissem in naviculam cepi navigare per tres dies et tres noctes. Quibus transactis dimisi navim ubicumque ventus voluisset illam jactare. Porro septimo die apparuit ista petra in quam statim intravi dimissa navicula atque percussa pede meo ut iret unde venerat. Confestim vidi illam cursu velocissimo sulcatam undas per aequora ut rediret in patriam suam. Ego vero mansi hic. Circa horam nonam luter portavit mihi prandium de mari id est piscem unum in ore suo et fasciculum de sarmentis ad focum faciendum inter suos anteriores pedes ambulans super duobus posterioribus. Cum autem posuisset ante me piscem et crementa reversus est unde venerat . Ego vero accepto ferro silicem percussi fecique ignem de sarmentis(R.11)/et paravi mihi cibos de illo pisce. Ita per XXX° annos semper tertia die idem minister easdem escas (id est) unum piscem attulit ad tres dies. Tertiam partem piscis manducavi omni die et nihil erat sitis gratia. Sed in die dominico egrediebatur foras pauxillum aquae de ista petra et habebam unde potuissem sumere potum et vasculum meum implere ad opus manuum. Post quoque XXX° annos inveni istas duas speluncas et istum fontem. Ab ipso vivo et postea vixi per(LX) annos sine nutrimento alterius cibi nisi de hoc fonte. Nonagenarius enim sum in ista insula tringinta annos in victu piscium et sexaginta annos in pastu istius fontis. L annos fui in patria mea. Omnes anni vitae meae CXL sunt. Et hic debeo modo sicut fuit mihi promissum expectare diem judicii in ista carne. Pergite igitur ad patriam vestram et vobiscum asportate vascula plena de(158) isto fonte. Necesse enim erit vobis quia adhuc restat iter vestrum per XL dies (id est) usque in sabbatum Paschae. Celebrabitis vero Sabbatum Sanctum Paschae ubi celebrastis per sex annos et postea accepta benedictione procuratoris vestri proficiscemini ad terram repromissionis sanctorum et ibi manebitis XL dies et post haec Deus patrum vestrorum ducet vos sanos atque incolumes in terram nativitatis vestrae".
CHAPITRE XXXV
Selmer p. 76, 1. 1, Ch.27/
Igitur Sanctus Brendanus cum suis fratribus accepta viri Dei benedictione ceperunt navigare contra meridiem per totum XL (quadragesime) tempus et ferebatur huc atque illuc illorum navicula et erat illis tantum cibus aqua quam acceperunt ab insula viri Dei per triduum reficiendo sine ulla esurie et siti permanentes laeti omnes (159). Tunc sicut praedixerat vir Dei venerunt ad insulam procuratoris in Sabbato Sancto. Ut pervenerunt ad portum occurit illis obviam cum gaudio magno omnesque de navi levavit propriis brachiis. Peracto divino officio diei sancti apposuit coram eis cenam. Facto, jam vespere ascenderunt naviculam et idem vir cum illis. Cum autem navigassent invenerunt statim beluam in solito loco et ibi laudes Deo cantaverunt tota nocte et missas mane. Finita jam missa cepit Jasconius ire in viam suam et omnes fratres qui cum Sancto Brendano erant ceperunt clamare ad Dominumdicentes : "Exaudi nos Deus salutaris noster spes omnium finium terrae et in mari longe".
CHAPITRE XXXVI
Selmer P. 77, 1. 17, Ch.27/
Sanctus Brendanus confortabat suos fratres dicens : "Nolite formidare. Nihil enim vobis erit mali sed adjutorium imminet itineris". Recto cursu belua pervenit usque ad litus insulae avium. Ibique demorati sunt usque ad octabas Pentecosten. Transacto jam tempore solemnitatum procurator qui cum illis erat dixit sancto Brendano : "Ascendite in naviculam et implete utres ex isto fonte. Ero namque socius itineris vestri ista vice atque ductor. Sine me non poteritis invenire terram Repromissionis sanctorum". Ascendentibus autem navim omnes quae in illa insula erant quasi una voce dicebant : "Prosperum iter faciet nobis Deus salutarium nostrorum". Sanctus Brendanus et qui cum illo erant nevigaverunt ad insulam procuratoris et ipse cum illis ibique sumpserunt dispendia XL dierum. Erat autem navigium illorum contra orientalem plagam XL dierum. Porro ipse procurator illorum antecedebat illos . Transactis vero diebus XL vespere imminente cepit eos caligo grandis ita ut vix alter alterum potuisset videre. Procurator autem ait Sancto Brendano :"Scitis quae est ista caligo ?" Sanctus Brendanus ait : "Quae est ?" Tunc ait ille "Ista caligo circuit illam insulam quam queritis per septem annos". Post spacium unius horae iterum circumfulsit eos lux ingens et navis stetit ad litus. Porro ascendentibus de navi viderunt terram speciosam ac plenam arboribus pomiferis sicut in tempore autumnali. Cum autem circuissent illam terram nulla affuit illis nox.
CHAPITRE XXXVII
Selmer p. 79, 1. 14, Ch 28/
Accipiebant tantum de pomis et de fontibus bibebant. Et ita per XL dies perlustrabant terram et non poterant invenire (finem illius). Quadam vero die invenerunt flumen magnum vergentem per medium insulae. Tunc Sanctus Brendanus conversus fratribus suis ait : "Istud flumen non possumus transire et ignoramus magnitudinem illius terrae". Cum haec intra se voluissent statim juvenis occurit/obviam illis-(Vll.) osculans eos cum magna laetitia et singulos nominatim appellabat atque dicebat : "Beati qui habitant in domo t(ua) in s(aeculum) s(aeculi) 1(audabunt)te". Cum haec dixisset ait ad (160) Sanctum Brendanum : "Ecce terra quam quesisti per multum tempus. Ideo statim non potuisti invenire quia Deus voluit tibi ostendere diversa sua secreta in oceano magno. Revertere itaque ad terram nativitatis tuae portans tecum de fructibus istius insulae et de gemmis quantum potest tua navicula capere. Appropinquant enim dies peregrinationis tuae ut dormias cum patribus tuis. Post multa vero curricula annorum(161) declarabitur ista terra successoribus vestris quando Christianorum supervenerit persecutio. Istud flumen quod videtis dividit istam insulam. Sicut modo apparet vobis matura fructibus ita omni tempore permanet sine ulla unbra mortis. Lux enim illius Christus est". Tunc vero acceptis de (162) fructibus terrae et omnibus generibus gemmarum dimissoque benedicto procuratore et juvene Sanctus Brendanus cum suis fratribus naviculam ascendit et cepit navigare per medium caliginis. Cum autem pertransissent venerunt ad insulam quae vocatur Deliciarum. Ibique trium dierum hospicium peregerunt atque accepta benedictione Sanctus Brendanus recto itinere ad locum suum reversus est.
CHAPITRE XXXVIII
Selmer p. 8l,.l. 1, Ch.29/
Fratres autem illum gratulatissime susceperunt glorificantes Deum qui tam amabilis illos noluit (patris) (163) aspectibus deprivari (164) cujus absentia tam diu fuerant orbati. Tunc beatus vir praedictus caritati eorum congratulans narravit omnia quae accidissent (165) et recordatus est in via et quanta ei Dominus dignatus est miraculorum ostendere portenta. Postremo etiam velocitatem obitus illius certa attestatione notavit secundum juvenis praedictum et terram repromissionis sanctorum. Quod etiam rei probavit eventus quia cunctis post se bene dispositis parvo interjacente temporis intervallo sacramentis munitus divinis inter manus discipulorum gloriose migravit ad Dominum cui est honor et gloria in saecula saeculorum. Amen.
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(1)"in" : a le sens de " pour ", " au moyende "Ce sens instrumental provient des traductions latines de la Bible où "in" prend la valeur du "en " grec. (Cf. Dag Norberg Manuel pratique de latin médiéval - Ed. Picard 1968 P. 17
(2)"in suo certamine" : "certamen" signifie "combat"; s'agit-il ici d'un lieu élevé (propre à un combat) ou sanctuaire ? S'agit-il d'un état de méditation ou combat spirituel ?
(3)"et prostrare" : l'infinitif présent est formé sur le parfait "prostravi" (l'infinitif classique est " prosternere "). Phénomène mérovingien : voir Orlandi Navigatio Sancti Brendani in Testi et documenti per lo studio dell'Antichita - XXXVIII - Milan-1968 p. 141 § 49.
(4)"procurator" : "celui qui se soucie par avance"; "l'hôte"; l'intendant".
(5) "nuntiatum est quod" noter l'usage de "quod" après les verbes déclaratifs (Cf. Dag Norberg o.c. p. 25); en latin classique "nuntiare" est suivi de " ut " + subjonctif.
(6)"quam daturus est Deus" : ce futur proche(propre au latin tardif) remplace visiblement
dans le manuscrit, de plus en plus, la forme du futur simple ("dabit"). Cf. Orlandi o.c. p. 152-153.
(7)" cooperuerunt... ut vix potuissemus " : le plus que parfait se substitue à l'imparfait du subjonctif, selon un usage du latin tardif. La Navigatio scti Brendani en porte souvent la trace. Cf. Ernout et Thomas Syntaxe latine Ed. KLINCKSIECK Paris 1972 P. 420 : "En bas latin, le subjonctif plus que parfait tendait à devenir une sorte de subjonctif-prétérit général, substitué au parfait comme à l'imparfait", Cf. Orlandi o.c. p. 152. "Ascendentibus nobis... nebulae cooperuerunt nos" : noter, en outre, que l'usage très fréquent dans la Nav de l'ablatif absolu implique souvent la répétition, du pronom personnel(nobis-nos) dans la principale, à un autre cas (ce qui va à l'encontre même de la notion d'abl. absolu, en latin classique) Cf. Orlandi o.c. p. 154-155 § 53.
(8)" in tantum ut " : "à tel point que" (latin classique ita ut); Sénèque et Pline le Jeune (Nat 3-24) utilisent toutefois la tournure.
(9)"terra pomiferosaque valde" : la place de l'adverbe en fin de phrase pourrait correspondre à un usage de Vieil-Irlandais; de façon classique l'adverbe précède le mot qu'il modifie, tandis que l'adjectif est d'ordinaire placé avant le nom qu'il qualifie. Dans la Nav., adverbes et adjectifs sont placés de telle manière qu'il y a lieu de penser à une influence du Vieil-Irlandais. Cf. R. Thurneysen A Grammar of Old Irish -Dublin Institute for Advanced Studies -1975- 5ème éd. p-. 229 § 361-362/P-238 § 379-384. Citons pour exemple de la place de l'adverbe et de l'adjectif ce passage de l'Imram Maelduin(Revue Celtique N°9 p.492-CH XVII):"insi n-aird sliabdai lan d'énaib dubaid7odraib7alathaib(une île haute montagneuse pleine d'oiseaux noirs et gris et mouchetés) oc nuall7oc labra mor". (criant et hurlant fortement).
(10) "lapides enim" : "enim" perd son sens de "car, en effet", au profit de " d'autre part,or "(valeur de "de "en grec). Cf. Orlandi o.c. p. l50-151 §51.
(11)"istam terram" : iste, ista, istud (pronom démonstratif) n'a pas de sens péjoratifs dans tout le texte (il désigne ici la Terre de Promission). Iste tend à s'identifier, dans le latin tardif, à Hic. Cf. Orlandi o.c. p. 149 §51.
(12) "dimisistis" : "dimittere" a le sens de " permittere "(" abandonner ") dans la Nav., et non son sens classique de "renvoyer, renoncer disperser". Phénomène de l'époque mérovingienne; cf. Orlandi o.c. p. 156 § 53.
(13)" commorari ":signifie "habiter, demeurer" selon le contexte; en latin classique " s'arrêter, s'attarder".Ce nouveau sens apparaît dans la Vulgate(JOB 38-36,). Cf. Orlandi o.c. p. 156 § 53.
(l4) "cognoscitis... quod fuimus" : "cognoscere" est en latin class. suivi de " ut "; l'emploi de quod après les verbes déclaratifs et de pensée (" novimus quia " dit aussi la Nav) est constant dans le latin tardif. Voir supra note 5.
(15)"probavimus redolentem" : "probare" est, en latin class., suivi de la proposition infinitive. D'où provient ce participe présent, quelle en est l'origine ? Le phénomène est dans la Nav isolé et ne permet aucune conclusion sûre.
(16)"in tantum ut... videbamur" : "videremur" (subjonctif) serait plus conforme aux usages classiques; le texte, par ailleurs, oublie rarement le subjonctif après les subordonnants de conséquence, ce qui laisse penser que cette erreur peut provenir d'un état antérieur du texte (d'autant que les premières pages du ms. conservent le plus grand nombre de lettres pré-carolingiennes ou carolingiennes, phénomène s'estompant ensuite).
(17)" reversus sum ut redirem... iterus ero " : ces trois verbes à des temps différents donnent une succession serrée : un fait passé, une intention passée et présente, une intention future. L'effet de style est de rendre l'idée d'achèvement, de mission accomplie.
"iterus ero" : la forme périphrastique du futur remplace le futur simple : voir supra note 6.
(18)"locutus est ad illos" : la construction "dicere, loqui ad" + accusatif, est fréquente dans le latin tardif (latin class. Dicere + datif); Cf. Orlandi o.c. p. 153 § 52.
(19)"a vobis" : le ms. porte "advobis". L'hésitation entre "ab" et "ad" est courante dans les mss. du Haut Moyen-Age; cf. Dag Norberg o.c. p. 25.
(20)"dimisimus" : voir supra note13 - CH 1.
(21)"Definivit igitur Sanctus Brendanus et hi qui..." : le verbe (placé en tête de phrase, selon l'usage du V. Irl. - cf. Thurneysen o.c.p. 327 § 513), s'accorde avec le sujet le plus proche, et commande un nom ("jejujium") et un verbe ("proficisci"). Effet de style; rapidité de l'exécution.
(22)"nomine Ende" : "Aende" est en V. Irl. un nominatif; le texte multiplie ses " nominatifs de citation ", propres au latin tardif; Orlandi cite à cet égard la Vulgate (Marc 3-16 : " omposuit nomen Petrus ") o.c.p. 144.
(23) :"montis extendentis se" : la place de "se" après "extendentis" est à rapprocher du Vieil-Irl. (cf. Thurneysen o.c. p. 270 § 429)
(24) :"ex butyro" : le mot vient du grec "boùturon"; déplacement de l'accent cf. Dag Norberg o.c. p. 20.
(25) :"miserunt" : mis pour "posuerunt" ("ponere", placer); "mittere" (latin class.) signifie "envoyer". Ce changement du sens du verbe appartient à l'époque mérovingienne; cf. Orlandi o.c. p. 156 § 53.
(26) :"arborem ... fixum" : "arbor" est du genre féminin; "fixam" serait donc la forme correcte. Toutefois, dès le VIème s. "arbor" est utilisé comme masculin (Souter A Glossary of Latin Médieval - Oxford -); d'autre part, "arbre" est en Vieil-Irl. de genre neutre ( " irann ") cf. Thurneysen o.c. p. 178.
(26)" Deus preparabit sibi " :" sibi " renvoie à "iste frater"; le pronom personnel "se, sibi" perd sa valeur réfléchie pour renvoyer à la dernière personne nommée, dans la Nav, selon l'usage du latin médévial.
(27)" esticunum " : ce mot n'existe pas en latin class.; il est formé à partir de " aestivus ", ou " aestivale ", ou " aestivanus ". La désinence en "cunum" parait intervenir en raison des allitérations en "c" de la phrase : " ceperunt navigare contra solsticium esticunum ".
retour ch.5
(28)"dum aliquando" : association originale {création de style ? maladresse ?) correspondant à "quotiens" en latin class.
(29)" ignorabant ex qua parte veniebat " : le ms. de Gand préfère "veniret", subjonctif plus conforme à une interrogative indirecte; cet oubli dans le ms. d'Alençon permettrait de prouver une ancienneté plus grande. Mais rien n'est certain à ce sujet.
(30) " insula ... valde saxosa et alta " : postposition des adjectifs; voir supra note 9 ch. I.
(31)"acceperunt" : "accipere" (latin class. "recevoir") est mis pour "capere, sumere" (se saisir de, prendre) dans le texte. cf. Orlandi o.c. p.156 § 53.
(32)"aliquid de aqua" : l'usage de l'adjectif indéfini + de (cf. supra "nihil de suppelectile") se substitue à celui du génitif partitif; cf. Orlandi o.c. p. 147 § 51.
"De" sert de plus en plus en latin tardif à introduire un complément d'objet indirect: phénomène que l'on peut observer dans la Nav.
(33)"Sanctus Brendanus cum suis fratribus secuti sunt" : accord du verbe selon le sens et non avec le sujet grammatical; trait de style fréquent dans la Nav et qui parait bien s'accommoder du caractère collectif de l'aventure.
(34)"Singula lectula" : "lectulus" de genre masculin devient ici neutre; phénomène mérovingien - cf. Orlandi o.c. p. 141 § 49.
(35)"fatigata ": le ms. porte "fatigatis", que nous corrigeons en "fatigata" pour l'accorder à "membra vestra"; mais "fatigatis" pourrait s'accorder à "vobis", si la proposition finale n'intervenait pas. Tournure du Vieil Irlandais ?
(36)"obdormissent" : renforcement du verbe par "ob"; la plupart des verbes du texte subissent ce type de renforcement ("intrare intus", "exire foras", etc.). Cf. Dag Norberg o.c. p. 25; Orlandi o.c. p. 157 § 53.
(37)"cum fratres ad opus Dei festinassent, post peracta misteria divina dum ut egissent... ecce apparuit" : la succession des verbes relie les différentes actions de façon à les emboîter sans discontinuité et selon un principe d'économie réduisant l'action racontée au strict minimum.
(38): "videte ne aliquis" : après "ne", "qui" serait préféré en latin class.
(39): "frenum...quem" : "frenum" est de genre neutre et devient ici masculin.Cf. Orlandi o.c. p. 141 § 49.
(40): "Prosternebant se" : place peu conforme au latin class. de "se" ; conforme à l'usage du Vieil-Irl. de mettre certains pronoms après le verbe; Voir infra "elevantes se"; cf. note I Ch. IV.
(41)"videntibus fratribus" : l'ablatif absolu est placé en fin de phrase, ce qui est rare dans le texte. Effet de style ?
(42)"conditüm est" : le ms. porte "conditum erat"; nous le corrigeons afin de préserver la concordance du temps avec les verbes précédents
(43):"turmas ovium" : "turma" donne une idée d'abondance ("foule, multitude") mais "grex" apparait aussi ci-dessous.
(44) :"injuctum fuerat" : forme verbale tardive : le plus que parfait passif est construit avec"fuerat" (au lieu de "injuctum erat"); exemple de conjugaison analytique développée dans le latin tardif. Cf. Orlandi o.c.p.151 § 52. Bieler (in Irish Penitentials-Dublin pp. 33-34) souligne les correspondances de ces formes verbales avec la syntaxe du Vieil-Irl.
(45)"Unde mihi merito" : "merito" est soit un verbe construit sur "meritus" (latin class. "merso"), soit un adjectif s'accordant à " mihi "(datif) nécessitant un verbe "est' (sous-entendu). Le ms. de Gand (Ed. Selmer p.146 § 50) ou verbe mis à la place de " merui " ? Faut-il même l'éliminer ?(avis de P.Grosjean Anal.Boll.78.) A deux autres reprises, la Nav (ms d'Alençon, ms de.Gand), le terme "meriti" est employé avec une valeur finale, et causale : Ch. XI; Ch. 31. En effet, le génitif se charge de cette valeur (causale ou finale) dans nombre de textes mérovingiens.
(46)"Vigilias et missas... proposuit Deus celebrare suae resurrectionis" : l'ordre des mots mérite réflexion : l'accusatif est placé en début de phrase, et le génitif s'y rapportant en fin de phrase; le verbe est au centre, suivi de son sujet. Selmer (o.c. p. 95 note L) estime que "suae resurrectionis" est une note marginale mal placée, que l'on tenterait d'insérer à la ligne suivante sur le ms.
(47)"dum dixisset" : "dum" + sub. au sens de "pendant que" est d'usage post classique.
(48)"dixit ad Sanctum Brendanum" : ad + acc remplace le datif; voir note I Ch. III.
(49)"portare" : a le sens de "ferre" (latin class., "portare" signifie "transporter") cf. Orlandi o.c. p. 156 § 53.
(50)"hiemps"D.Norberg signale que cette orthographe est antérieure à la Réforme Carolingienne.(o.c. p, 52); "Alcuin (730 - 781) recommande "hiems sine p scribi debet". Mais l'habitude ancienne demeura souvent.
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(51)"data benedictione" la phrase de l'ablatif absolu pourrait provenir d'un souci de rythme syllabique; en effet le passage nous parait versifié, de façon irrégulière certes, comme il suit : "Profectique sunt ad navim (8 syllabes) /
et ceperunt navigare (8) data benedictione (8) vicissim.
Cum autem venissent (8) ad aliam insulam cepit (8) illa navis stare antequam (8) portum illius potuissent (8) tenere. Sanctus Brendanus (8) Precepit fratribus exire (9) de navi et ita fecerunt (8) Tenebantque navim ex utraque (9) parte cum funibus usque (8) / dum ad portum venit. Erat aùtem (9) illa insula petrosa (7) sine ulla herba. Silva rara (9) erat ibi et in litore (8) illius nihil de arena (8) / fuit. Porro pernoctantibus (9) in orationibus et (8) / in vigiliis fratribus (8) foras de navi vir Dei (8) sedebat intus (5).
Il est évident qu'il est extrêmement difficile d'être certain quant au découpage proposé, en dépit d'un ordre des mots digne de la poésie.
(52)"ne fuissent perterriti" : autre exemple de conjugaison anlytique (latin class. "ne essent perterriti"); voir note 2 Ch IX.
(53)"cum Sanctus Brendanus cantasset" : le ms. porte "cantavit"; si nous corrigeons par "cantasset", c'est en fonction du reste du texte qui préfère faire suivre "cum" du subjonctif. De même ci-dessous "cum ministrassent et. cepisset" (alors que le ms. porte "ministrabant"). Voir note 16 CH I.
(54)"Portare" : voir note 7 Ch. IX.
(55)"ceperunt ... cepisset,..cepit ... ceperunt" : Ces répétitions sont elles un effet de style ou une maladresse ? Il faut noter que le ms. porte "cecipit" (que nous corrigeons en "cepit") : ce redoublement au parfait est à rapprocher de la grammaire du Vieil-Irl. (verbes à redoublement au parfait; cf. Thurneysen o.c. p. 424-428).
De nombreuses allitérations en " c ", " p ", " t ", suggèrent aussi une versification, du texte (ex. "Fratres vero ceperunt currere ad navim deprecantes patrocinium sancti patris") "Sanctus vero Brendanus(7) sciebat qualis erat(7) illa insula sed tamen (7) noluit illis indicare (8 ou 9) ne fuissent perterriti (7-8) /mana autem facto precepit (8) sacerdotibus ut singuli (9) missas cantassent et ita (8) fecerunt. Cum ergo sanctus (7) Brendanus et ipse cantasset (9) missam in navim ceperunt (7) fratres crudas carnes portare (9) foras de navi condidissent (9) sale et etiam pisces (7) quos secum tulerunt de alia (9) insula. Cum haec fecissent (7)posuerunt cacabum super (9) ignem. Cum autem ministrassent (8) / lignis ignem et fervere (8) / cepisset cacabus cepit (8)/insula se movere sicut(9) / unda, Fratres vero ceperunt (9) currere ad navim deprecantes (9) patrocinium sanctis patris (9).
(56)"narravit quod" : voir note 5. Ch. I (latin class. narrare + prop. infinitive).
(57)"admiramini" : le verbe sert à l'interrogation (absence de " ne " particule interrogative). Le texte n'utilise que "nonne".
(58) "nec non et" : double négation (tournure intellectuelle; et il n'est pas vrai que ne pas").
(59) " Jasconius " : "iasc" en Vieil-Irl. signifie "poisson".
(60) Versification (suite) :
"At ille singulos per manus (9)/ trahebat intus. Relictisque(9)/ omnibus quae portabant (7) in illam insulam ceperunt (8)/ navigare. Porro illa (7) / insula ferebatur (7) in oceanum. Tunc poterant (9)/ videre ignem ardentem (7) super duo miliaria(9) Sanctus Brendanus narravit(8) fratribus quod hoc esset (7)/dicens : fratres admiramini (9) quod fecit haec insula (7)/ Aiunt :admiramur valde (8) nec non et ingens pavor (7) penetravit nos. Qui dixit (8) / illis : filioli mei (8) /nolite expavescere (7)/Deus enim revelavit (8)/ mihi hac nocte per visionem (9)/ sacramentum hujus rei (8)/ Insula non est ubi(7)/ fuimus sed piscis. Prior (8)/ omnium natancium (7)/ in oceano querit (7)/ semper suam caudam ut simul (8) / jungat capiti et non potest(8)/ pro longitudine quam habet , (8)/ nomine Jasconius (7)/.
(61):"porro navigantibus ... invenerunt" : l'ablatif absolu est préféré à un participe présent s'accordant avec le verbe principal. Usage du latin tardif; cf. Orlandi o.c. p. 155 § 53.
(62) :"miserunt" ': "mittere" (latin class. "envoyer") prend ici le sens de " ponere " ("Placer") ; influence du latin de la Vulgate (Exod."-3-1). cf Orlandi o.c. p. 156 § 53.
(63):"tam latum sicut et" : "tam" associé à "sicut" montre l'hésitation de l'auteur devant les corrélatifs de comparaison (ita, tam,... ut/sicut, velut, ut suffiraient).
(64)"ad fontem.venerant ejusdem fluminis" : nouvel exemple de postposition du génitif séparé du déterminé. Voir note 5 Ch. IX.
(65) :"deprecasset" : oubli du caractère déponent du verbe "deprecor" (la forme correcte en latin class, serait "deprecaretur"); "deprecasset" est formé sur la forme "deprecare". Confusion des modes en latin médiéval : cf. Orlandi a.c. p. 141 § 41.
Ce qui est étrange, c'est que le verbe "deprecor" apparaît, quelques lignes plus bas.
(66) : "aut meriti presumo" valeur causale du génitif. Voir note 3 Ch. IX.
(67) : "volabat de arbore" "de" introduit le plus souvent en latin tardif un complément d'objet indirect (Latin class. "de" signifie " hors de ").cf. Orlandi o.c.p.148 §51. Ici , " de " correspondrait à un " ex, e " classique.
(68) :"mox ut simul" : pléonasme relevé dès le IIIème s. (SOuter Glossary of Latin Médiéval - Oxford).
(69) :"peccando illius... labente illo" : Le passage est de compréhension difficile et semble indiquer que les oiseaux pêchent "par manque" (ne se révoltant pas contre Lucifer le révolté). Le ms. de Gand a un autre texte (et sens) : "sed non peccando in eorum consensu fuimus. Sed ubi fuimus creati, per lapsum illius..." (Ed. Selmer, o.c. p. 24); Les oiseaux subissent une fatalité ; leur chute est due à leur place dans la création.
(70) "omnes qui" : "avis" est du féminin (le relatif correct serait donc "quae" ; le Vieil-Irl. a un mot masculin pour "oiseau" ( " en/eoin " gen .); toutefois la Nav utilise souvent "avis" comme féminin ("predicta avis"). Noter les nombreuses allitérations en "c" de cette phrase.
(71): "cum Aurora refulsisset" : Souvenir de Virgile (Enéide 8 v. 623 " qualis cum caerula nubes / solis inardescit radiis longeque refulget ").
(72)"in matutinis laudibus" : le ms. porte "matutinibus", ce qui conviendrait à un adjectif "matutinis" inexistant en latin class. Voir infra note I Ch. 38.
(73)"antea...ante/ Pascha ... paschalia" : la phrase est de tournure empruntée (correspondant à l'arrivée énigmatique de leur intendant ?)
(74)"fortis est bibendum" : le sens de " fortis " est à rapprocher de la "geis" irlandaise (interdit religieux); "il est interdit d'en boire" ; mais un autre problème de compréhension se pose plus loin, avec l'expression "insulae virorum fortium" (note 7 ch. 24) dont on voit mal le sens : " île des hommes forts " ? Etymologiquement, "fortis" est rattaché à deux Racines (Cf. Hofman Lateinisches Etymologishes Wostebuch) :1) Bhr idée de force 2) Dhar idée de fermeté, d'arrêt(All. alten, Latin, firmus). La seconde racine conviendrait : île des hommes sans changement (arrêt du temps); boire de cette eau immobilise.
(75)"refocillatio" : construction médiévale à partir de "focilare" latin class."foveo"). "Refocilare" est attesté dès le IVème s. (Souter o.c.)
(76)"discumbuissent" "discumbere" signifie "se coucher pour manger", selon les coutumes romaines.
(77)"fecit navim onerari... vascula impleri fecit" : construction symétrique de la phrase (le même verbe commence et finit) mettant sur le même plan " navim " et " vascula " (symbolique ?).
(78)"per equora oceani" : tournure virgilienne.
(79 )Les chiffres romains des titre précédents correspondent aux majuscules du ms. Les chiffres arabes aux vides laissés à cet effet sur le ms.
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(80)"in parte"; terme de navigation (le vent de terre les repousse du rivage); d'autres mss. ont "a portu" (loin du port),L'écriture en est très proche.
(81)"deprecare" : confusion des formes verbales (Orlandi o.c. p. 141 ) Voir note 2 Ch. I. "deprecari" (verbe déponent) est la forme du latin class.
(82) " spontanee " : l'adverbe est construit sur l'adjectif" spontaneus" (au lieu de "sponte", latin class.)
(83)"descendentibus illis de navi" d'ordinaire, dans le texte, " ascendentibus de navi ". Preuve d'un état antérieur du texte qui serait corrigé (mais avec des oublis).
(84)"'scurrilitatem" bouffonnerie, distraction, attitude ridicule. Le mot prend ici un sens religieux : vanité de la parole.
(85)"cum capsis" : "capsa" signifie " boite à livre, coffret. " " Capsula ", c'est-à-dire chasse, conviendrait mieux.
(86 ) " panibus candoris/radicibus ... saporis " : postposition du génitif. (cf. Vieil-Irl. : Thurneysen o.c. p. 158 § 250.)
(87) "elemosina" : mot d'origine grecque ( " eleèmosùnè ") Influence des Ecritures sur le latin médiéval.
(88) " levaverunt se " : Voir note I Ch. IV.
(89)"excepto quando" : le participe à l'ablatif remplace la conjonction " nisi " ; phénomène du latin tardif; cf. Orlandi o.c. p. 155 §53.
(90)"extinguentur : le ms. porte "extinguebantur", ce qui est fautif mais s'expliquerait par une maladroite volonté de concordance des temps (verbe principal au passé) .
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(91 )"diversa genera piscium discurrentes" : absence d'accord entre le participe (acc. pluriel masc.) et "piscium" auquel il se rapporte (lat. Class. discurrentium).
"discurrentes... diffinitionem" : renforcement des expressions par un préfixe; voir note 4 Ch. VI.
(92)"per triduum usque in Cenam" : tournure elliptique et concise, comme le texte en a le souci.
(93)"de omnibus quae" : le ms. porte "quos" (masc. plur.) au lieu du neutre plus général "quae"; certes ce masc. "quos" sous-entend "calices, pisces, radices".
(94)"prae nimia tranquillitate" : voir infra note 1 Ch. 27.
(95)"commoratur" : voir note 13 Ch. I.
(96) "descenderunt de navi" : voir note I Ch. 16.
(97) "magnificans ... osculans ... incipiens... dicans": Effet de style à relever.
(98) "in Sabbatum morabantur sanctum" : il est rare dans la Nav de voir l'adjectif séparé de son nom; cf. supra "ventum suscitavit prosperum". Influence du Vieil-Irl. ?
(99)"dixit idem procuratar ad Sanctum Br.": voir note I Ch. III.
(100)"asportate ... omnia quae necessaria de cibo et potu" : le génitif paritif est remplacé par "de"+ abl.; influence des Ecritures (Vulgate : " Génèse -3-22/Exod. 17-5 "), Cf. Orlandi o.c. P. 148 51.
(101)"resedissent...resedit" le même verbe répété insiste peut-être sur le recueillement des acteurs (Etre assis suggère la sagesse dans de nombreuses cultures).
(102)"osculatis omnibus" : "osculor" verbe déponent en latin class; est employé ici comme un verbe de sens passif (" osculatus " signifie " ayant embrassé " et non " ayant été embrassé "). Voir note 5 Ch. XII. Cf. Orlandi o,c.; p. 141 § 49.
(103)"Magnalia Redemptoris Nostri" Cf. Tertullien (Uxor 2-7). Expression plusieurs fois reprise dans le texte.
(104)" insujam ... speciosam " : postposition de " l'adjectif ", le ms. de Gand écrit " spatiosam " (" vaste "); en fait l'île peut avoir un aspect luxuriant, coloré ("speciosam").
(105)"misissent" : voir note I Ch. XII.
(106)"devoratum erit" : futur periphrasique remplaçant le futur simple("devorabitur"). Voir note 6 Ch. I.
(107)"videre de illa belua" : "de" + abl. marquant le complément d'objet indirect. Voir note 5 Ch. 5.
(108)" portio cujusdam piscis ... inde " : le ms. de Gand nous permet de combler une lacune de notre ms. En effet, par trois fois, Saint Brendan fait une prédiction (dévoration du monstre, découverte de l'eau, échouage d'un poisson) dont le sens est d'ordre symbolique; ainsi la dernière prédiction (omise par le ms d'Alençon) s'intègre bien dans ce contexte chrétien.
(109)"videntes ... dixit Sanctus Br." : le participe présent est indépendant par rapport au verbe principal; " illis " sert de jonction pour le sens.
(110)"scaltis" : le mot est inconnu; cf. Selmer o.c. p. 89 note 63.
(111)"cum autem sexta venisset ceperunt cantare turmae dicentes" : noter les nombreuses allitérations de cette phrase en " c " et " t "; les textes latins irlandais sont célèbres pour ces recherches de sons (cf. Dag Norberg o.c. p. 45).
(112)"obumbravit ... nubes mirae claritatis" : antéposition du verbe; association de contraires (nubes / claritas).
(113) "discooperta est" : influence des Ecritures (Vulg. Levit 18-7).
(114)"miserunt" : voir note I Ch. XII.
(115)"Virorum fortium" : voir note 5 Ch. XIII. Dans le Voyage de Mael Duin (Ch. XXI), l'île est appelée "île des rieurs" (l'épisode est identique à celui-ci de la Nav : perte d'un compagnon aussi, etc.) et le verbe, " rire " est " gaire "(Racine GA se réjouir, latin gaudere, grec " gèthô "). Y-a-t-il un rapport entre "gaire" et "fortis" ?
(116)"osculatis omnibus" voir note I Ch. 22.
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(117)" avis ... volabat...tenens " : l'influence du Vieil-Irl. se note à l'emploi en apposition du participe présent; Cf. Thurneysen o.c. p. 444-445 § 720.De même sa place après le verbe.
(118)"misit de ore" : correspond au latin class" trahere de" ou "mittere ex, ab".
(119)"arboribus .... habentibus" : la plupart des mss. adoptent une autre version "arboribus...habentes", ce qui, selon Orlandi (o.c. p. 142 § 49) correspondrait à des faits de langue antérieurs à la Réforme Carolingienne (l'accusatif remplaçant tous les autres cas). Mais la forme correcte d'accord a bien pu survivre en même temps.
(120)"fertilitate ... unius fructus uniusque coloris" construction difficile.
(121)" mala punica " : pomme punique, C'est-à-dire grenade.
(122)"ad odorem" : Selmer (o.c. p. 96 note "t") pense que "ad odoram" est une mauvaise rédaction mise pour "oblivium" et propose le texte suivant corrigé : "ut oblivium illorum jejunium conaretur" ("si bien que l'oubli de leur jeûne se saisissait d'eux"). Mais le jeûne est-il conçu comme une punition ? Leurs sens ne sont-ils pas ouverts aux dons de Dieu ?
(123)"direxisset" : le ms. de Gand a "dirigisset"(Conjugaison analytique : le parfait est formé sur le présent). Le ms. d'Alençon ne commet pas cette forme, ici, mais écrit "direxsisset", ajoutant un " s " au radical du parfait.
(124) "dicabant ad sanctum Br." : Voir note I Ch. III.
(125)"Portare" : a le sens de "ferre" (latin class.)
(126) "circuibat oceanum" le ms. à " circuibant " (accord ad sensum et non grammatical.) L'image d'un cercle contenu dans le verbe est à noter (croyance en un fleuve autour du monde ? Notion cyclique du Temps ?).
(127)"prae nimia claritate" "prae" sert à exprimer la cause, même si la phrase n'est pas négative; cf. Orlandi o.c. p. 149 § 51; en latin class. "prae" est employé dans les phrases négatives ou de sens négatif.
(128)"scindistis" : parfait formé sur le présent "scindo" (latin class. " scidi ").
(129)"aspiciebant ... videre " :"aspicere " désigne un regard qui délimite; "videre" un regard qui unifie.
(130)"sed" le ms. a "se", le "d" n'étant plus entendu et prononcé dès l'époque impériale; cf. Dag Norberg o.c. p. 23.
(131)"de qua creatura" : de + abl. sert à désigner l'instrument, la cause, la matière; cf. Orlandi o.c. p. 149 § 51.
(132)"et alii tenebunt" : "alius" a ici la sens du Vieil-Irl. "alaile" c'est-à-dire quelqu'un, un certain, un autre (latin class. "aliquis, quidam, alius); cf. Orlandi o.c. p.133-4; Thurneysen o.c. p. 307-308
(133)"ait ad illos" : voir note I Ch. III.
(134)"mittite navim" :voir note I Ch. XII. Cf. Supra "mittite reminges".
(135)"mensurabat foramem unum in quatuor per chonopeos" le texte avance visuellement (l'entrée - sa forme carrée- le filet) et non conceptuellement (les quatre côtés de l'entrée sont mesurés).
(136)"ostendit hoc miraculum et ut"; la place de "et" lui donne un sens adverbial.
(137)" postquam... Viderent " : cum + subj. conviendrait mieux (Latin Class. postquam+ ind).
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(138)"sibi appropinqaare" : "sibi" représente l'île et n'a donc aucun sens réfléchi. Voir note 5 Ch. IV.
(139)"ruina montis igneis" Selmer (o.c. p. 97, note "W") pense que "ruina" est mis à la place de "pruna" (braise). N'est-ce pas réduire l'image ?
(140) "pater cum suis sociis aspiciebant": accord ad sensum. Voir note I Ch. VI.
(141) "meriti talem finem" :génitif à valeur finale; voir note 3 Ch. IX.
(142)"Pannus quoque ... per oculos" la phrase multiplie les sonorités en "p" et q. Parmi tous les mss., c'est la version la plus brève(elle évite une rupture de construction propre au langage parlé - cf. Orlandi o.c. p.144 § 50 ainsi : "pannum quoque qui ante illum pendebat aliquando ventus minabat a se aliquando percutiebat eum..."; "pannum" est alors complément de "minabat" et sujet de "percutiebat"). Nous croyons plutôt en un style plus soutenu.
(143)"morsus non eris" : conjugaison analytique (latin class. "morberis"); Voir note 2 Ch. IX.
(144)"Camerarius " : officier de chambre. Anachronisme par rapport à la vie du Christ.
(145)"illas dedi" construction du langage parlé où "illas" reprend "furcas", après peu d'intervalle.
(146)"Thetin" : image empruntée à l'Antiquité pour désigner la Mer.
(147)"multitudo daemonum ... vociferantium atque dicentium" : influence du Vieil-Irl.(le participe séparé du déterminant; voir note 4 Ch. 21). Tous les autres mss. recensés par Selmer ont cette version :"multitudo daemonum... vociferantes et dicentes" où le participe au nominatif "pend" (Orlandi o.c.p.143 § 49), est opposé de façon assez lâche à "multitudo". Phénomène du latin tardif.
(148)"sibi ... faciatis/ Sibi presentavimus" : "sibi" représente Judas;Voir note 5 Ch. IV.
(149)"faciem abyssi" : autre image désignant la Mer (rarement nommée).
(150)"multitudo daemonum...emittentes" : accord ad sensum; voir note 5 Ch. 32.
(151)"jude fiet" le ms. a "inde"; Selmer(o.c. p. 96 note X) propose cette correction. Nous l'adoptons aussi.
(152)"ventum erit" conjugaison analytique (latin class "venietur").
(153)"videbitis ... commorantem per LX annos" : le ms écrit L; erreur manifeste en raison de ce qui a été dit.
(154)"nichil " : cette forme est condamnée lors de la Réforme Carolingienne et daterait donc de l'époque mérovingienne; cf. Dag Norberg o.c. p. 52.
(155)"hostium contra hostium" : forme mérovingienne (au lieu de "ostium"); Dag Norberg o.c. p. 22,
(156)"quanto tempore" : "a quo tempore".
(157)"quinquaginta annos" : le ms. a "quinquaginta quinque" ; "quinque" est erroné, en raison du contexte (" L annos fui in patrie mea ").
(158) vascula plena de isto fonte" emploi de "de" + abl., voir note I Ch. 28 (latin class. plenus + génitif).
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(159)"Igitur...permanentes laeti omnes" : la phrase vise un maximum d'informations comme pour un rappel ou un résumé. Noter la place en fin de phrase du participe présent.
(160)"ait ad Sanctum Brendanum" : voir note I, Ch. III.
(161)"curricula annorum" : voir note 4, Ch. 26.
(162)"acceptis de fructibus" : De + abl est introduit à l'intérieur d'un Abl. Absolu pour marquer la partie. "De" + Abl. se substitue au génitif partitif. Voir note 5 Ch. V.
(163)"patris aspectibus" : le ms. a "patribus "; voir note 3 Ch. XIII.
(164)"deprivari ": le verbe "privari" existe seul en latin class. ; il est ici renforcé par "de" (latin tardif; voir note 4 Ch. VI).
(165)"quae accidissent" : Le subjonctif n'est pas nécessaire. Le texte est à cet endroit incertain.
retour texte latin
TRADUCTION
SOMMAIRE
Chapitre 1 : Le Récit de Barinthus(? 548 - 5.92) à Saint Brendan (485-674 ou 583 environ) Chapitre 2 : Saint Brendan rend grâce à Dieu Chapitre 3 : Le conseil de Saint Brendan Chapitre 4 :La construction du Navire Chapitre 5 : Difficultés et fatigues Chapitre 6 : L'Ile Inhabitée Chapitre 7 : Le Frein volé Chapitre 8 : L'Intendant Chapitre 9 : L'Ile des Moutons Chapitre 10 : Jasconius non Révélé Chapitre 11 : Jasconius Révélé Chapitre 12 : L'Ile des Oiseaux Chapitre 13 : Chant des Psaumes par les Oiseaux Chapitre 14 : La Prophétie de 1'Oiseau Chapitre 15 : L'Ile d'Albe et la Tentation des Sources Chapitre 16 : L'Accueil du Vieillard Chapitre 17 : L'Accueil au Monastère du Silence Chapitre 18 : Le Repas au Monastère Chapitre 19 : La Flèche Enflammée Chapitre 20 : L'Eau du Sommeil Chapitre 21 : Célébration de la Cène et de Pâques Chapitre 22 : Fidélité et Attentions de 1'Intendant Chapitre 23 : L'Attaque et la Dévoration du Monstre Marin Prophétie de Saint Brendan Chapitre 24 : L'Ile des Trois Choeurs Chapitre 25 : L'Ile des Grappes Chapitre 26 : Le Combat des Oiseaux Chapitre 27 : La Mer Transparente Chapitre 29 : Les Deux Présents : Le Calice et la Patène Chapitre 30 : Navigation Favorable vers le Nord Chapitre 31: L'Ile des Forgerons Chapitre 32 : Judas Ischariot Chapitre 33 : Paul l' Ermite Chapitre 34 : Le Récit de Paul l'Ermite Chapitre 35 : La Célébration des Fêtes et l'Aide de l'Intendant (La Navigation sur Jasconius ) Chapitre 36 : La Terre de Promission Chapitre 37 : Le Jeune Homme du Fleuve Chapitre 38 : Le Retour de Saint Brendan : Sa Mort
Fin du récit
CHAPITRE I LE RECIT DE BARINTHUS (? -48 ou 552) A SAINT BRENDAN(485-574 ou 583 environ)
Saint-Brendan, fils de Finloch, petit- fils (l) d'Altus, de la lignée d'Eogène, naquit dans la région marécageuse (2) des Mumenensiens.C'était un homme d'une grande abstinence et célèbre pour ses vertus, père de trois mille moines environ. Comme il était dans son lieu de combat (spirituel) (3) au lieu nommé "lande des vertus de Brendan"(4), il arriva qu'un soir vînt vers lui un des pères, du nom de Barinthus, son propre disciple. (4) Et comme il était interrogé sur de nombreux points par le saint père, il commença à pleurer, à se prosterner et à demeurer fort longtemps en oraison. Saint Brendan le releva de terre et le baisa disant : "Père, pourquoi avons nous tristesse pour ton arrivée ? N'est-ce pas en vue de notre consolation que tu vins ? Tu dois plutôt apprêter ta joie pour tes frères ! Indique-nous la parole de Dieu et réconforte nos âmes des très nombreux (5) miracles que tu as vus sur l'Océan ! " Alors Saint-Barinthus, au terme des paroles de Brendan, commença à parler d'une certaine île, disant : "Mon filleul Mernocatus, intendant des pauvres du Christ, s'éloigna de mon visage et voulut se faire solitaire. Et il découvrit une île près d'une montagne de pierre, - son nom est l'Ile Délicieuse- ; après bien des ans, on m'annonça qu'il avait de multiples moines et que Dieu montrait par lui de nombreux miracles. C'est pourquoi j'ai été amené à visiter mon filleul. Et comme je m'en étais approché par un voyage de trois jours, il se hâta à ma rencontre avec ses frères. Car le Seigneur lui révéla mon arrivée. Alors que nous naviguions, les frères sur 1'île, à notre rencontre, coururent, comme un essaim d'abeilles, sortant de leurs différentes cellules. En effet, leurs habitations étaient dispersées. Et pourtant pour leur séjour il y eut toujours unité, dans l'espoir, la foi et la charité, grâce à un seul lieu de réfection. Aucune autre alimentation n'apparaît si ce n'est des pommes, des noix et des racines, et toutes les espèces d'herbes. Ainsi, après complies, chacun dans sa cellule, jusqu'au chant du coq ou au son de la cloche, demeure. Or, comme j'avais passé la nuit et visité l'île tout entière, mon filleul me conduisit vers le rivage de la mer, face à l'occident, où était une embarcation, et me dit : "Père, montez dans le navire et naviguons face à l'étendue occidentale, vers l'île nommée Terre de Promission des Saints, que Dieu va donner à nos successeurs dans un temps très proche". Une fois que nous fûmes embarqués et naviguant, nous fûmes couverts de nuages en si grand nombre qu'à peine pouvions nous voir la poupe ou la proue du navire. Mais après une heure à peu près s'étendit autour de nous une immense lumière, et parut une terre spacieuse, herbeuse, porteuse de pommes (6) en abondance. Comme le navire avait touché terre, nous accostâmes et commençâmes à aller et parcourir l'île pendant quinze jours, d'après ce que nous pensions, et nous ne pouvions pas en découvrir l'extrémité. Nous ne vîmes point d'herbe si ce n'est des fleurs, point d'arbres sans fruit. Et aussi les pierres de cette île sont de par leur nature précieuses. De plus, le quinzième jour, nous découvrîmes un fleuve serpentant vers le Couchant. Comme nous considérions tout cela, il y eut doute en nous sur ce que nous devions faire. Et nous prîmes la résolution de traverser le fleuve. Mais nous attendions l'avis de Dieu. Tandis que nous en avions délibéré entre nous, soudain parut un homme d'une grande splendeur, devant nous. Et lui aussitôt de nos propres noms nous appela et nous salua, disant : " C'est merveille, valeureux frères ! Car le Seigneur vous a révélé cette terre qu'il va donner à ses saints. C'est en effet le milieu de l'île jusqu'à ce fleuve. Il ne vous est pas permis d'aller au-delà. Retournez donc d'où vous êtes venus. Après qu'il eut dit ces mots, aussitôt je le questionnai sur son origine et sur son nom. Il répondit : " Pourquoi me demandes-tu d'où je suis et quel nom je porte ? Mais pourquoi ne me demandes-tu rien concernant cette île ? Telle que tu la vois maintenant, de même ainsi depuis l'origine du monde elle a perduré. As-tu besoin de nourriture, ou de boisson, ou de vêtements? Or c'est une année, dans cette île que tu es resté sans besoin d'aliment ni de boisson. Jamais tu n'as été écrasé de sommeil, ni la nuit ne t'a recouvert. Car le jour y est éternellement sans aucune cécité des ténèbres. Notre Seigneur Jésus Christ est la lumière d'ici même. " Ensemble nous avons fait route, et l'homme (avec nous parvint au rivage où était notre embarcation. Mais à notre embarquement, il disparut de nos yeux et nous allâmes par le-même brouillard) (7) vers l'île Délicieuse. Ainsi, lorsque les frères nous virent, ils se réjouissaient avec grande joie de notre arrivée, et ils pleuraient de notre absence qui avait duré longtemps, disant : "Pourquoi, pères, avez-vous laissé à l'errance vos brebis sans pasteur dans cette forêt ? Nous savons que notre abbé fréquemment de nous s'éloigne dans quelque endroit, parfois deux semaines parfois une semaine ou plus ou moins." Comme j'entendais ces mots, j'ai commencé à les réconforter, leur disant : " Frères, ne pensez à rien qui ne soit du bien. Votre séjour sans aucun doute est devant la porte du Paradis. Ici, toute proche, est l'île appelée Terre de Promission des Saints, où la nuit ne pèse pas, où le jour ne finit pas. Et là-bas, notre abbé Mernocatus se rend souvent. Or l'Ange du Seigneur la garde. Ne reconnaissez-vous pas à l'odeur de nos vêtements que nous avons séjourné au Paradis de Dieu ? " Alors les frères répondirent, disant : "Père, nous savons votre séjour au Paradis placé en haute mer, mais le lieu du Paradis nous est inconnu. Car souvent nous avons vérifié qu'une odeur suave s'exhalait des vêtements de notre abbé à son retour, après un espace de quarante jours. " - "Là-bas(8), en vérité, j'ai demeuré deux semaines continues avec mon filleul, sans nourriture ni boisson.(Sur 1'lle des Délices) nous avons eu tant pour la satiété du corps que nous paraissions ivres d'un vin nouveau. Mais après quarante jours, une fois reçue la bénédiction des frères et de l'abbé, je suis revenu avec mes compagnons, pour retourner vers ma cellule où je vais aller demain.
CHAPITRE II
SAINT BRENDAN REND GRACE A DIEU
A ces paroles entendues, Saint Brendan et son entière communauté, se prosternèrent, glorifiant Dieu et disant/ 3 Juste est le Seigneur en toutes ses voies, et saint en toutes ses oeuvres (9), Lui qui a révélé à ses serviteurs de si nombreuses et si grandes merveilles, et qu'Il soit béni pour ses dons, Lui qui aujourd'hui a refait nos forces d'une telle dégustation spirituelle. " Cette louange s'acheva et, saint Brendan ajouta : "Allons pour la réfection du corps et pour la nouvelle mission". Et la nuit passée, une fois reçue la bénédiction matinale des frères, vers sa cellule, saint Barinthus s'en retourna.
CHAPITRE III
LE CONSEIL DE SAINT BRENDAN
Donc Saint Brendan, prenant de toute sa communauté, deux fois sept frères qu'il choisit, s'enferma dans un oratoire avec eux, leur parlant et disant : "Compagnons de combat, mes plus aimants, je vous réclame conseil et aide, du fait que mon coeur et toutes mes pensées sont assemblés en un seul vouloir. Si seulement c'est le vouloir de Dieu, la terre dont a parlé le père Barinthus, Terre de Promission des Saints, en mon coeur j'ai projet de la chercher (10). Que vous en semble,ou quel conseil me voulez-vous donner ? Une fois le vouloir du Saint père connu, comme d'une seule bouche, tous disent : "Père, ton vouloir est aussi nôtre. N'avons-nous point quitté nos parents, n'avons-nous point méprisé notre héritage, et n'avons-nous point remis nos personnes entre tes mains (11) ? C'est pourquoi nous sommes en mesure d'aller soit vers la mort, soit vers la vie. Cherchons seulement le vouloir de Dieu". Aussi Saint Brendan décide d'observer, avec ses compagnons, tous les trois jours, un jeûne pendant quarante jours, et ensuite de partir. Une fois cette période écoulée, après avoir salué et recommandé tous les frères au prévôt de son monastère, qui fut ensuite son successeur dans le même lieu, il se dirigea face à l'étendue occidentale, avec quatorze frères,vers l'île d'un certain saint père, nommé Ende (12) et là, il resta trois jours et trois nuits.
CHAPITRE IV
LA CONSTRUCTION DU NAVIRE
Une fois reçue la bénédiction du saint père et de tous les moines qui l'accompagnaient, Saint Brendan se dirigea aux extrémités de son pays où demeuraient' ses parents. Cependant il ne voulut pas les voir, mais sur le sommet d'une certaine montagne s'étendant au loin dans l'Océan, dans un lieu nommé " siège de Brendanl "(l3), il fixa une tente assez grande pour abriter le passage d'un navire. Saint Brendan et ses compagnons, pourvus d'outils, firent une embarcation très légère, munie de couples et de vaigres, d'un bois utilisé traditionnellement dans ces régions, et ils la couvrirent entièrement de cuirs de boeufs, rougis dans l'écorce m'un chêne. Et ils enduisirent de beurre, à l'extérieur, toutes les jointures des peaux, et ils placèrent deux autres parois faites d'autres cuirs à l'intérieur du navire, ainsi que des vivres pour quarante jours, du beurre pour réparer les peaux servant à l'étanchéité du navire, et d'autres objets utiles qui conviennent à l'usage de la vie humaine. De plus ils placèrent et fixèrent au centre du navire un mât et une voile et tout ce qui convient à la manoeuvre du navire. D'autre part Saint Brendan prescrivit à ses frères, au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, d'entrer dans le navire. Et alors qu'il se tenait seul sur le rivage et bénissait le port, voici que trois frères venant en plus de son monastère, le rejoignirent et ils tombèrent aussitôt aux pieds du Saint père, disant : "Père, permettez-nous d'aller où vous irez; sinon nous nous laisserons mourir en ce lieu, de faim et de soif. Nous avons en effet décidé d'être pèlerins pour tous les jours de notre vie". Et lorsque l'homme de Dieu vit leur angoisse, il leur prescrivit d'entrer dans le navire, disant "Que votre volonté soit faite, mes fils " Et il ajouta: " Je sais comment vous êtes venus. Le frère (Barinthus) a accompli une bonne oeuvre. Car Dieu a apprêté pour lui un lieu d'élévation. " Alors Saint Brendan monta dans le navire, et voiles étendues ils commencèrent à naviguer tout à fait face au solstice d'été. Or ils avaient un vent favorable. Ils n'eurent d'autre peine pour naviguer que de tendre les voiles.
CHAPITRE V
DIFFICULTES ET FATIGUE
Après quinze jours le vent cessa et ils en vinrent à naviguer à la rame(l4) jusqu'au moment où leurs forces firent défaut. Sur l'heure Saint Brendan se mit à les réconforter les encourageant et disant : " Frères, n'ayez crainte. Car Dieu est notre secours, notre nautonier et notre pilote, et il nous gouverne. Rentrez toutes les rames et dérivons (15) Laissez seulement les voiles tendues, et que Dieu fasse comme il veut de ses serviteurs et de son navire. Alors ils continuaient de refaire leurs forces jusqu'au soir, tant qu'ils ne cessaient d'avoir du vent. Cependant ils ignoraient de quel endroit le vent venait ou vers quel lieu le navire était emporté. Dès que quarante jours furent consommés ainsi que toutes les ressources qui convenaient à la nourriture, il leur apparut une île du côté septentrional tout à fait rocheuse et haute. Et comme ils approchaient de son rivage, ils virent une rive très haute comme un mur, et divers ruisseaux descendant du sommet de l'île pour s'écouler dans la mer. Cependant ils avaient peine à découvrir un port où le navire aurait tenu. Or les frères étaient fortement tourmentés par la faim et la soif. Chacun aussi prit des vases de façon à pouvoir recueillir un peu d'eau. Saint Brendan, lorsqu'il vit cela, s'écria: " N'agissez pas ainsi ! Car ce que vous faites est sot. Maintenant encore Dieu ne veut pas nous montrer un port pour entrer et vous voulez faire rapine ! Le Seigneur Jésus Christ, après trois jours, montrera un port et un lieu pour demeurer, et nos corps seront reposés de nos tourments. "
CHAPITRE VI
L'ILE INHABITEE(16)
Et après qu'ils eurent fait le tour de l'île trois jours durant, lors du troisième jour, aux alentours de la neuvième heure, ils découvrirent un port où un seul navire avait accès. Et aussitôt Saint Brendan se leva et bénit l'entrée. Or il y avait une roche taillée de chaque côté, d'une hauteur merveilleuse autant qu'un mur. Et comme tous étaient descendus du navire et se tenaient à l'extérieur sur la terre, Saint Brendan prescrivit de ne sortir aucun bagage du navire. Et outre, alors qu'ils longeaient le rivage de la mer, leur vint un chien par quelque sentier et il alla vers les pieds de Saint Brendan comme ont l'habitude d'aller les chiens vers les pieds de leurs maîtres. Alors Saint Brendan et ses frères suivirent le chien les conduisant vers un château. Et à leur entrée dans le château, ils virent une grande cour et une salle parée avec des lits et des sièges, et de l'eau pour laver les pieds. Mais comme ils s'étaient assis, Saint Brendan conseilla ses compagnons, disant : " Veillez, frères, à ce que Sathan ne vous entraîne pas dans la tentation. Je le vois persuader un des trois frères qui, après nous, vinrent de notre monastère, de commettre un larcin honteux. Aussi priez pour son âme. Car sa chair a été livrée au pouvoir de Sathan. " La pièce (17) dans laquelle ils séjournaient, était pour ainsi dire enchassée, le long des parois, dans une guirlande de coupes suspendues de diverses sortes de métal, de freins (18) et de cornes cerclés d'argent. Alors Saint Brendan dit à son serviteur qui avait coutume d'apporter le pain aux frères : " Apporte le repas que Dieu nous a envoyé. " Et lui aussitôt se leva et découvrit une table dressée et des linges et des pains individuels d'une blancheur merveilleuse et des poissons. Lorsque l'on eut tout apporté Saint Brendan bénit le repas et dit à ses frères : "Reconnaissons Dieu du ciel, celui qui donne nourriture à toute chair." Donc les frères s'étaient assis et magnifiaient le Seigneur. De la même manière, ils découvraient autant de boisson qu'ils voulaient. A la fin du repas et une fois le service de Dieu achevé, le saint homme dit : " Prenez du repos; voici des lits pour chacun et bien couverts. Il faut que vous reposiez vos membres épuisés de trop de fatigue. " Mais comme les frères se livraient entièrement au sommeil, Saint Brendan vit l'oeuvre du Diable, à savoir un enfant éthiopien, tenant un frein dans la main et ricanant devant le frère. Aussitôt Saint Brendan se leva et se mit à prier la nuit durant jusqu'au jour. Et une fois le matin venu, les frères firent, avec empressement, le service de Dieu; puis après la célébration du mystère divin, tandis qu'ils se dirigeaient vers la navire, voici qu'apparut la table préparée comme la veille. Ainsi pendant trois jours et trois nuits, Dieu prépara un repas à ses serviteurs.
CHAPITRE VII
LE FREIN VOLE
Puis, Saint Brendan avec ses compagnons entreprit de faire route; il dit aux frères : "Soyez vigilants afin que nul d'entre vous n'emporte avec lui quelque objet de la substance de cette île". Mais tous lui répondirent : "Père, que tout vol portant atteinte à notre route soit absent(l9) !" Alors Saint Brendan dit : "Voici que notre frère - je vous l'ai prédit - depuis hier garde dans son sein un frein d'argent que, cette nuit, lui a donné un diable". Comme il disait ces mots, le frère jeta le frein de son sein et tomba devant les pieds de l'homme de Dieu, disant: "J'ai péché, Père; pardonne moi et prie pour mon âme afin qu'elle ne périsse point !"(20) Aussitôt tous ensemble se prosternaient, intercédant auprès du Seigneur pour l'âme du frère. Mais comme ils se relevaient et que le saint père relevait le frère, voici qu'ils virent un éthiopien tout petit saillir de son sein, criant à pleine voix et disant : " Pourquoi, homme de Dieu, me jettes-tu de mon habitation où j'ai habité sept ans, et me fais tu m'éloigner de mon héritage ?"(21) Mais Saint Brendan à cette voix dit : "Je te prescris, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, de ne point faire de tort à aucun homme jusqu'au jour du Jugement." S'étant retourné, l'homme de Dieu dit au frère : " Reçois le corps et le sang du Seigneur, puisque ton âme va ainsi quitter ton corps. Ici en effet, tu auras le lieu de ta sépulture. Et ton frère qui t'accompagna depuis son monastère, a, en enfer, son lieu de sépulture. " C'est pourquoi, après avoir reçu l'eucharistie l'âme du frère sortit du corps, soutenue par des anges de lumière, sous les yeux des frères. Et le corps fut enseveli dans ce lieu même par le saint père.
CHAPITRE VIII
L'INTENDANT
Donc les frères avec Brendan vinrent au rivage de l'île où se tenait leur navire. Or comme ils montaient dans le navire, arriva vers eux un jeune homme (22)portant un panier plein de pains et une amphore d'eau. Et il leur dit :"Recevez la bénédiction de la main de votre frère. Car il reste une longue route jusqu'à ce que vous découvriez la consolation. Cependant ne vous feront défaut ni le pain ni l'eau jusqu'à Pâques". Une fois la bénédiction reçue, ils commencèrent à naviguer sur l'Océan, se nourrissant tous les deux jours. Et ainsi, par les multiples lieux de l'océan, le navire était emporté.
CHAPITRE IX
L'ILE DES MOUTONS
Un certain jour, ils virent une île non loin d'eux. Et comme ils commençaient à naviguer vers elle, leur survint un vent favorable pour les aider à ne pas peiner plus que leurs forces ne le pouvaient supporter. Puis, lorsque le navire fut dans le port, l'homme de Dieu prescrivit à tous de débarquer. Mais lui-même sortit après eux. Et comme ils commençaient à parcourir l'île, ils virent des eaux très abondantes se répandre de nombreuses sources, pleines de poissons. Et Saint Brendan dit à ses frères : "Faisons ici le service divin. Sacrifions à Dieu l'hostie immaculée, car aujourd'hui c'est la Cène du Seigneur". Et ils demeurèrent là jusqu'au samedi saint de Pâques. Alors, parcourant 1'île, ils découvrirent de nombreux troupeaux de brebis, d'une seule couleur, c'est-à-dire blanche, si bien qu ils ne pouvaient plus voir la terre en raison de la multitude de brebis. Après qu'il eut rassemblé ses frères, Saint Brendan leur dit : "Prenez du troupeau ce qui est nécessaire pour un jour de fête." Alors les frères, conformément au commandement de l'homme de Dieu, se hâtaient vers le troupeau. Et aussi tôt ils prirent du troupeau une brebis. Et comme ils l'avaient liée par les cornes, c'était elle qui suivait comme si elle eut été domestiquée, celui qui, de sa main, la tenait liée, jusqu'au lieu où se trouvait l'homme de Dieu. A nouveau l'homme de Dieu dit à un des frères : "Prenez l'agneau immaculé du troupeau". Et il se hâta et fit comme il lui avait été enjoint. Comme ils avaient tout préparé pour le service du lendemain, voici que leur apparut un homme tenant dans la main une corbeille pleine de pains cuits sous la cendre et tout ce qui était nécessaire par ailleurs. Lorsqu'il eut tout déposé devant l'homme de Dieu, il se laissa tomber face contre terre, à trois reprises, au pied du Saint père, disant : "En quoi ai-je mérité, pâquerette de Dieu, que tu célèbres Pâques, en ces jours saints, à partir du travail de mes mains ?". Saint Brendan le releva de terre, l'embrassa et dit : "Fils, c'est notre Seigneur Jésus Christ qui nous offre un lieu où nous puissions célébrer sa Sainte Résurrection". L'homme lui répondit : "Père, vous célébrerez ici le Samedi Saint. Mais demain, c'est dans cette île que vous voyez là-bas, que Dieu a décidé que vous célébreriez vigiles et messes de sa Résurrection" (23). Pendant qu'il disait ces mots, il commença à préparer le service des serviteurs de Dieu et tout ce qui était nécessaire pour le lendemain. Une fois les préparatifs achevés et le navire chargé, il dit à Saint Brendan : " Votre embarcation ne peut pas porter davantage. Mais je vous ferai parvenir ce qui vous est nécessaire en nourriture et en boisson jusqu'à Pentecôte". Saint Brendan dit : " D'où sais-tu où nous serons après une huitaine ?" L'homme lui répondit : "Cette nuit, vous serez dans l'île que vous voyez à proximité, et demain jusqu'à la sixième heure. Après vous naviguerez face à l'étendue occidentale, vers une autre île qui n'est pas éloignée de la précédente, et porte le nom de Paradis des Oiseaux. Et là, vous resterez jusqu'à l'octave de Pentecôte". Saint Brendan l'interrogeait aussi comment pouvaient être si grandes les brebis que l'on voyait ici. En effet elles étaient plus grandes que des boeufs. Il lui dit : "Personne ne recueille le lait de ces brebis dans cette île; ni l'hiver ne les affaiblit, mais, sur les pâturages, toujours elles demeurent jour et nuit. C'est ainsi qu'elles sont plus grandes ici que dans vos régions".
JASCONIUS NON REVELE(24)
Et ils s'en allèrent sur le navire et commencèrent à naviguer, après s'être donné mutuellement la bénédiction. Mais comme ils arrivaient à l'autre île, le navire commença à s'immobiliser avant qu'ils n'aient pu atteindre le port de cette île. Saint Brendan prescrivit aux frères de sortir du navire et ainsi firent-ils. Et ils soutenaient le navire des deux cotés avec des cordes jusqu'à ce qu'il vint au port. Or cette île était rocheuse sans aucune herbe. La forêt y était rare et, sur son rivage, point de sable. Plus tard, alors que les frères descendus du navire passaient la nuit en prières et en veilles, l'homme de Dieu était assis à l'intérieur du navire.
JASCONIUS REVELE (25)
Mais Saint Brendan savait la nature de l'île; cependant il ne voulut pas leur en parler, de crainte qu'ils ne fussent terrifiés. Puis, au matin, il prescrivit aux prêtres que chacun chantât la messe, et ainsi firent-ils. Donc alors que Saint Brendan lui aussi, chantait la messe dans le navire, les frères se mirent à tirer du navire la viande crue afin de la saler et aussi les poissons emportés avec eux de l'autre île. Comme ils faisaient cela, ils posèrent un chaudron sur le feu. Or, comme ils fournissaient le feu de bois, et que le chaudron commençait à bouillonner, l'île se mit à se mouvoir comme le flot. Alors les frères se mirent à courir au navire, implorant la protection du saint homme. Et il les tirait un par un à l'intérieur, par les mains. Ayant tout laissé de ce qu'ils avaient apporté sur cette île, ils commencèrent à naviguer. Au loin, l'île était emportée sur l'océan. Alors ils pouvaient voir le feu brûler pendant plus de deux miles. Saint Brendan raconta aux frères ce qu'il en était, disant : " Frères, admirez- vous ce qu'a fait cette île ?" Ils disent : "Nous admirons grandement, et surtout une immense peur nous a pénétrés". Il leur dit : "Mes chers fils, n'ayez point crainte. Car Dieu m'a révélé cette nuit, par vision le mystère de cette chose. Ce n'était point une île où nous fûmes, mais un poisson. Antérieur à tout ce qui nage dans l'océan, il cherche sans cesse sa queue afin de la joindre ensemble à la tête, mais il ne le peut pas, vu la longueur qu'il a, lui dont le nom est Jasconius (26) ".
L'ILE DES OISEAUX
Or comme ils avaient navigué pour s'approcher de l'île, où ils furent durant trois jours auparavant, et qu'ils étaient en vue de son sommet, du côté de l'étendue occidentale, ils virent une autre île, près d'eux, qui la joignait - mais un vaste bras de mer les séparait - herbeuse, couverte d'arbres et pleine de fleurs, et ils commencèrent à-rechercher un port en faisant la tour de l'île. Comme ils naviguaient plus loin face à l'étendue méridionale de cette île, ils découvrirent une rivière se déversant dans la mer, et ils tirèrent le navire vers la terre. Or comme ils descendaient du navire, Saint Brendan leur prescrivit de tirer le navire par des cordes, en remontant le lit du fleuve, autant que possible. Or ce fleuve était aussi large que la largeur du navire. Quant au saint père, il était assis dans le navire et ainsi firent-ils sur la distance d'un mille, jusqu'au moment où ils arrivèrent à la source de ce même fleuve. Saint Brendan dit : "Voici le lieu que notre Seigneur Jésus Christ nous a donné pour demeurer jusqu'à sa sainte résurrection." Et il ajouta : "Si nous n'avions pas d'autres vivres excepté cette source, sa substance et sa boisson nous suffiraient je crois". Or il y avait au-dessus d'elle un arbre d'une ramure en cercle merveilleuse, d'une hauteur non excessive, recouvert d'oiseaux très blancs. Ces derniers l'avaient tant recouvert que ses feuilles et ses rameaux étaient à peine visibles. Donc, à cette vue l'homme de Dieu se mit à penser en lui-même, et à se demander ce qu'il en était ou pour quelle raison une si grande multitude d'oiseaux pouvaient être ainsi rassemblée. A ce sujet, sa lassitude devint si grande qu'il fondit en larmes, s'humiliant à genoux et qu'il implorait Dieu, disant : "Dieu, toi qui connais l'inconnaissable et qui révèles toute chose obscure, tu sais l'angoisse de mon coeur. J'implore ta majesté pour que tu me juges digne, moi pécheur, au nom de ta grande miséricorde, de révéler ton secret, ainsi placé devant mes yeux. Ce n'est pas de ma dignité ou de mon mérite que je présume, mais de ta clémence". Comme il avait dit ces mots en lui et s'était assis de nouveau, voici qu'un des oiseaux s'envolait de l'arbre, et ses ailes résonnaient pour ainsi dire comme une clochette au son clair, - face au navire, où l'homme de Dieu était assis. Et cet oiseau se posa au sommet de la proue et se mit à étendre les ailes comme en signe de joie, et à regarder d'un visage serein le saint père. Aussitôt l'homme de Dieu reconnut que Dieu s'était souvenu de la prière de son coeur. Et il dit à l'oiseau "Si tu es l'envoyé de Dieu, raconte-moi d'où viennent ces oiseaux, ou pour quelle raison ils sont ici réunis ?" Et lui aussitôt répondit : " Nous sommes issus de la grande ruine de 1'antique ennemi. Car dès que nous fûmes créés, nous n'avons pas dit notre entier refus à son péché; sa chute avec ses fidèles causa aussi notre ruine. Mais notre Dieu juste et véridique, en vertu de sa grande justice, nous envoya en ce monde où nous ne supportons pas de peine, si ce n'est que nous ne pouvons pas voir la présence de Dieu. Et ainsi, avec miséricorde, il nous a retirés de la communauté des autres qui furent orgueilleux. Nous errons aussi à travers les multiples parties de l'air, du firmament et des terres, comme les autres esprits qui sont envoyés. Mais, dans les saints jours et les dimanches, nous recevons des corps (27) tels que tu les vois maintenant, et nous demeurons ici et louons notre Créateur. Mais toi, avec tes frères, te voici depuis un an sur la route. Il reste encore six ans. Au lieu où tu as célébré Pâques, aujourd'hui, en ce lieu chaque an tu feras sa célébration, et après tu découvriras ce que tu as placé en ton coeur, c'est-à-dire la Terre de Promission des Saints. "
CHANT DES PSAUMES PAR LES OISEAUX
Après ces paroles, l'oiseau s'élança de la proue pour aller voler vers les autres. Or comme l'heure vespérale approchait, tous les oiseaux qui sur l'arbre se tenaient, se mirent à chanter, pour ainsi dire d'une seule voix, se frappant les flancs et disant : "A toi la louange est due, ô Dieu, dans Sion. Et pour toi, en Jérusalem, sera acquitté le vu.(28). Et sans cesse ils reprenaient le verset sus-dit, pendant l'espace d'une heure environ, et il apparaissait à l'homme de Dieu et à ses compagnons que cette modulation et le son des ailes étaient comme un chant de douleur en vertu de sa suavité. Alors Saint Brendan dit aux frères : "Refaites vos forces corporelles car aujourd'hui nos âmes sont rassasiées de réfection divine", Le repas une fois terminé, ils accomplirent le service de Dieu, qu'ils achevèrent en tout point. Et l'homme de Dieu et ses compagnons, livrèrent leur corps au repos jusqu'à la troisième veille de la nuit. Alors s'étant éveillé, l'homme de Dieu se mit à appeler ses frères pour la veille de la sainte nuit, entonnant ce verset ; "Seigneur, tu ouvriras mes lèvres."(29) Dès que la prière de l'homme de Dieu fut achevée, tous les oiseaux de leurs ailes et de leur bouche, répondaient en disant : " Louez le Seigneur, (30) vous tous qui êtes ses envoyés, louez-le, vous tous qui êtes ses vertus(30)." Et comme ils l'avaient fait au soir, sur l'espace d'une heure, sans cesse ils chantaient. Puis quand l'Aurore eut resplendi, ils entamèrent ces chants : " Et que soit la splendeur (de Notre Seigneur Jésus christ au-dessus de nous (31)", avec une modulation égale et une longueur du chant des psaumes identique à celles des louanges du matin. De même à la troisième heure, ce verset : "Chantez des psaumes à notre Dieu (32)" etc. A sexte : "Eclaire, Seigneur, ton visage au-dessus de nous et prends pitié de nous.(33)". A none, ils psalmodiaient : "Oui, qu'il est bon et doux pour des frères d'habiter unis ensemble. (34)" Et nuit et jour, les oiseaux rendaient louange au Seigneur. Ainsi Saint Brendan, jusqu'au Huitième jour, refaisait les forces de ses frères par ces joies pascales. C'est pourquoi au terme de ces jours de fêtes il dit : "Prenez de cette source, ce qu'il nous faut et seulement ce dont nous avons eu besoin jusqu'ici pour nous laver mains ou pieds". A ces mots, voici l'homme d'avant, avec qui ils furent trois jours avant Pâques, qui leur avait offert la nourriture pascale, voici qu'il vint vers eux avec son navire plein de victuailles et de boissons. Une fois tout embarqué, en présence du saint père, il leur parle, disant : "Hommes frères, vous aurez ici suffisamment jusqu'au jour saint de Pentecôte, et ne buvez pas de cette source. Car il est hardi (35) de la boire. Je vous dirai sa nature. Quiconque en boit, le sommeil se jette sur lui, et il ne s'éveille pas jusqu'à ce que soient accomplies vingt quatre heures. Jusqu'au moment où il émerge hors du pouvoir de la source, il a le sommeil et la nature de l'eau.(36)" Une fois la bénédiction du saint père reçue, il s'en retourna. Alors Saint Brendan demeura au même lieu jusqu'à l'octave de Pentecôte. Car leur réconfort était le chant des oiseaux. Mais au jour de Pentecôte, comme le saint homme avec ses compagnons entonnait des chants, vint à eux l'intendant, portant tout ce qui était nécessaire au service du jour de fête. Or, comme ensemble ils avaient pris place à table pour le repas, ce même homme de Dieu leur parla, disant : "Il vous reste un grand chemin, Remplissez de cette source(37) vos vases et prenez des pains secs, que vous pouvez conserver jusqu'à l'an prochain. Quant à moi, je vous accorderai autant de vivres que votre navire en peut porter.
LA PROPHETIE DE L'OISEAU(38)
Or quand cela fut bien achevé, une fois la bénédiction reçue, il s'en retourna. Alors Saint Brendan, après huit jours, fit charger le navire de tout ce que lui avait accordé l'homme, et de la source il fit remplir tous les vases. Or une fois tous parvenus au rivage, voici que vint l'oiseau, d'un vol rapide, et il se posa de nouveau sur la proue du navire. C'est ainsi que l'homme de Dieu reconnut qu'il voulait lui indiquer quelque chose. Alors, d'une voix humaine, l'oiseau parla : "Avec nous, vous célèbrerez le jour saint de Pâques et cette époque-ci qui s'est écoulée, l'année prochaine. Et là où vous avez été cette année-ci pour la Cène du Seigneur, là vous serez l'année suivante, au jour propice. Semblablement vous célébrerez la nuit dominicale de Pâques là où vous l'avez déjà célébrée sur le dos de Jasconius. Vous découvrirez aussi une île après huit mois, nommés l'île de la famille d'Albe, et là vous célébrerez la Nativité du Seigneur". Et lorsqu'il eut dit ces mots, il s'en retourna. Alors les frères commencèrent à étendre les voiles et à naviguer dans l'océan, et les oiseaux chantaient comme d'une seule voix : "Ecoute nous, Dieu, notre Sauveur, espoir de tous ceux qui habitent les confins les plus reculés de la terre, et de ce qui est au loin en mer"(39). Donc le saint père avec sa famille, par les plaines de l'océan, ici et là, était ballotté, durant trois mois(40) et ils ne pouvaient rien voir, si ce n'est le ciel et la mer. Et ils refaisaient leurs forces, tous les deux ou trois jours, régulièrement.
CHAPITRE XV
L'ILE D'ALBE ET LA TENTATION DES SOURCES
Or un jour, leur apparut une île non loin. Et comme ils s'étaient approchés du rivage, un vent les entraîna en partie (41). Et ainsi pendant quarante jours, tout autour de l'île, ils naviguaient et ne pouvaient pas découvrir un port. Alors les frères qui étaient dans le navire, en vinrent à implorer le Seigneur avec des pleurs, afin qu'Il leur procure son aide. En effet leurs forces, en raison d'une excessive fatigue, presque défaillaient. Et comme ils étaient demeurés en de fréquentes et de nombreuses prières pendant trois jours et en abstinence, leur apparut un port étroit, juste assez pour accueillir un seul navire, et leur apparurent ici-même deux sources, l'une trouble et l'autre claire. Plus tard les frères s'empressaient avec des vases de puiser de l'eau. L'homme de Dieu le vit et leur dit : "Fils, ne poursuivez pas ces gestes interdits sans la permission des vieillards qui, sur cette île, séjournent. Car ils vous accorderont spontanément ces eaux que vous voulez ainsi boire à la dérobée".
L'ACCUEIL DU VIEILLARD
Donc après être descendus du navire, ils se demandaient de quel côté ils iraient, lorsque vint à eux un vieillard, que ses cheveux de l'éclat de la neige, rendaient très digne ainsi que son visage lumineux. Par trois fois, il se prosterna avant d'embrasser l'homme de Dieu. Alors Saint Brendan et ses compagnons, le relevèrent de terre. Et ils s'embrassèrent mutuellement; puis ce même vieillard prit la main du Saint père et avec lui faisait chemin sur une distance d'un stade jusqu'au monastère.
L'ACCUEIL AU MONASTERE DU SILENCE
Maintenant Saint Brendan avec ses frères s'arrêta devant la porte du monastère et dit au vieillard : "A qui appartient ce monastère ? Qui le dirige ? D'où viennent ceux qui y séjournent ? " Et c'est ainsi que le saint père questionnait par diverses paroles, et jamais il ne pouvait obtenir de réponse de cet homme, mais seulement avec une incroyable bienveillance, il le faisait savoir. Dès que le saint père eut reconnu la loi de ce lieu, il avertissait ses frères, disant : "Gardez vos bouches exemptes de paroles, afin que ces frères ne soient pas souillés par notre attitude ridicule". Une fois les paroles interdites, voici que onze frères vinrent à leur rencontre avec des chasses, des croix et des chants, disant ce chapitre : " 0 saints, sortez de vos demeures et avancez-vous en présence de la vérité. Sanctifiez le lieu, bénissez la foule et jugez digne de garder dans la paix nous qui sommes vos serviteurs (42.). " Une fois le verset achevé, le père du monastère embrassa Saint Brendan et ses compagnons à tour de rôle. Semblablement aussi ses prêtres embrassaient la famille du saint homme. Après cet échange de paix, ils les menèrent au monastère comme c'est la coutume dans les terres occidentales de mener les frères tout en priant. Après cela, l'abbé du monastère avec ses moines, commença de laver les pieds des hôtes et de chanter cette antienne : "Je vous donne ce commandement nouveau (aimez-vous les uns les autres)"(43).
LE REPAS AU MONASTERE (44)
Ces actes achevés, avec un grand silence, l'abbé les conduisit au réfectoire, et au son de la cloche, après s'être lavé les mains, tous s'assirent. A nouveau à un deuxième son de cloche, se leva un des frères du père du monastère et il commença à servir la table de pains d'une étonnante blancheur et de certaines racines d'une saveur incroyable. D'autre part les frères et leurs hôtes étaient assis l'un à côté de l'autre. Et entre deux frères, toujours un pain intact était posé. Le même serviteur au son de la cloche, servait la boisson aux frères. L'abbé aussi les exhortait avec une grande joie, disant aux frères : "De cette source vous vouliez boire aujourd'hui à la dérobée, ainsi faites lui honneur, dans la joie et le respect du Seigneur. Avec l'autre source trouble que vous avez vue, sont lavés les pieds des frères chaque jour, car tout le temps, elle est chaude. Mais les pains qu'ainsi vous voyez, nous ne savons pas où ils sont préparés, ni qui les apporte à notre office. Cependant nous savons que, selon la grande aumône de Dieu, ils sont servis à ses serviteurs par quelque créature soumise. Nous sommes ici vingt quatre frères. Tous les jours nous avons douze Pains. Les jours de fêtes et les dimanches, Dieu a ajouté un pain entier à chaque frère, afin qu'ils aient à dîner de leurs morceaux . Précisément, à votre arrivée, nous avons double vivres et c'est ainsi que le Christ nous a fait des dons depuis le temps de Saint Patrick et de Saint Albe(45), notre père depuis justement quatre vingt ans. Cependant la vieillesse ou la langueur se sont dans nos membres très peu propagées. Dans cette île, nous n'avons besoin de rien pour manger qui soit apprêté par le feu. Ni le froid ni la chaleur ne nous abattent jamais. Mais lorsque le moment des messes ou des veilles vient, dans notre église sont allumés les cierges, que nous avons emportés avec nous de notre pays, selon une prédestination divine, et ils brûlent jusqu'au jour, et aucun de ces cierges ne diminue".
LA FLECHE ENFLAMMEE
Or après qu'ils eurent bu par trois fois, l'abbé, selon le rite accoutumé, sonna la cloche, et les frères ensemble, dans un grand silence et avec grand effort, se levèrent de table, précédant les pères vers l'église. Et marchaient après eux Saint Brendan et le père du monastère. Donc comme ils entraient dans l'église, voici douze autres frères qui, vinrent à leur rencontre, en s'inclinant, joyeusement. Lorsque Saint Brendan les vit, il dit : " Abbé, pourquoi ceux-ci n'ont point mangé avec nous ? " - Ce dernier lui répondit : "A cause de vous, car notre table ne peut pas tous nous recevoir en un seul groupe. Sous peu ils referont leurs forces et rien ne leur manquera. Quant à nous, dans l'église, chantons les vêpres pour que nos frères qui sous peu referont leurs forces puissent au moment voulu chanter après nous." Or tandis qu'ils achevaient leur service du soir, Saint Brendan en vint à considérer comment cette église avait été construite. En effet, elle était carrée, aussi longue, que large, et avait sept fois trois cierges. Et trois cierges étaient devant l'autel placé au centre, et deux devant les autres autels. Or les autels étaient taillés dans le cristal, de forme carrée, et leurs vases semblablement de cristal, à savoir les patènes, 1es calices, les burettes, et tous les vases par ailleurs convenant au culte divin et les vingt quatre sièges entourant l'église (46). D'autre part une place était réservée où l'abbé s'asseyait entre les deux choeurs. En effet, c'est en partant de lui qu'un groupe commençait son chant, et vers lui le finissait, et semblablement l'autre groupe. Personne de l'un ou de l'autre groupe n'osait commencer, si ce n'est l'abbé. Aucune voix dans le monastère ni aucun bruit. Personne ici ne se mettait en avant. Si un frère avait quelque besoin, il allait devant l'abbé, s'agenouillait devant lui, demandant en son coeur ce qu'il était nécessaire de faire. Aussitôt le saint père prenant une tablette et un stylet, par suite d'une révélation de Dieu écrivait et donnait la tablette au frère qui réclamait de lui conseil. Or comme Saint Brendan en lui-même considérait tout cela, l'abbé lui dit : "Père, il est désormais temps que nous revenions au réfectoire, pour que tout soit fait avec le jour". Et ainsi allèrent-ils au repas du soir comme ils l'avaient fait à celui de midi. Tout étant achevé selon l'ordre de la course du jour, tous avec une grande ardeur se hâtaient à complies. Alors l'abbé commençait le verset suivant : " Dieu, venez à mon secours " (47), et en même temps ils rendaient honneur à la Trinité : " Nous avons mal agi, nous avons commis l'injustice. Toi qui es notre père pieux, épargne-nous, Seigneur. Que dans la paix, elle-même, je dorme et me repose, puisque toi, Seigneur, particulièrement tu m'as établi dans l'Espérance (48). " Après cela, ils chantaient ce qui convient à cette heure. Une fois les psaumes achevés selon leur ordre, tous les frères sortaient et se dirigeaient vers leur propre cellule, prenant avec eux leurs hôtes. Mais l'abbé avec Saint Brendan restait dans l'église attendant la venue de la lumière. Alors le bienheureux Brendan interrogea le saint père sur leur silence et sur leur vie, comment ils pouvaient être ainsi dans une chair humaine. Alors le père avec une immense déférence et humilité, répondit : "Abbé, en présence du Christ bien aimé, je te l'avoue; voilà quatre vingt ans que nous vînmes sur cette île. Nous n'entendons aucune voix humaine, excepté quand nous chantons des louanges à Dieu. Entre nous qui sommes vingt quatre, nous ne parlons pas autrement que par signe du doigt ou des yeux, et seuls les plus anciens en ont l'initiative. Aucun de nous n'a subi la faiblesse de la chair ou des esprits(49) qui errent autour de l'espèce humaine, après être venus en ce lieu". Saint Brendan dit : "Est-ce qu'il nous est permis de rester ici maintenant ?" Il lui dit : "Il ne vous est pas permis car ce n'est pas la volonté de Dieu. Pourquoi m'interroges-tu père ? Est-ce que Dieu ne t'a pas révélé ce qu'il te faut faire avant que tu viennes ici vers nous ? Car il te faut revenir en ton propre pays avec tes quatorze frères. En effet Dieu y a préparé le lieu de ta sépulture. Quant aux deux qui sont en plus, l'un sera pèlerin sur l'île des anachorètes. Puis l'autre, d'une mort très honteuse, sera condamné aux Enfers". Comme entre eux ils échangeaient ces mots, voici que sous leurs yeux, une flèche enflammée envoyée à travers la fenêtre alluma toutes les torches qui étaient placées devant les autels. Et aussitôt la flèche retourna à l'extérieur. Cependant la lumière précieuse demeura sur les torches. A nouveau le bienheureux Brendan questionna : " Par qui seront éteints au matin les cierges ? " Le saint père lui dit : "Viens et vois le mystère de ce miracle. Voici que tu remarques les chandelles ardentes au milieu des vases. Cependant rien n'en est consumé, de sorte qu'elles soient moindres ou décroissent et aucune cendre au matin, ne demeurera, car la lumière est spirituelle". Saint Brendan dit : "Comment se peut-il que dans une chose créée corporelle, une lumière incorporelle, corporellement brûle ? ". Le vieillard répondit : "N'as-tu pas lu le buisson ardent sur le Mont Sinaï ? Et pourtant le buisson demeura tel qu'il était sans être endommagé par le feu (50)". Et après une veille de toute la nuit jusqu'au matin, Saint Brendan demanda la permission de partir sur sa route. Le vieillard lui dit : "Non, père. Tu dois, avec nous, célébrer la Nativité du Seigneur, jusqu'à l'octave de l'Epiphanie". Donc le saint père avec sa famille demeura durant ce temps, avec les vingt quatre pères, sur 1'île appelée l'île de la famille d'Albe. Mais les fêtes passées, une fois les provisions reçues ainsi que la bénédiction des saints hommes, le bienheureux Brendan avec ses dociles compagnons tendit la voile de son embarcation, sur l'Océan, au plus vite, et soit par la rame, soit par la voile, le navire était emporté par de multiples lieux jusqu 'au début du Carême.
CHAPITRE XX
L'EAU DU SOMMEIL
Or un jour, ils virent une île à l'horizon, non loin d'eux. Comme les frères la voyaient, ils se mirent à ramer avec ardeur, car déjà ils étaient profondément épuisés par la faim et la soif. En effet, trois jours avant, avaient manqué nourriture et boisson. Mais quand le saint père eut béni le port et que tous furent sortis du navire, ils découvrirent une source très limpide, des herbes diverses et des racines autour de la source, et divers genres de poissons courant au travers de son lit vers la mer, Alors Saint Brendan dit à ses frères : "Dieu nous a donné ici réconfort après la peine. Prenez des poissons autant qu'il suffit à notre repas, et faites-les rôtir au feu. Rassemblez herbes et racines que le Seigneur a préparées à ses serviteurs". Et ainsi firent-ils. Or comme ils puisaient de l'eau pour boire, l'homme de Dieu ajouta : "Frères, méfiez-vous de ne pas utiliser outre mesure ces eaux, afin qu'elles ne tourmentent pas trop gravement vos corps". Mais les frères, inégalement, tenaient compte des limites prescrites par l'homme de Dieu, et les uns buvaient une seule coupe, les autres deux, et le reste trois, et sur eux tomba un sommeil de trois jours et de trois nuits, sur les autres aussi un sommeil de deux jours, sur le reste enfin un sommeil d'un jour et d'une nuit. Cependant le saint père sans arrêt, implorait le Seigneur pour ses frères parce que leur ignorance leur causait un tel péril. Ces trois jours passés, le saint père dit à ses frères : "Frères fuyons cette mort afin que rien de pire ne nous arrive. En effet le Seigneur nous a donné une nourriture et vous en avez fait votre perte. Partons donc de cette île, prenez pour vivres de ces poissons, et faites autant de préparatifs qu'il est nécessaire pour vous restaurer tous les trois jours, jusqu'à la Cène du Seigneur. Et de même pour l'eau, une coupe pour chaque frère, par jour, et pour les racines de même". Alors, chargeant le navire de tout ce que l'homme de Dieu avait recommandé, ils tendirent les voiles et commencèrent à naviguer dans l'océan, en direction de l'étendue septentrionale. Ensuite, après trois jours et trois nuits, le vent cessa et la mer commença à être pour ainsi dire coagulée, en vertu d'une excessive immobilité. Le Saint père dit : "Mettez les rames dans le navire, et relâchez les voiles. En quelque lieu, en effet, où Dieu veut le navire gouverner, qu'Il le fasse". Et ainsi le navire était emporté par les multiples lieux de l'Océan, environ durant vingt jours. Il s'ensuivit que, Dieu suscita pour eux un vent favorable venant de l'Ouest vers l'Est. Alors ils commencèrent dans le même temps à tendre les voiles sur la haute mer et à naviguer. D'autre part, ils refaisaient leurs forces tous les trois jours.
CELEBRATION DE LA CENE ET DE PAQUES(51)
Or un certain jour, leur apparut une île au loin comme un nuage, et Saint Brendan de dire : " Fils, reconnaissez-vous cette île-là ? " Et ils répondirent : "A peine". Alors il déclare : "Quant à moi, je la reconnais. Car c'est précisément l'île sur laquelle nous avons été, l'autre année, pour la Cène du Seigneur, là où notre bon intendant demeure". Alors les frères se mirent à ramer avec ardeur, en raison de leur joie, autant que leurs forces pouvaient le supporter. Ce que voyant l'homme de Dieu eût à dire : "Ne fatiguez pas vos membres sottement, mes enfants. Est-ce que Dieu tout-puissant n'est pas le pilote et la nautonier de notre embarcation? Abandonnez-vous à Lui, car Lui-même dirige notre chemin comme il veut". Mais comme ils approchaient du rivage de l'île, vint à leur rencontre, sur une embarcation, le même intendant, et il les conduisit au port où, l'année passée, ils descendirent du navire, et il magnifiait Dieu, et embrassait les pieds de chacun d'eux, commençant par le saint père jusqu'au dernier, disant: "Merveille est Dieu dans ses oeuvres saintes" jusqu'à "Béni soit Dieu (52).Une fois le verset achevé, et tous sortis du navire, il étendit une tente et prépara un bain. Or c'était la Cène du Seigneur : à la fois il couvrit tous les frères de vêtements nouveaux, et il les servit durant trois jours. Les frères de leur côté pour célébrer la Passion du Seigneur, avec un grand zèle, jusqu'au Samedi Saint, demeuraient. Et une fois les cérémonies du Samedi Saint achevées, et les victimes spirituelles immolées à Dieu, et la Cène accomplie,le même intendant dit à Saint Brendan et à ses compagnons : "Repartez et embarquez pour que vous célébriez la nuit sainte du dimanche de la Résurrection là où Vous l'avez célébrée l'autre année, et de même la journée jusqu'à la sixième heure. Apres, naviguez vers l'île appelée "Paradis des oiseaux" où vous avez été, l'année passée, de Paques jusqu'à l'octave de Pentecôte, et emportez, avec vous tout ce qui vous est nécessaire de nourriture et de boisson. Quant à moi, je vous rendrai visite le dimanche suivant". Et ainsi firent-ils. Il chargea lui-même le navire de pains, de boisson, de viande et de bien d'autres vivres délicieux autant qu'ils pouvaient en prendre. Saint Brendan, une fois la bénédiction donnée, monta sur le navire, et vers la deuxième île ils commencèrent aussitôt à naviguer. Et comme ils approchaient du lieu où il leur fallait descendre du navire, leur apparut le chaudron que l'autre année, ils avaient abandonné. Alors Saint Brendan sortant du navire avec ses frères, se mit à chanter l'hymne des trois enfants (53) jusqu'à la fin. Une fois l'hymne achevée, l'homme de Dieu avertissait ses frères, disant : "Fils, veillez et priez pour que vous n'entriez pas en tentations.(54) Considérez comment Dieu subjugue la Bête très prodigieuse sous nos pieds, sans que rien ne l'en empêche. " Les frères, alors, veillaient, éparpillés par l'île, jusqu'aux vigiles matinales. Ensuite tous les prêtres offraient à Dieu, chacun, des messes, jusqu'à la troisième heure. Alors Saint Brendan immola l'agneau immaculé à Dieu et disait aux frères : "L'année dernière ici j'ai célébré la Résurrection du Seigneur. Je veux faire de même cette année". Et puis, de ce lieu, ils partirent vers l'île des Oiseaux. 0r comme ils touchaient au port de l'île même, tous les oiseaux chantaient, presque d'une seule voix, disant : "Salut à notre Dieu qui siège sur le trône ainsi qu'à l'agneau.(55)". Et à nouveau : " Le Seigneur, notre Dieu nous illumine. Instituez un jour de fête, en des cortèges jusqu'à la corne de l'autel "(56). Autant leurs voix que leurs ailes, résonnaient longtemps -environ la moitié d'une heure-, jusqu'à ce que fût sorti le saint père, avec sa sainte famille et tout ce que le navire portait, et qu'il fût assis dans sa tente. Et comme en ce lieu, avec ses compagnons, il avait célébré les fêtes pascales, l'intendant déjà rencontré vint à eux, comme il l'avait prédit, le dimanche suivant Pâques, portant avec lui tous les vivres qui conviennent à l'usage de la vie humaine. Comme ils se reposaient au repas, voici que l'oiseau se posa sur la proue du navire, les ailes étendues, et sonores, comme le son issu d'un orgue puissant. Le saint homme reconnut donc qu'il voulait lui donner quelque révélation. En effet le même oiseau prononça ces paroles : "Dieu qui est tout puissant et bon vous a réservé quatre lieux pour quatre périodes, jusqu'à ce que s'achèvent les sept années de votre voyage; ainsi la Cène du Seigneur avec votre intendant, qui, toute l'année vous accompagne; sur le dos de la Bête, vous célébrerez Pâques; avec nous, les fêtes pascales jusqu'à l'octave de Pentecôte; auprès de la famille d'Albe, vous célébrerez la Nativité du Seigneur. Mais, après sept ans, précédés de grandes et multiples épreuves vous découvrirez la Terre de Promission des Saints que vous cherchez et vous y habiterez quarante jours, et après, Dieu vous reconduira vers la terre de votre naissance". Le saint père, lorsqu'il l'entendit, se prosterna à terre en présence de ses frères, rendant grâce et louange à son Sauveur.
FIDELITE ET ATTENTIONS DE L'INTENDANT
Comme le vénérable vieillard achevait ses prières, l'oiseau revint en son lieu. Puis à la fin du repas, l'intendant parla : "Avec l'aide de Dieu je reviendrai vers vous, au jour de la venue du Saint Esprit sur les apôtres, avec vos vivres". Une fois reçue la bénédiction du Saint père et de tous ses compagnons, il revint en son lieu. Puis le vénérable père demeura, ici-même, durant des jours. Ainsi donc une fois les jours de fête accomplis, Saint Brendan prescrivit à ses frères de préparer la navigation, et de remplir les vases d'eau. Une fois le navire mis à la mer, voici que leur ami, sur un navire chargé de nourriture, vint vers les frères. Comme il avait déposé les vivres dans l'embarcation du saint homme, après les avoir tous embrassés, il revint d'où il était venu. Alors le vénérable père, avec ses compagnons, navigua sur l'Océan, et le navire était emporté durant quarante jours.
L'ATTAQUE ET LA DEVORATION DU MONSTRE MARIN
PROPHETIE DE SAINT BRENDAN
Or un jour, leur apparut une bête(57) d'une immense grandeur qui les poursuivait, de loin, écumant de ses narines, et labourant les flots à très vive allure(58), comme pour les dévorer. Comme les frères la voyaient, vers le Seigneur ils s'écriaient, disant : "Libère-nous, Seigneur, afin que ce monstre ne nous dévore pas". Alors Saint Brendan les réconfortait, disant : "Rassurez-vous, hommes de peu de foi"(59). Dieu qui est toujours notre défenseur, lui-même nous délivrera de la gueule de cette bête et de tous les autres périls". Ainsi, comme le monstre s'approchait d'eux, il était précédé par des flots d'une stupéfiante hauteur jusqu'au navire. C'est pourquoi les frères avaient de plus en plus de crainte. Quant au vénérable vieillard, étendant ses mains vers le ciel, il dit : "Seigneur, délivre tes serviteurs, comme tu as délivré David de la main de Goliath le Géant, Seigneur, délivrez-nous, comme tu as délivré Daniel de la fosse des lions. Seigneur, délivre-nous, comme tu as délivré Jonas du ventre de la grande baleine (60)". Une fois ces trois versets achevés, voici qu'un monstre immense venu de l'Ouest, tout proche d'eux, traversait les flots à la rencontre de l'autre bête. Et aussitôt il entra en guerre contre cette dernière, de telle sorte qu'il crachait du feu de sa gueule. Cependant le vieillard dit à ses frères : "Voyez, fils, les merveilles de notre Rédempteur. Voyez l'obéissance des bêtes à leur Créateur. Seulement regardez la fin de l'affaire. Ce combat ne nous apporte, en effet, rien de mal, mais comptera pour la Gloire de Dieu". A ces mots, le monstre malveillant qui poursuivait les serviteurs du Christ, fut tué et mis en trois parties, sous leurs yeux, et l'autre monstre, après la victoire, retournait d'où il était venu. Puis un autre jour, ils virent une île, au loin, boisée grandement et de bel aspect. D'autre part, approchant de son rivage et descendant du navire, ils virent la partie arrière du monstre qui avait été tué. Saint Brendan dit : "Voici ce qui voulut nous dévorer. C'est lui que vous dévorerez, parce que nous attendrons longtemps dans cette île. Tirez-donc votre embarcation plus haut sur la terre et cherchez un lieu sur cette île où votre tente puisse être dressée". Quant au saint père, il leur indiqua un lieu d'habitation. Puis lorsqu'il eurent agi selon le précepte de l'homme de Dieu et qu'ils eurent placé tous les ustensiles dans la tente, Saint Brendan dit à ses frères : " Prenez vos vivres de ce monstre, de quoi nous suffire durant trois mois. Car cette nuit-ci, ce cadavre sera dévoré par des bêtes ". Alors, jusqu'au soir ils emportaient de la viande autant qu'il leur en fallait, selon la recommandation du saint père. Alors les frères, une fois tout achevé, dirent : "Père, comment pouvons-nous vivre ici sans eau ?" Il leur dit :' "En quoi est-il plus difficile à Dieu de vous offrir de l'eau que de la nourriture? Allez donc du côté de l'étendue méridionale de cette île, et vous découvrirez une source très limpide, des herbes nombreuses et des racines, et prenez-moi, de ce lieu, des vivres avec modération". Et ils découvrirent tout ce que l'homme de Dieu avait prévu. Ici resta donc Saint Brendan trois mois, parce qu'il y avait tempête en mer, vent très violent, trouble de l'air en pluie et en grêle. Cependant les frères allaient voir ce que devenait le monstre. Or, comme ils étaient venus au lieu où la cadavre était auparavant, ils ne découvrirent rien, sinon des os. Et ils revinrent sur l'heure, auprès de l'homme de Dieu, disant : "Père, il est arrivé ce que vous avez dit". Il leur répondit : "Je sais, fils, que vous avez voulu me mettre à l'épreuve pour savoir si j'avais dit vrai ou non. Je vous donnerai un autre signe : (Une partie d'un poisson, échoue ici, cette nuit; demain vous en serez restaurés"(61)". Alors, au jour suivant, les frères s'en allèrent vers l'endroit indiqué et ils découvrirent le poisson que l'homme de Dieu avait prédit. Et ils en prirent autant qu'ils pouvaient en porter. Mais le vénérable père leur dit : "Conservez, avec soin, cet approvisionnement; de là vous aurez le nécessaire. Car le Seigneur rendra le temps serein, aujourd'hui(62), demain et après demain, et cessera la violence de la mer et des flots. Après nous partirons de ce lieu".
L'ILE DES TROIS CHOEURS (63)
Or les jours prévus s'étant écoulés, Saint Brendan prescrivit à ses frères de charger le navire, d'emplir les outres et les autres vases, de rassembler herbes et racines pour son usage; car le père, après son ordination de prêtre, n'avait plus jamais goûté de chair où avait habité un souffle de vie. Et une fois que le navire fut entièrement chargé, et les voiles tendues, ils partirent face à l'étendue septentrionale. Mais un jour, comme ils voyaient une île loin d 'eux, Saint Brendan leur dit : "Voyez-vous cette île ?" Ils dirent : "Nous voyons". Et il leur dit : "Trois peuples sont sur cette île, un d'enfants, un autre de jeunes gens, un troisième de vieillards. De plus, un de nos frères, ici, sera pèlerin". Alors les frères demandaient qui d'entre eux était nommé. Or comme ils avaient persévéré dans cette réflexion, et que Saint Brendan les voyait tristes, de dire : "C'est ce frère-ci qui va demeurer ici", Or c'était un des trois frères qui suivirent Saint Brendan du monastère, A leur sujet, il avait fait une prédiction aux frères autrefois, quand ils embarquèrent dans sa patrie. Donc les frères approchaient de 1'île, jusqu'au moment où le navire toucha le rivage. Or, cette île était d'une étendue plane merveilleuse, tant et si bien qu'elle leur apparaissait identique à la mer, sans arbre ou quoi que ce soit que le vent pût agiter, En effet, elle était toute brillante, recouverte d'une végétation blanche et pourpre, Et là, ils virent trois groupes, comme l'homme de Dieu l'avait prédit. En effet, entre un groupe et un autre, la distance était, à peu près, d'une pierre jetée par une fronde ; et ils ne cessaient d'aller ici et là, et un groupe chantait, en se tenant à un endroit, disant : "Les Saints iront se fortifiant de plus en plus jusqu'à ce qu'ils paraissent devant Dieu à Sion(64)". Pendant qu'un groupe achevait ce verset, l'autre groupe se plaçait et commençait à chanter le même chant, et ainsi faisaient-ils sans s'arrêter. Or le premier groupe était celui des enfants dans des vêtements très blancs, le deuxième dans des vêtements verts et le troisième groupe en tuniques pourpres. D'autre part, c'était la quatrième heure quand ils atteignirent le port de l'île. Puis, quand la sixième heure vint, les groupes commencèrent à chanter ensemble, disant : "Dieu, prends pitié de nous (65)" jusqu'à la fin,(66) et " Dieu, viens à mon secours ".De même aussi le troisième psaume: " J'ai foi "(67), et la prière comme ci-dessus. De même à la neuvième heure, les trois autres psaumes : "De profundis"(68), "Voyez, qu'il est bon et doux pour des frères d'habiter unis ensemble(69)", et "Louez, ô Jérusalem, le Seigneur"(70). Et ils chantaient aux vêpres : "A toi la louange est due(71)" "Loue Dieu, ô mon âme"(72), et le troisième psaume (73) : "Louez, ô enfants, le Seigneur". Et ils chantaient assis quinze des psaumes graduels. Puis quand ils eurent achevé ce chant, aussitôt une nuée d'une merveilleuse clarté obscurcit l'île, mais ils ne pouvaient pas voir ce qu'ils avaient vu avant, en raison de l'épaisseur de la nuée. Cependant les voix de ceux qui chantaient faisaient entendre le même chant jusqu'aux vigiles matinales. Alors les groupes se mirent à chanter; disant : "Louez le Seigneur des Cieux (74)", "Chantez pour le Seigneur un chant nouveau(75)", "Louez le seigneur en ses oeuvres saintes(76)". Après cela, ils chantaient douze psaumes selon l'ordre du psautier. Mais tandis que le jour illuminait, la nuée découvrit l'île, et aussitôt ils chantaient six psaumes : "Aie pitié de moi, Dieu (77)", "Dieu, mon Dieu, vers toi(78)", "Seigneur, tu as été pour nous un refuge (79)", "Toutes les races, battez des mains (80)", "Dieu, en ton nom (81)", "J'aime puisque Dieu écoute (82)", au-dessous de 1'Alléluia. Ensuite ils sacrifiaient l'agneau immaculé, et tous, à la communion, venaient, disant : "Le corps sacré du Seigneur et le sang du Sauveur, prenez les pour vous, dans la vie éternelle. (83) Et ainsi une fois le sacrifice achevé, deux du groupe des jeunes gens prenaient une corbeille pleine de fruits pourpres, et les portèrent au navire, disant : "Recevez la récolte de l'île des hommes forts (84), et rendez-nous notre frère, et partez en paix". Alors Saint Brendan appela le frère à lui, pour lui dire : "Embrasse tes frères et va avec ceux qui te réclament. Jour faste où ta mère t'a conçu parce que tu as mérité d'habiter avec une telle congrégation !" Et une fois qu'il les eut tous embrassés ainsi que le saint père, Saint Brendan ; lui dit : "Fils, souviens-toi en ton coeur des nombreux bienfaits que Dieu t'a accordés en ce siècle. Va et prie pour nous ". S'avançant, le frère suivit les deux jeunes gens vers leur compagnie Le vénérable père, avec ses aides, se mit à naviguer. Or comme la neuvième heure était venue, il prescrivit à ses frères de refaire leurs corps des fruits de 1'île des hommes forts. L'homme de Dieu choisit un fruit. Lorsqu'il vit sa taille et qu'il était plein de suc, il s'étonna et dit : "Jamais je n'ai vu ni ramassé de fruits d'une taille si grande". Ils étaient, en effet, d'une taille égale à celle d'une grosse boule. Alors l'homme de Dieu demanda qu'on lui apportât un vase, écrasa l'un de ces fruits, et tira de son suc le poids d'une livre; puis le saint père la divisant en douze onces, donna à chacun une once(85). Ainsi, durant douze jours, les frères refaisaient leurs forces de ces fruits, un par un, et gardaient toujours dans la bouche la saveur du miel.
L'ILE DES GRAPPES (86)
Une fois autant de jours achevés, le saint père prescrivit un jeûne, tous les trois jours. Puis les trois jours écoulés, voici qu'un oiseau très grand volait en direction du navire, tenant le rameau de quelque arbre inconnu, avec, à l'extrémité, une grosse grappe d'un rouge éclatant merveilleux. Ce rameau, il l'envoya de son bec, sur la poitrine du saint homme. Alors Saint Brendan appela ses frères à lui et dit : " Voyez et recevez la nourriture que Dieu nous a envoyée ". Car les grains de cette grappe étaient comme des pommes. Ainsi l'homme de Dieu les sépara en grains uniques, et ils avaient de la nourriture jusqu'au douzième jour. A nouveau l'homme de Dieu entreprit un jeûne tous les trois jours, avec ses frères. Et en effet, au troisième jour, ils virent une île, non loin d'eux, toute entière recouverte d'arbres très denses, portant des fruits de la dimension des grappes sus-dites, d'une abondance incroyable, de telle sorte que tous les arbres étaient courbés vers la terre, sous un même fruit, d'une même couleur. Aucun arbre n'était stérile, et aucun arbre n'était d'une autre espèce sur la même île. Alors les frères atteignirent un port. Puis l'homme de Dieu descendit du navire et se mit à parcourir l'île. Son odeur était comme l'odeur d'une maison pleine de pommes puniques (87). Les frères, pendant ce temps, attendaient au navire jusqu'à ce que l'homme de Dieu revînt à eux. Durant cette attente, le vent leur apportait une odeur si suave que leurs âmes étaient poussées à rechercher cette odeur. Cependant le vénérable père découvrit six sources baignant des herbes verdoyantes et diverses racines. Après cette découverte, il revint vers ses frères, portant avec lui des prémices de l'île, et leur dit : "Descendez du navire et dressez la tente; réconfortez-vous des fruits de cette terre, que le Seigneur nous a montrés". Ainsi, durant quarante jours ils refaisaient leurs forces des grappes, des herbes ou des racines que les sources baignaient.
LE COMBAT DES OISEAUX
Or le bienheureux Saint Brendan et ses compagnons aimés, après cette période, embarquèrent emportant avec eux des fruits autant que pouvait en porter leur navire. Tandis qu'ils étaient embarqués, alors ils tendaient la voile sur les flots, vers où le vent pourrait les diriger. Et comme ils naviguaient, leur apparut un oiseau appelé Griffon, au loin, volant à leur rencontre. Comme les frères le voyaient, ils disaient à Saint Brendan : "C'est pour nous dévorer que vient cet oiseau !" Et il leur dit "Ne craignez pas. Dieu est notre aide, qui nous défendra encore cette fois-ci". L'oiseau étendait ses griffes pour prendre les serviteurs de Dieu. Soudain l'oiseau qui leur apporta autrefois un rameau avec des fruits, voici qu'il vint à l'encontre du griffon, d'un vol très rapide, et voulut aussitôt le dévorer. Cependant le griffon se défendait jusqu'à ce que l'oiseau eût vaincu le griffon et en eût arraché les yeux. Puis le griffon s'envolait ver les hauteurs, si bien qu'à peine les frères pouvaient le voir. Toutefois le meurtrier ne l'abandonna pas avant de l'avoir tué. En effet, son cadavre, en présence des frères, tomba en mer, à côté du navire. Puis l'autre oiseau revint en son lieu. Alors Saint Brendan, avec ses navigateurs, peu de temps après, vit l'île de la famille d'Albe, Et là il célébra la Naissance du Seigneur avec ses frères. Ces jours de fête achevés, le vénérable père, une fois la bénédiction de l'abbé et de ses disciples reçue, parcourait l'Océan, pendant longtemps, à l'exception des jours de Fêtes, c'est-à-dire Paques et la Naissance du Seigneur. En effet, en ces jours, il avait repos dans les lieux déjà nommés.
LA MER TRANSPARENTE
Or, à l'époque, où Saint Brendan avait célébré, en son navire, la fête de Saint Pierre Apôtre,(88) ils découvrirent une mer si claire qu'ils pouvaient voir tout ce qui était dessous. Et comme ils en regardaient l'intérieur, ils virent de multiples espèces de bêtes étendues sur le sable. Il leur semblait aussi qu'ils auraient pu les toucher de la main, en raison de l'extrême limpidité de cette mer. Elles étaient, en effet, comme troupeaux étendus sur des pâturages. Ainsi, en raison de leur multitude, elles semblaient être une cité d'hommes assis en cercle la tête baissée(89).Alors les frères demandaient au vénérable père qu'il célébrât en silence sa messe, de crainte que les bêtes n'entendent et qu'elles ne se lèvent pour les poursuivre. Le saint père sourit et leur disait : "Je m'étonne grandement de votre sottise. Pourquoi craignez-vous ces bêtes et pourquoi n'avez-vous pas craint celui qui dévore toutes les bêtes de la mer et en est le maître, lorsque vous étiez assis et que vous psalmodiez de nombreuses fois sur son dos ? Loin de là, vous avez coupé du bois et vous avez fait cuire de la viande. Aussi pourquoi les craindre ? Est-ce que le Dieu de toutes les bêtes n'est pas notre Seigneur Jésus Christ, qui peut rendre humbles tous les êtres vivants ?" A ces mots, il se mit à chanter aussi haut qu'il le pût. Et tous les autres frères, en effet, ne cessaient de regarder les bêtes. D'ailleurs comme les bêtes avaient entendu la voix de celui qui chantait, elles se levèrent et nageaient tout autour du navire, si bien que les frères ne pouvaient, en aucun côté, voir au-delà, en raison de la multitude de bêtes qui nageaient. Cependant, elles n'approchaient pas de l'embarcation, mais de long en large, elles nageaient, et ainsi, ici et là, jusqu'à ce que l'homme de Dieu eût fini la messe, elles se tenaient dans ces bornes. Après quoi, comme en fuite, toutes les bêtes, par les multiples chemins détournés de l'océan, s'éloignaient du visage du serviteur de Dieu, en nageant. D'autre part, Saint Brendan, durant huit jours, avec un vent favorable et les voiles tendues, eut peine à franchir la mer transparente.
LA COLONNE DANS LA MER (90)
Puis un certain jour, comme ils avaient célébré les messes, leur apparut une colonne sur la mer, et elle ne leur semblait pas loin, mais ils leur fallait trois jours pour l'approcher. Or comme l'homme de Dieu s'en était approché, il cherchait à distinguer son sommet; cependant il ne put que très peu la voir, en raison de sa hauteur. Car elle était plus haute que l'air. En outre, elle était recouverte d'un filet à larges mailles, si larges que le navire pouvait traverser par ses ouvertures. Et ils ignoraient quelle était la matière du filet lui-même. S'il avait, en effet, la couleur de l'argent, il semblait plus dur que le marbre. D'autre part, la colonne était d'un cristal très limpide (91). Alors Saint Brendan dit à ses frères : " Rangez les rames dans le navire, le mât et les voiles aussi, et quelques-uns parmi vous tiendront entre temps, les agrafes du filet. " En effet le treillis occupait de tous côtés un grand espace, loin de la colonne, d'environ un mille, et s'étendait de même en profondeur. Comme ils avaient fait ces manoeuvres, l'homme de Dieu leur dit : "Dirigez le navire à l'intérieur par quelque ouverture, dans le but de voir attentivement les magnificences de notre Créateur". Or comme ils avaient pénétré à l'intérieur, ici et là, la mer leur apparut de verre, en raison de sa limpidité, si bien qu' ils pouvaient voir tout ce qui était dessous. Car ils pouvaient considérer les fondements de la colonne, et l'extrémité du filet semblablement s'enfonçant en terre. La lumière du soleil n'était pas moins forte à l'intérieur qu'à l'extérieur. Alors, Saint Brendan mesurait une ouverture à travers le filet; elle était carrée, de quatre coudées de côté.
LES DEUX PRESENTS : LE CALICE ET LA PATENE
Donc ils naviguaient durant tout le jour, longeant un côté de cette colonne, et à travers l'ombre, ils pouvaient sentir la chaleur du soleil, qui la traversait. Ainsi jusqu'à la neuvième heure. L'homme de Dieu mesurait un côté, de mille quatre cents coudées. La mesure était identique pour les quatre côtés de cette colonne. Ainsi, durant quatre jours, oeuvrait (92) le vénérable père, aux quatre angles de la tour. Or, au quatrième jour, ils découvrirent un calice, de la matière du filet, et une patène de la couleur de la colonne, posés sur une fenêtre, sur le côté de la colonne face au Sud. Et ces vases, aussitôt, Saint Brendan les prit, disant : "Notre Seigneur Jésus Christ montre ce miracle et, afin qu'il soit montré à plusieurs pour qu'ils y croient, Il m'a donné ces deux présents". Aussitôt l'homme de Dieu invita ses frères à accomplir le service divin, et après, à refaire leurs corps, parce qu'il n'y avait aucun désagrément à prendre de la nourriture ou de la boisson, après avoir vu cette colonne.
CHAPITRE XXX
NAVIGATION FAVORABLE VERS LE NORD
Puis, la nuit passée, les frères commencèrent à naviguer à la rame, face à l'étendue septentrionale. Or, comme ils avaient traversé une ouverture, ils dressèrent le mât, les voiles, et quelques-uns parmi les frères tenaient les agrafes du filet, jusqu'à ce qu'ils eurent tout arrangé dans le navire. Une fois le mat dressé et les voiles tendues, un vent favorable commença à souffler derrière eux, de sorte qu'ils n'avaient nul besoin de naviguer à la rame, mais seulement de tenir les cordes et le gouvernail.
L'ILE DES FORGERONS (93)
Ainsi se laissaient-ils porter durant huit jours; dès lors ils virent une île non 1oin d'eux, entièrement rouge, rocheuse et pleine de scories, sans arbre ni herbe, couverte d'ateliers de forgerons. Le vénérable père dit à ses frères : "Voyez, frères; J'ai l'angoisse de cette île; c'est pourquoi je ne veux pas y aller ou même en approcher. Mais le vent nous y pousse en droite ligne". Donc alors qu'ils passaient vite devant, et à distance d'un jet de pierre, ils entendirent le sifflement des soufflets, semblable aux fracas que produisent tonnerre et maillets de fer. A ces bruits, le vénérable père s'arma du trophée du Seigneur, disant en se signant (94) : " Seigneur Jésus Christ, délivre-nous de celle île ".Or, une fois la prière de l'homme de Dieu achevée, voici qu'un des occupants de l'île sortit, comme pour accomplir quelque travail; il était entièrement hirsute, géant et noir. Mais lorsqu'il vit les disciples du Christ passer à côté de l'île, il revint dans son atelier. L'homme de Dieu, à nouveau, se prépara (95) et dit à ses frères : "Fils, tendez les voiles en haut, et en même temps naviguez à la rame dès que possible; fuyons cette île". Plus rapide que ces paroles, voici que le barbare s'avança vers le rivage, dans leur direction, portant une tenaille dans ses mains, serrant une masse en feu tirée d'une roche dont la taille et la chaleur étaient prodigieuses. Aussitôt, sur les disciples du Christ, il jeta la masse. Mais elle ne leur nuit pas. En effet, elle passa au-delà d'eux, à environ un stade de distance. Et, quand elle tomba en mer, la mer commença à bouillonner, comme si une montagne de feu se fut éboulée là, et une fumée s'élevait de la mer comme d'un four en feu. Alors comme l'homme de Dieu s'éloignait d'environ un mille au-delà du lieu où la masse tomba, tous ceux qui étaient sur l'île, coururent au rivage, portant chacun leurs propres masses. Ils jetaient après les disciples du Christ les masses dans la mer, à tour de rôle jetant leur masse, et, sans cesse ils revenaient à leurs ateliers, qu'ils faisaient rougeoyer, et l'île apparut alors comme si entière, elle brûlait à la façon d'une forge; et la mer bouillonnait comme un chaudron plein, plein de viande et bouillonnant d'avoir été mis sur le feu; et ils entendaient, tous le jour durant, l'immense hurlement venu de l'île, et même quand ils ne pouvaient plus la voir, même jusque là le hurlement des habitants à leurs oreilles arrivait, ainsi qu'une immense puanteur à leurs narines. Alors le saint père réconfortait ses moines en disant : "Soldats du Christ, prenez appui dams la vraie foi, et dans les armes spirituelles, puisque nous sommes aux confins des enfers; c'est pourquoi veillez et agissez courageusement". Le lendemain, leur apparut une montagne haute sur l'océan, face à l'étendue septentrionale, non loin, pour ainsi dire au milieu de légers nuages. Mais elle était entièrement couverte de fumée au sommet, et aussitôt, en une course très vive, le vent les conduisit au rivage de cette île-même, jusqu'à ce que le navire s'arrêtât non loin de la terre. Car la rive était d'une si grande hauteur qu'à peine en pouvaient-ils voir le sommet; et elle était de la couleur du charbon, d'une prodigieuse grandeur, s'élevant à pic comme un mur. Un des trois frères qui restait de ceux qui suivirent Saint Brendan hors du monastère, descendit du navire en exil et se mit à marcher jusqu'à la base du rivage, Il se mit à hurler : "Malheur à moi, je suis perdu et m'éloigne de vous, je n'ai pas la possibilité de revenir". Les frères aussitôt conduisaient le navire en arrière, loin de la terre et criaient, disant : "Pitié pour nous, Seigneur, pitié". Alors le vénérable père et ses compagnons regardaient comment le malheureux était emmené par une multitude de démons vers les tourments, et comment il était brûlé au milieu d'eux; et Saint Brendan disait : "Malheur à toi, fils, puisque tu as trouvé une telle fin méritée pour ta vie " A nouveau les saisit un vent favorable vers l'étendue australe. Mais comme ils regardaient l'île s'éloignant derrière eux, ils virent la montagne sans voile de fumée, et jetant des flammes écumantes jusque vers l'éther, et à nouveau, avalant ces mêmes flammes, de sorte que la montagne entière jusque dans la mer, paraissait être un bûcher.
JUDAS ISCHARIOT (96)
Donc comme Saint Brendan naviguait face au Sud, leur apparut en mer une silhouette, comme celle d'un homme assis sur une pierre, et leur apparut une toile loin devant lui, de la taille environ d'un manteau, pendant entre deux petites fourches de fer, et ainsi était-elle agitée par les flots comme c'est coutume pour un navire qui fait l'épreuve d'un tourbillon. Certains des frères disaient que c'était un oiseau, d'autres pensaient à un navire. Comme l'homme de Dieu les entendait discourir ainsi, il s'écria : "Cessez de discuter, dirigez la course du navire jusque vers ce lieu". Or, comme l'homme de Dieu s'en approchait, ils restèrent alentour, pour ainsi dire figés. Et ils découvrirent un homme assis sur une pierre, hirsute et difforme, et les flots de toutes parts quand ils tombaient en glissant sur lui, le frappaient jusqu'à la nuque, et quand ils le découvraient, apparaissait cette pierre nue, sur laquelle le malheureux était assis. Le haillon, qui, devant lui, pendait, parfois le frappait aux yeux et au front. Le bienheureux Brendan en vint à lui demander son nom, quelle faute le condamnait à cet exil ici, quel motif l'obligeait à subir si grande pénitence. Il lui répondit : "Je suis le très malheureux Judas et l'homme du très mauvais négoce. Ce n'est pas à mon démérite que je dois ce triste lieu, mais en vertu de la miséricorde ineffable de Jésus Christ. Ce lieu ne m'est pas compté comme lieu de peine, mais il est dû à l'indulgence du Rédempteur, en l'honneur du dimanche de la Résurrection". Car c'était alors dimanche. "En effet il me semble, quand j'occupe ce lieu-ci, être pour ainsi dire dans le jardin des Délices, à côté de la peur des tourments qui seront miens, ce soir. Car je brûle comme une masse de plomb liquéfiée, dans un creuset, jour et nuit, au milieu de la montagne que vous avez vue. Léviathan s'y tient avec son escorte. J'y fus quand il avala votre frère, et l'enfer avait tant de joie qu'il vomit des flammes immenses, et ainsi fait-il toujours quand il dévore les âmes des impies. Or j'ai ici mon soulagement, chaque dimanche, du soir jusqu'au soir, et de la Nativité du Seigneur jusqu'à la Théophanie, et de Pâques jusqu'à la Pentecôte, et le jour de la Purification de la mère de Dieu ainsi qu'à l'Assomption. Après et avant je suis supplicié dans les profondeurs avec Hérode et Pilate, Anne et Caïphe. C'est pourquoi je vous adjure, par le Rédempteur du monde, de bien vouloir intercéder auprès du Seigneur Jésus Christ, de façon que j'aie la possibilité de rester ici jusqu'à la naissance du soleil demain, afin que les démons, durant votre venue, ne me supplicient pas et ne me conduisent pas vers le mauvais héritage que j'ai préparé pour un mauvais argent". Saint Brendan lui dit : " Que la volonté du Seigneur soit faite ! " Cette nuit, tu ne seras pas la proie des démons jusqu'au matin". A nouveau l'homme de Dieu l'interrogeait, disant : "Que signifie ce haillon ?" Il répondit : " Ce haillon, je l'ai donné à un lépreux quand je fus au service du Seigneur. Cependant ce n'était pas le mien que je donnai. Car il appartenait au Seigneur et à ses frères. C'est pourquoi, de cela, je n'ai aucun soulagement, mais plutôt une gêne. Car les fourches sur lesquelles pend le manteau, je les ai données aux prêtres du temple, pour y suspendre des chaudrons. La pierre sur laquelle je suis assis, je l'ai mise sur l'ornière d'une voie publique, sous les pieds de ceux qui la passaient, avant d'être disciple du Seigneur". Mais comme l'heure du soir obscurcissait Thétys, voici qu'une multitude innombrable de démons couvrit la face de Thétys, en un cercle vociférant et disant : " Eloigne-toi de nous, Homme de Dieu, car nous ne pouvons pas approcher de notre compagnon, tant que tu ne t'éloignes pas de lui. Nous n'avons pas osé voir le visage de notre prince, jusqu'à ce que nous lui ayons rendu son ami. Quant à toi, tu nous as enlevé le but de notre course (2). Ne le défends pas, cette nuit !" L'homme de Dieu leur dit : "Je ne le défends pas mais le Seigneur Jésus Christ lui a concédé d'être ici, cette nuit, jusqu'au matin". Les démons lui disent : "Comment invoques-tu le nom de Dieu au-dessus de lui, alors qu'il est celui-là même qui a trahi le Seigneur ?" L'homme de Dieu leur dit : "Je vous prescris, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, de ne lui faire aucun mal jusqu'au matin". C'est pourquoi, une fois la nuit passée, comme l'homme de Dieu commençait à partir, voici qu'une infinie multitude de démons couvrit la surface de l'abîme, poussant des cris horribles et disant : " Homme de Dieu, maudits soient ta venue et ton départ, car notre prince, cette nuit, nous a flagellés de coups très durs, parce que nous ne lui avons pas présenté le captif maudit". Et l'homme de Dieu leur dit : "Ce n'est pas à nous que convient votre malédiction mais à vous-mêmes en personne. Ainsi celui que vous maudissez, celui-là est béni, et celui que vous bénissez, celui-là est maudit". Les démons lui répondirent: "Le malheureux Judas supportera double peine dans les six jours, puisque vous l'avez défendu durant la nuit passée". Le vénérable père leur dit : "Vous n'aurez pas ce pouvoir ni votre prince, mais ce sera le pouvoir de Dieu". Puis il ajouta : "Je vous prescris, au nom de notre Seigneur Jésus Christ, et à votre prince, de ne pas l'accabler de tourments plus grands qu'auparavant". Ils lui répondirent : "Es-tu le Seigneur de tout, pour que nous obéissions à tes paroles ?" L'homme de Dieu leur dit : "Je suis son serviteur et tout ce que je prescris en son nom, arrive vraiment; j'ai le ministère de ce qu'il me concède". Et ainsi les démons le suivirent jusqu'au moment où ils ne pouvaient plus voir Judas. Alors les démons revinrent, enlevèrent l'âme malheureuse, au milieu d'eux, avec force violences et hurlements.
PAUL L'ERMITE
Or Saint Brendan, avec ses compagnons de combat, navigua face à l'étendue méridionale, glorifiant le seigneur en tout. Puis le troisième jour, apparut une île petite, face au Sud, au loin. Et comme ils commençaient à naviguer à la rame avec plus d'ardeur et qu'ils approchaient de l'île, Saint Brendan leur dit : "Hommes, mes frères, ne fatiguez pas outre mesure vos corps. En effet, vous avez suffisamment de peine. Depuis sept ans déjà, nous sommes partis de notre patrie, dès que le jour très proche de Pâques viendra. Et pourtant vous verrez Paul l'Ermite spirituel, habitant cette île, sans aucune nourriture corporelle, depuis soixante ans. Et les trente années précédentes, il reçut sa nourriture d'une certaine bête". Or, comme ils approchaient du rivage, ils ne pouvaient trouver aucun accès, vu la hauteur de la rive. Cette île était d'autre part extrêmement petite et circulaire, d'un stade environ de diamètre. Rien ne s'élevait de terre mais la pierre nue, semblable au roc apparaissait. Mêmes largeur et longueur, même hauteur. Or, comme ils allaient en naviguant à la rame, autour de l'île, ils trouvèrent un port si resserré qu'ils eurent peine à placer la proue de l'embarcation, et ils trouvèrent une montée très périlleuse à gravir. Alors Saint Brendan dit à ses frères : "Attendez ici jusqu'à ce que nous revenions vers vous. En effet il ne vous est pas permis de traverser l'île sans la permission de l'homme de Dieu qui demeure en ce lieu". Et comme le vénérable père était parvenu au sommet de cette île, il vit deux grottes, face à face quant aux entrées, sur le côté de l'île orienté vers le lever du soleil, une source très petite, circulaire, semblable à une coquille, surgissait de la roche, et l'homme de Dieu y puisait. Puis comme Saint Brendan s'approchait de l'entrée d'une grotte, de l'autre sortit un vieillard sur le Seuil, venant à sa rencontre, disant : "Voyez comme il est bon et doux pour des frères d'habiter unis ensemble "(98). A ces mots, il invita Saint Brendan à ordonner à tous ses frères de descendre du navire et de venir. Puis après des baisers communs, et i1 appelait chacun de son propre nom. Lorsque les frères l'entendirent, ils admirèrent profondément, à la fois son don de prophétie, et son apparence. Il était tout entier recouvert de cheveux, de barbe et de tous les autres poils, jusqu'aux pieds - ces poils étaient blancs comme la neige en raison de sa très grande vieillesse -. L'on ne voyait de lui que le visage et les yeux. Il n'avait pour tout vêtement que les poils issus de son corps.
LE RECIT DE PAUL L'ERMITE
Mais Saint Brendan, voyant cela, fut attristé, se disant en lui même "Malheur à moi car je porte l'habit de moine, et sous moi sont assemblés bien des gens au nom de cet ordre alors que nous voyons, dans un état angélique, un homme de chair, siégeant jusqu'à présent sans être blessé par les vices corporels". L'homme de Dieu lui dit : "O vénérable père, que de merveilles étonnantes Dieu t'a montrées, qu'Il n'a manifestées à aucun des saints pères. Ainsi tu prétends en ton coeur ne pas être digne de porter l'habit de moine, alors que tu es plus grand qu'un moine. Car un moine, du labeur de ses mains se sert et se revêt. Mais Dieu, de ses secrets, depuis sept ans te nourrit toi et ta famille. Quant à moi, misérable, je suis assis comme un oiseau sur cette roche, nu, couvert de mes seuls poils". Alors Saint Brendan l'interrogeait sur son arrivée, en lui demandant d'où il venait, depuis combien de temps il avait supporté ici une telle vie. Il lui répondit : "Je fus élevé dans le monastère de Saint Patrick (99), durant cinquante ans, et je gardais le cimetière des frères. Or un jour, comme mon supérieur m'avait désigné le lieu d'une sépulture pour y enterrer un défunt, m'apparut un vieillard qui me dit : " Ne fais pas la fosse ici, frère, car c'est celle d'un autre ". Je lui dis "Père, qui es-tu?" Alors il me répondit : "Pourquoi ne me reconnais-tu pas ? Ne suis-je pas votre abbé ?" Je lui dis : "Saint Patrick fut mon abbé". Alors il me répondit : "C'est moi. En effet, hier j'ai quitté le siècle. Mais voici le lieu même de ma sépulture. Tu feras ici la sépulture demandée par notre frère et ne dis à personne ce que je t'ai dit. Mais demain, va au rivage de la mer et là tu trouveras un navire, dans lequel tu entreras, qui te conduira au lieu où tu attendras le jour de ta mort". Alors au matin, selon le précepte du saint père, je suis allé au rivage, et j'ai trouvé une embarcation comme il me le prédit. Puis, comme j'étais embarqué, j'ai commencé par naviguer durant trois jours et trois nuits. Ce temps achevé, j'ai abandonné le navire là où le vent voulut le jeter. Puis, au septième jour, apparut cette roche où j'ai aussitôt abordé; l'embarcation fut abandonnée et repoussée de mon pied pour qu'elle s'en retournât d'où elle venait. Sur-le-champ, je la vis en une course très rapide sillonner les eaux à travers les flots pour revenir en sa patrie. Quant à moi je restai ici. Vers la neuvième heure, une loutre m'apporta une nourriture de la mer, c'est-à-dire un poisson dans sa bouche, et un petit fagot de sarments pour faire un feu, entre ses pieds antérieurs, marchant sur les deux pieds postérieurs. Comme elle avait posé devant moi le poisson et les sarments, elle retourna d'où elle venait. Quant à moi, je pris un fer, frappai le silex, enflammai les sarments, et préparai pour moi ce poisson pour m'en nourrir. Ainsi, durant trente ans, tous les trois jours, ce même serviteur apporta ces mêmes aliments, à savoir un poisson pour trois jours. Je mangeai un tiers du poisson chaque jour, et je n'avais nul besoin de boire (100). Mais le dimanche, sortait du sol un peu d'eau de cette pierre, et j'avais moyen d'en tirer de la boisson et de remplir une petite cruche pour le service des mains. C'est aussi après trente ans que j'ai découvert ces deux grottes et cette source. C'est par elle que je vis, et que j'ai vécu depuis, durant soixante ans, sans prendre d'autre nourriture que de cette source. En effet, je suis depuis quatre vingt dix ans sur cette île; trente ans je me suis nourri de poisson, et soixante ans j'ai bu de cette source. J'avais cinquante ans dans ma patrie. Le total des ans de ma vie fait cent quarante ans. Et ici je dois ainsi, comme il me fut promis, attendre le jour du jugement, dans cette chair. C'est pourquoi poursuivez votre route jusqu'à votre patrie, et emportez avec vous des vases pleins de cette eau. Elle vous sera, en effet, nécessaire, puisque désormais il vous reste à cheminer durant quarante jours, jusqu'au samedi de Pâques. Vous célébrerez alors le samedi saint de Pâques là où vous l'avez célébré durant six ans, et puis, une fois la bénédiction de votre intendant reçue, vous irez vers la terre de Promission des Saints, et là vous resterez quarante jours, et ensuite, le Dieu de vos pères vous conduira sains et saufs sur la terre de votre naissance. "
CHAPITRE 35
LA CELEGRATION DES FETES ET L'AIDE DE L'INTENDANT
(LA NAVIGATION SUR JASCONIUS)
Donc Saint Brendan avec ses frères, une fois la bénédiction de l'homme de Dieu reçue, se mit à naviguer face au Sud pendant quarante jours entiers, et leur embarcation était emportée ici et là, et ils avaient comme seule nourriture l'eau qu'ils prirent sur l'île de l'homme de Dieu, refaisant leurs forces tous les trois jours, sans aucune faim ni soif, tous demeurant dans la joie. Alors, comme l'avait prédit l'homme de Dieu, ils arrivèrent à l'île de l'intendant au jour du Samedi Saint. Quand ils parvinrent au port, ce dernier, à leur rencontre, vint avec une grande joie, et il les tira tous du navire de ses propres bras. Le divin office du jour saint achevé, il leur offrit un repas. Une fois le soir venu, ils montèrent dans l'embarcation, et avec eux cet homme. Or comme ils naviguaient, ils rencontrèrent vite la bête à l'endroit habituel, et là ils chantèrent des louanges à Dieu, la nuit entière, et des messes au matin. Une fois la messe achevée, Jasconius se mit à suivre sa route, et tous les frères qui accompagnaient Saint Brendan, en vinrent à appeler le Seigneur, disant : "Exauce-nous, Dieu, notre Sauveur, Espoir de tous ceux qui habitent aux confins les plus reculés de la terre et de l'Océan"(101).
CHAPITRE 36
LA TERRE DE PROMISSION
Saint Brendan encourageait ses frères, disant "Ne redoutez rien. Car vous n'aurez aucun mal, mais (Jasconius) va nous être une aide pour notre voyage". En droite course, la bête parvint jusqu'au rivage de l'île des oiseaux. Et là, ils demeurèrent jusqu'à l'octave de Pentecôte. Une fois le temps des solennités passé, l'intendant qui les accompagnait, dit à Saint Brendan : "Montez dans l'embarcation et remplissez les outres de cette eau. Car je serai cette fois le compagnon de votre chemin ainsi que votre guide. Sans moi, vous ne pourrez pas trouver la Terre de Promission des Saints". Or à leur embarquement, tous les oiseaux de cette île comme d'une seule voix disaient : "Le Dieu de notre salut nous fera un chemin favorable". Saint Brendan et ses compagnons, naviguèrent vers l'île de l'intendant, lui-même vint avec eux, là ils prirent des vivres pour quarante jours. D'autre part leur navigation était face à l'étendue orientale durant quarante jours. En outre, l'intendant lui-même les précédait. Puis les quarante jours passés, le crépuscule approchant, l'obscurité les saisit grande au point de rendre difficile la vue de son prochain. Alors l'intendant dit à Saint Brendan : "Savez-vous ce qu'annonce cette obscurité ?" Saint Brendan dit : "Qu'annonce-t-elle ?" Alors il dit : "Cette obscurité entoure l'île que vous recherchez depuis sept ans". Après un espace d'une heure, à nouveau, une lumière immense les entoura, et le navire s'arrêta au rivage. Puis une fois descendus du navire, ils virent une terre merveilleuse d'aspect, couverte d'arbres lourds de pommes (102), comme au temps d'automne. Et, comme ils parcouraient cette terre, aucune nuit ne leur advint.
CHAPITRE 37
LE JEUNE HOMME DU FLEUVE
Ils ne cueillaient que des pommes, et buvaient aux sources. Et ainsi, durant quarante jours, ils parcouraient en tous sens la terre et ne pouvaient pas en découvrir l'extrémité. Puis un jour, ils arrivèrent à un grand fleuve dont la courbe s'enfonçait vers le centre (103) de l'île. Alors Saint Brendan se tourna vers ses frères et dit : "Ce fleuve, nous ne pouvons pas le traverser et nous ignorons la grandeur de cette terre. Comme intérieurement ils désiraient savoir, aussitôt un jeune homme se présenta à leur rencontre, les embrassant avec une grande joie, et il appelait chacun par son nom et disait : "Heureux ceux qui habitent dans ta demeure. Dans les siècles des siècles ils te loueront (104)". Après ces mots, il dit à Saint Brendan : "voici la terre que tu as recherchée depuis longtemps. Certes ce n'est pas immédiatement que tu as pu la trouver, parce que Dieu a voulu te montrer ses divers secrets sur l'Océan immense. Ainsi, retourne vers la terre de ta naissance, emporte avec toi des fruits de cette île, et des pierres précieuses autant que ton embarcation peut en prendre. Approchent, en effet, les jours de ton départ, afin que tu dormes avec tes pères. Puis, au retour de bien des années, cette terre sera révélée à vos successeurs, quand surviendra la persécution des chrétiens. Le fleuve que vous voyez divise cette île. De même qu'elle se montre à vous mure de par ses fruits, de même, éternellement, aucune ombre de mort n'y a demeuré. Car le Christ en est la lumière". Alors ils prirent des fruits de cette terre et toutes sortes de pierres précieuses, et ils quittèrent l'intendant et le jeune homme après bénédiction; puis Saint Brendan avec ses frères, monta dans l'embarcation et se mit à naviguer au milieu de l'obscurité. Or, comme ils achevaient leur traversée, ils vinrent en l'île appelée île des Délices. Et là, pendant trois jours, ils obtinrent une entière hospitalité; puis une fois la bénédiction reçue, Saint Brendan, en droite ligne, revint en son lieu.
CHAPITRE 38
LE RETOUR DE SAINT BRENDAN ; SA MORT
Or ses frères eurent grand plaisir à l'accueillir, glorifiant Dieu qui, avec tant d'amour, ne voulut pas leur ôter la vue de leur père, dont ils avaient été privés si longtemps par son absence. Alors le bienheureux, les remerciant de leur tendresse, raconta tout ce qui était arrivé, et il rappela aussi les nombreux signes prodigieux de miracles, que le Seigneur jugea digne de lui montrer en route. Enfin, en un témoignage précis il indiqua (105) aussi selon la prédiction du jeune homme, la rapidité de sa mort, et la terre de Promission des Saints. Et c'est ce que l'évènement confirma, car, lorsque toutes les dispositions eurent été prises après lui, après un bref intervalle de temps, fortifié par les sacrements divins, entre les mains de ses disciples, glorieusement il alla vers le Seigneur, à qui sont honneur et gloire pour les siècles des siècles.
Amen.
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NOTES
(1)"Nepos signifie "petit-fils/Neveu"; nous choisissons "petit-fils" en raison de l'usage indo-européen de nommer père et grand père d'un homme pour préciser son identité. Mais il existait en Irlande la pratique du "fosterage" qui consiste à confier à l'oncle maternel l'éducation des enfants : dans ce cas, "neveu" est le mot exact ou "disciple"(l.7).
(2) L'expression latine "stagnili regione" semble traduire le V. Irl. " Traeg Lee " (Tralee) (Au sud-ouest de l'Irlande) du nom de la rivière Ly qui coule dans le Comté du Munster (Les Mumenensiens)
(3)Voir Introduction.Tuffrau traduit:"Oratoire" (Certamen en latin) . " Combat spirituel en lui-même ?)
4)L'expression latine "Saltus virtutum" semble traduire le V. Irl. " Cluain Ferta " (Clonfert-Galway).
(5)Dans le texte, "diversi"(divers) correspond au latin classique "complures" cf. Orlandi op. cit. p. 155.
(6)"Pomum" en Latin Classique signifie "fruit", mais désignera au Moyen-Age " la pomme ", surtout dans la littérature celtique.
(7)Ce passage est nécessaire au sens de la phrase. Le ms. d'Alençon qui l'omet est donc fautif.
(8)Il est difficile de savoir si " Là-bas ", représente le Paradis ou déjà l'île des Délices; dans le premier cas Barinthus répond aux moines de Mernocatus; dans la second, il s'adresse à Saint Brendan et lui parle des Délices de l'Insula Deliciosa. Nous optons pour la première solution sans pouvoir l'argumenter spécialement. La phrase suivante (commençant par " ibi ") nous parait désigner cette fois l'Ile des Délices.
(9) Ps.145-17
(10): Des traces de versification (syllabique) apparaissent dans ce passage,
(11): Math 10 - 37-38.
(12): Ende reçut vers 490 en don les îles d'Aran du roi Oengus Mac Nat-Fraeche, premier roi(chrétien) du Munster - (Cf. Selmer op. cit. p., 100); Plummer a édité la vie (Vitae Sctrum Hiberniae t. II p. 60-75). La visite de Saint Brendan à Ende a été rapprochée de la visite d'Enée au " sacerdos " (Eneide III - 80 sqq) ou de Mael Duin au druide (Maalduin - Ch. I - Trad. F. Lot Cours de Littérature Celtigue t. V p. 449 500.)
(13)Montagne dans la péninsule de Dingle (Kerry) - Selmer o.c. p. 84.
(14) Le terme exact serait "nager".
(15) Nous traduisons "gubernamus" (gouvernons) par "dérivons" qui est plus conforme à l'idée d'une navigation confiée aux caprices des vents. D'ailleurs il est fort possible que "gubernamus" soit mis à la place de " gubernata " gouvernail typiquement celtique (comportant un puits de guidage et des mèches permettant de diriger deux barres parallèles au navire ).-Comme le dit La Vita Prima Sancti Brenda,i (ms. du (XIVs.) - Ed. Plummer V.5 Hiberniae t. I Oxford 1910 - Le sens serait donc : " rentrez les rames et le gouvernail " Voir Etudes Celtiques XVI l979 pp. 287-291. Les navires celtiques du Haut Moyen-Age, Gildas Bernier.
(16)Des traces d'une versification syllabique apparaissent dans le texte latin de ce chapitre.
(17)Le texte dit " domus "(demeure, maison); le mot désigne pourtant ici un intérieur. Notez aussi que cette " pièce " est comparée à un bijou serti dans des métaux précieux travaillés. Curieuse image servant à l'émerveillement.
(18)Le mot "frenum" parait traduire un mot du V. Irl. Signifiant " un collier, une chaîne " selon Selmer (o.cit. p. 85 note 27) et Zimmer (op. cit. p.180) Mais le " frein " fut aussi un motif décoratif dans le monde Irlandais (cf. Fr. Henry L'art irlandais. Ed. Comité des Relations Culturelles d'Irlande. Dublin 1954. P. 40-41.
(19)Il est possible aussi de traduire : "Que le Père ne pense pas qu'un vol puisse porter atteinte à notre voyage."
(20)Tout le passage est versifié , semble-t-il, aussi.
(21) Math.8 -28-32. Les démoniaques changés en pourceaux.
(22)Le jeune homme s'identifie par la suite à l'intendant qui vient à leur aide, chaque an, à la veille de Pâques, et qui les conduira à la terre de Promission.
(23) : Le texte sépare nettement "vigiles et messes" placées au début de la phrase, de "sa Résurrection" placée à la fin. Effet de style certain (crescendo final.)
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(24)Des traces de versification syllabique sont observables dans ce chapitre.
(25)Nouveau chapitre versifié, semble-t-il.
(26)Dans les Bestiaires du Moyen Age, héritiers du Physiologus Latinus (III°s ap.JC) ce genre d'animal est souvent décrit; Philippe de Beauvais (1200) écrit sur le monstre - La Lacovie - : " son cuir est recouvert de sable... elle fait émerger son dos de sorte que les navigateurs croient qu'il s'agit d'une île recouverte de sable. Ils font un grand feu et cuisent leurs aliments. Quand la bête sent et éprouve la chaleur du feu, elle plonge au plus profond de la mer... " (Coll. Stock + n° 35 1980 pp. 48-49).
(27)La croyance aux esprits s'accompagne d'une matérialisation de l'Esprit (sous la forme, du "corps") qui est une forme supérieure de l'Amour Divin. Doctrine conforme au Traité de la Résurrection des morts de Tertullien.
(28)Psaume 64-1 Hvmne d'action de grâce,
(29)Psaume 50-17
(30) Psaume 148-2 Louange cosmique.
(30)Psaume 148-2 Louange cosmique.
(31)Psaume 139-17 ou 90-17.
(32)Psaume 46-7.
(33)Psaume 46-2 : Reconnaissance de la Création ; ou Ps.66-2.
(34)Psaume 132-1
(35)Le texte latin dit "il est fort" (soit "fortis est") bien que l'auteur semble vouloir dire "il est interdit"(ce qui correspondrait à la "Geis" irlandaise, sorte de tabou religieux ou d'interdit magique) voir infra " L'Ile des Hommes Forts" - Ch. 24 n. 20.
(36)Le pouvoir des eaux tel qu'il est ici décrit, a été rapproché des traditions indo-européennes, où l'eau, avant d'être contenue, est le "liant" par excellence.(Racine Wer = lier; var: eau; "fir" en V. Irlandais signifie serment, vérité.(F) " orkon " en grec a le même sens; le dieu indien Varuna "lie"les menteurs.) H. Wagner (Etudes Celtiques 29 p. 764) écrit : "l'eau des sources serait associée à la science et à la vérité révélée, comme le montrent les légendes irlandaises", et il ajoute que le mot "trioth" en Vieil Irlandais signifie à la fois "roi" et "mer".
(37)S'agit-il de la même source aux vertus nutritives relevées par Saint Brendan (Ch. XII,1. 15-16), puis condamnée pour la perte de conscience qu'elle entraîne (Ch. XIII, 1. 17-18 p. 19) par l'oiseau, alors que Saint Brendan l'emportait pour laver pieds et mains ? L'intendant a pu leur apporter une autre eau, mais l'énigme demeure.
(38)Des traces de versification apparaissent dans ce chapitre.
(39) Psaume 64-6.
(40)La prophétie de l'oiseau porte sur 8 mois de navigation (1. 12), Saint Brendan navigue trois mois et quarante jours pour atteindre l'île d'Albe. En fait le texte, peu soucieux de se contredire, vise à nous faire perdre ces points de repère temporels.
(41)D'autres mss. portent "loin du port" ("a portu") et non "en partie" ( " in parte " d'écriture fort semblable à "a portu").
(42)Cette Hymne de procession serait propre aux monastères Irl. selon Selmer (p. 87 note 43) et ne peut pas être trouvée dans les Ecritures. Comme tout l'épisode fait penser à la Règle de Saint-Benoît(silence, travaux faits avec le jour, accueil), on pourrait espérer en trouver l'origine dans ce contexte-là.
(43) Saint Jean 13-64.
(44)Des traces de versification sont observables dans ce chapitre.
(45)Saint Patrick vécut vers 385-461; Saint Albe, lui meurt vers 527. Même épisode dans le Voyage des Hui Corra, Revue Celtique n° 14 p, 56-69. L'Ile d'Albe a été assimilée aux Feroë ou à l'Islande.
(46) Cf. Ezechiel 48 - 16; Apoc. 4 -4.
(47) Psaume 37 - 23 Prière dans la détresse.
(48) Psaume 4.- 9 Prière du soir : " En paix je me couche, aussitôt je m'endors"/ Ps, 105-6 Confession nationale "Nous avons failli à nos pères, Nous avons dévié, renié"/ Judith 7 - 19 Le Siège de Béthulie "Dieu qui nous punit à cause de nos fautes / Baruch 2 - 12 La Supplication-Prière des exilés//.
(49)La croyance aux "esprits" est plusieurs fois mentionnée dans la Navigation. Cf. Ch. XII : L'île des Oiseaux. note 2.
(50) Exod. 3 - 2. Le Buisson Ardent.
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(51)Traces de versification dans la première moitié du chapitre.
(52)Psaume 67 - 36. La Glorieuse Epopée d'Israël
(53)Daniel - 3.
(54) Math. 24-81
(55)Apoc. -7 - 10. Le Triomphe des Elus du Ciel.
(56)Psaume 117 - 27 . La Liturgie pour la fête des tentes.
(57)Le Bestiaire de Guillaume Le Clerc (1210) décrit ainsi la " serre " monstre habitant la mer : "Quant elle voit des nefs et des dromons faire voile sur la mer, elle déploie ses ailes au vent et fait voile ... en direction du navire; le vent la porte ... Elle vole longtemps de cette manière jusqu'à ce qu'il ne lui soit plus possible d'aller plus loin; alors elle retombe, la mer l'absorbe.." Coll. Stock + pp. 71-72.
(58)Les sonorités de la phrase latine sont particulièrement expressives "Jactabat de naribus spumas et scultabat undas velocissimo cursu..."
(59)Expression tirée des Evangiles.
(60)La célèbre Oratio Sancti Brendani (45 invocations d'Abel aux Macchabées), - Ed, MORAN - Acta Sancti Brendani - Dublin 1872 - semble provenir de ce passage de la Nav. Cette prière ou "lorica" (cuirasse contre les dangers matériels et spirituels) suit une structure analysée par D. Gougaud.
- Etude sur les loricae celtiques - in Bulletin d'ancienne littérature et d'archéologie chrétiennes - 1911, pp. 265 - 281 : invocation au Créateur; vie du Christ; Mérite des Saints ; beauté de la Nature; appel à la protection divine; énumération des dangers; litanies; invocation à la Trinité. Le texte de la Nav. annonce déjà cette structure,
(61)Cette phrase est omise dans notre ms. La ms. de Gand nous la livre.
(62)Saint Brendan reste 3 mois sur cette île, donnant 3 " signes " prophétiques à ses compagnons; or ces derniers semblent vérifier le lendemain de leur arrivée la disparition du monstre, et le surlendemain, découvrir le poisson échoué; ils repartent 3 jours après. Leur séjour a donc été de 5 jours et non de 3 mois. Le texte, en fait, ne se soucie guère, de ces incohérences internes, ou bien, veut modifier notre perception du temps.
(63) Des traces de versification dans la première moitié du chapitre.
(64)Psaume 83 - 8 : -Chant de Pèlerinage (Trad. Ed. Pirot).
(65)Psaume 66-1 : Prière collective après la récolte annuelle.
(66) Psaume 69 2 : Cri de détresse.
(67)Psaume 115-1 : Action de grâce.
(68)Psaume 129 - 1 :
(69)Psaume 132-1 : La Vie fraternelle.
(70) Psaume 147-12 : Hymne au Tout Puissant.
(71)Psaume 64-2 : Hymne de gâce
(72) Psaume 103-1: Les Splendeurs de la Création.
(73) Psaume 112-1: Au Dieu de Gloire et de Pitié.
(74)Psaume 148-1 : Louange cosmique.
(75)Psaume 149-1 : Chant Triomphal.
(76)Psaume 150-1 : Doxologie finale.
(77)Psaume 50 - 1.
(78)Psaume 70 - 1. Cri de détresse.
(79)Psaume 89 - 1. Fragilité de l'homme.
(80)Psaume 46 - 2. Yahvé roi d'Israël.
(81)Psaume 53 - 3. Appel en Dieu justicier.
(82)Psaume 114- 1. Action de grâces.
(83) Antienne " Ad Communionem" dont le texte initial serait rimé . (Ed. Warren The Liturgy and Rival of the Celtic Church p.178):
"Hoc sacrumet Salvatoris Sanguinem
Sumite vobis in vitam perennem."
Dans l'Antiphonaire de Bangor et le ms.1394 de St Gall, d'origine irlandaise, il en est ainsi. D'où provient la correction " aeternam " ? cf. P. Grosjean An. Boll. t 78.)
(84)L'expression demeure énigmatique. CF. note 8. Ch. XIII.
(85)Le texte est oublieux du nombre exact des compagnons de Brendan : 14 + 1 (2 d'entre eux ont déjà quitté le navire). Symbolique des nombres ?
(86) Le chapitre est, semble-t-il, versifié, dans sa première moitié.
(87) S'agit-il de grenades ?
(88)29 Juin.
(89)Passage difficile à traduire. Deux possibilités s'offrent : "mettant leur tête vers la partie postérieure en un cercle"; "mettant leur tête en cercle, assis sur le postérieur".
(90)Ce thème appartient à bien des folklores (la colonne est l'Axe du Monde) et des littératures (grecque, arabe, européenne médiévale etc..)
(91) Cette description rappelle la Bible : Ezechiel 40,41; Apoc.21 La Jérusalem Céleste.
(92)Quelle interprétation donner à cette activité ? Pourquoi ces mesures ?
(93)Episode à rapprocher de l'île de Polyphème (Odyssée IX), des Cyclopes de l'Enéide (III - 639 sq.), de la mythologie germanique, celtique etc.
retour chapitre XXX
(94)Il est possible de traduire "à quatre reprises" ( " in quattuor partes ").
(95)Le texte dit " s'arma " - (se armavit) concentration spirituelle - cf. supra "Prenez appui... dans les armes spirituelles". L'expression " trophée du Seigneur ", présente chez Tertullien, désigne la croix.
(96)L'Eglise d'Orient (Les Orthodoxes), les légendes musulmanes, l'imagination populaire, accordent aux damnés un répit dans leurs peines selon une "théologie du sentiment" (expression d'A. Graf Miti leggende a superstizioni - Turin - 1892). Les Pères de l'Eglise s'interrogèrent sur l'éternité des peines : le Concile de Constantinople (V° siècle) opte pour cette doctrine, en partie, indépendamment du sentiment populaire.
(97) Le texte est incertain. Il s'agit peut-être de "morsum" (= notre proie).
(98)Psaume 132-1 : La Vie fraternelle.
(99)Evangélisateur célèbre de l'Irlande (387 - 461). Saint Paul l'ermite étant resté 90 ans sur son île depuis la mort de Saint Patrick, le voyage de Saint Brendan se situe donc vers 551. Saint Brendan aurait 65 ans.
(100)Deux traductions sont possibles : "il n'y avait rien à boire"; "aucun besoin de boire n'était".
(101)Psaume 64 - 6. (Ed. Pirot et Clamer. Letouzey et Ané, 1951). Trad. de la Bible d'Osty : "Dieu de notre salut, Espoir de toutes les extrémités de la terre, et des îles lointaines".
(102)"Pommes" ou "Fruits"? Nous avons choisi la première traduction au regard de la littérature celtique où le thème de "l île aux pommes" est fréquent.
(l03) Passage difficile à traduire : "le fleuve se courbe au travers du milieu de l'île" dit le texte.
(104)Psaume 85 - 5. Annonce de la Maison du Seigneur.
(105)S'agit-il d'une rédaction écrite de son voyage ? Le verbe latin "notare" peut avoir ce sens.
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